Les hommes pourraient-ils vivre sans gouvernants ?
Publié le 20/08/2013
Extrait du document
«
puissance supérieure sa liberté naturelle et ses droits.
Ainsi Hobbes, armé de sa grille de lecture de la
nature humaine, pose l’homme comme foncièrement égoïste dont le déploiement « naturel » ne peut que
débouche r dans une multiplication de conflits locaux, à ce que le philosophe anglais décrit comme
« Homo homini lupus ».
Le recours à un gouvernement trouve sa justification dans l’instinct de survie,
dans la recherche naturelle d’ une puissance extérieure et supérieure à tout individu, pour assurer la paix et
la sécurité.
Son Souverain cumule le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif pour circonscrire des lois
positives qui rendent possible l’existence sociale.
Dès lors, l’indivi du ne peut jamais se prévaloir d’un
droit naturel quelconque, puisqu’il y a pas précisément renoncé pour assurer sa propre conservation et sa
tranquillité.
Le Souverain, qui a reçu de ses sujets la totalité de leurs forces naturelles pour leur propre
survie, ne constitue pas seulement le droit : il le fait naturellement respecter, puisqu’il concentre en sa
personne toute la puissance de l’État.
Selon cette thèse, les hommes doivent être gouvernés car seuls les
individus s’entredéchireraient.
Même s’il l’on ne présuppose pas, en l’homme initial, un principe de discorde, un égoïsme profond
et insurmontable, comme le pense pourt ant Schopenhauer, il faut admettre qu’un homme seul se dépouille
de son humanité.
M.
Tourni er dans son roman, Vendr edi ou l es limb es du P acifique, a excellemment
montré que l e projet d e se soustrair e à tout forme d’aut orité pour se replier sur soi condamne l’individu à
s e dissoudre dans la nature , au point de devenir une chos e parmi l es choses.
Ce qu’à un niveau plus
conceptuel , Marx rejette sur le mode de la « robinsonnade » , à savoir l’utopie qui repose sur une
conscience supérieure réorganisant la réalité, tout en niant le besoin spécifiquement humain selon son
histoire d’être un être fondamentalement social .
Assurément, il est en l’homme un penchant à
l’égocentrisme, au nombrilisme, mais il faut, en la matière, reprendre la question de l’homme originaire.
L’homme est -il enclin à la sociabilité naturelle ? Y a t-il en lu i une tendance à accepter de renoncer à ce
qu’il est naturellement pour s’assujettir à un e autorité souveraine ? Rousseau va repr endre à nouveaux
frais cett e que stion d e la sociabi lité naturelle des hommes.
Dans le Second Discours, il opère un e
descr iption de l’homm e à l’état d e nature selon une hypothès e de p ensée qui n’a rien à voir ni ave c
l’histoir e ni av ec l’anth ropologie.
L’homme pris dans l’état de natur e n’est ni bon ni mauvais, il n’ est pas
plus socia ble qu’il n’ est insociable, pour la s eule raison qu’ il vit dans la solitude , et que la natur e e st
suffisamment généreus e pour lui fournir tout c e dont il a b esoin.
Mais il dispose e n lui de la qualité d e
« perfectibilité » , c’ est -à -dir e d’une qualité d e se pe rfe ctionner qui se manif est e en fonctions de s
circonstanc es historiques.
En imaginant d’une part que l’ homme initial doit se défendr e contr e les agr essions extéri eures
naturell es mais que cela lui est impossible, d e l’ autre, de s changements dans son milieu qui l’obl igent à
fuir vers d es régions dem eurées hospitalières où il rencontre s es semblables, il fait de la constitution des
pr emièr es sociétés une solution pour la simple survie.
Dès lors la question de meure de savoir d’où vient
l’origine d’ un gouvernement.
L’homme ne doit -il pas alors être gouverné ?
Nous le savons, pour les Grecs, l’individu est prenant de la Cité.
Il ne peut exister et s’épanouir
que dans une société.
Dans La République , Platon se heurte expressément à cette question du statut d’une
form e de gouvernement juste qui assurerait à chaque citoyen son individualité.
Le penseur grec montre les
avantages que présente, pour chaque homme, la vie en régime sociale : gain de productivité pour chaque
métier qui se spécialise, production croissante, ép anouissement de chacun selon ses dispositions, etc.
Mais
lorsqu’il s’agit de gouverner cette société, il faut tenir compte des défauts propres à l’humanité, et
notamment de l’existen ce de ses besoins et tendances liés inévitablement à son existence charnel le : pour
instaurer une société juste, il faut selon le principe du meilleur, confier la direction du gouvernement aux
plus avertis, c’est -à -dire aux philosophes, non seulement parce que leurs intérêts ne vont pas dans le sens
des intérêts part iculiers, mais aussi et surtout parce que, au cours de leur parcou rs, ils possèdent un savoir.
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