Les morales révélées

« passe la nuit dans les cavernes, mangeant de la cltair de porc et ayant dans ses uases des mets impurs :., et ailleurs contre ceux c qui mangent de la chair de porc, des cho­ ses abominables et des souris :..

Or, le porc et la souris se trouvent justement dans la liste des animaux dits c impurs :.

c'est-à­ dire, au fond, taboués.

Les prescriptions de · l'Ancien Testament t·elatives aux relations sexuelles témoignent également de la survivance d'une prémorale.

L'épisode des filles de Loth, qui depuis Vol­ taire fait la joie des anticléricaux, n'a en réalité rien de licencieux.

La fille alnée dit a la cadette : c Faisons boire du vin à notre père et couchons avec lui, afin que nous conservions la race de notre père :..

Il ne s'agit donc pas d'un inceste au sens où nous l'entendons, d'autant plus que, des œuvres d'un père ivre et (le texte est for­ mel) qui ne se rend pas compte de ce qu'il fait, naissent deux fils dont l'un fut l'an­ cêtre · des Moabites, l'autre l'ancêtre des Ammonites.

Il n'y avait donc, pour les con­ temporains, rien d'immoral dans cette aven­ ture.

Quant à Onan, s'il négligeait la veuve de son frère, qu'il avait da épouser sui­ vant la loi du léuirat, c'était c afin de ne pas donner de postérité à son frère :., car il savait que c cette postérité ne serait pas à lui :..

La loi du lévirat prévoyait en ef­ fet que le premier-né issu du remariage de la veuve devait porter 'le nom et recevoir l'héritage du mari défunt.

On voit com­ bien l'examen attentif des textes peut mo­ difier une opinion courante.

Parmi d'autres vestiges d'une prémorale, citons la réglementation de l' c impureté :.

féminine : c Lorsqu'une femme deviendra enceinte et qu'elle enfantera un mAle, elle sera impure pendant sept jours ..• Le huitième jour, J'enfant sera circoncis.

La mère res­ tera encore trente-trois jours à se purifier de son sang.

Si elle enfante une fille, elle sera impure pendant deux semaines...

et elle restera soixante-six jours à se purifier de son sang :..

On remarquera que la nais­ sance d'une fille double le volume du mana maléfique de la mèrt>.

On trouve même, dans Ir Deutéronome, une survivance des mutilations et des tatoua­ ges que s'infligent les primitifs : c Vous n,e ·vous ferez point d'incisions dans votre chair pour un mort et vous n'imprimerez point de figures sur vous :..

Des tabous ves- timentaires : c Une femme ne portera point un habillement d'homme et un homme ne mettra point de vêtement de femme :.

...

c Tu ne porteras point un vêtement tissu de diverses espèces de fils :.

...

c Tu mettras des franges aux quatre coins du vêtement dont tu te couvriras :..

De curieuses pres­ criptions relatives aux animaux, et dont le sens peut sembler obscur : c Si un homme couche avec une bête, il sera puni de mort et vous tuerez la bête:..

-c Si une femme s'approche d'une bête pour se prostituer à elle, tu tueras la femme et la bête.

- c Tu n'attelleras pas ensemble un âne et un bœuf ,.

-- c Si un bœuf frappe de ses cornes un homme ou une femme et que la mort en soit la suite, le bœuf sera la­ pidé ,.

Citons enfin un tabou sur les ins­ truments tranchants : c Si tu m'élèves un autel de pierre, tu ne le bâtiras pas en pier­ res taillées; car, en passant ton ciseau sur la pierre, tu la profaneras :..

En somme, la morale de l'Ancien Testa­ ment se présente à nous sous quatre aspects différents : tabolliste, avec les affleurements sporadiques d'un substratum magique; mo­ saïste, avec les dix commandements d'ordre général et les méticuleuses prescriptions relatives au mariage, à la propriété, aux fêtes et aux sacrifices; pratique, avec les conseils un peu terre-à-terre de.s Prover­ bes; enfin, prophétique, avec l'appel puis­ sant et frénétique de ceux que Iahvé a chargés de fustiger les méchants et de chan­ ter les justes.

La Loi et les Prophètes, disent les Juifs en parlant de l'Ancien Testament.

Distinc­ tion fort juste et que la typographie de nos Bibles souligne en mettant la première en prose et la seconde en vers.

Les prophè­ tes, en effet, sont des poètes, des gens à illusions; leurs invectives étaient trop vio­ lentes et leurs vaticinations trop tragiques pour ne pas dépasser le but; leur voix cla­ mait dans le désert et l'Hébreu c moyen :., sous sa vigne et son figuier, se contentait d'observer la Loi et, surtout, de ne pas man­ ger de porc et de ne pas se livrer aux trente-neuf occupations interdites le jour du sabbat.

Si les prophètes se montraient si pas­ sionnés à défendre les droits de Iahvé, c'esl que ce Dieu était national, exclusivement et jalousement national, et que son peuple devait lui être soumis corps et Ame.

Mais un autre prophète, plus grand que tous ceux qui l'avaient précédé, allait paraltre. »