Les hommes peuvent-ils échapper à l'histoire ?
Publié le 02/03/2009
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Le problème philosophique fondamental posé par l'histoire est de dire si elle a un sens ou si elle n'est qu'une suite incohérente et absurde d'événements. C'est ce problème qui est au cœur de la question de savoir si les hommes peuvent ou non échapper à l'histoire, car pour pouvoir échapper à l'histoire, il faut que l'histoire existe, c'est-à-dire qu'elle ne se réduise pas à une simple succession de faits, de changements dépourvus de liens entre eux, produits du seul hasard. Alors, en effet, l'histoire perdrait toute consistance, et notre sujet tout sens. C'est pourquoi la réponse à cette question dépendra de notre conception de l'histoire. Nous examinerons donc les différentes conceptions possibles.
- 1) conception fataliste
a) L'histoire comme « moïra «
b) L'histoire comme « eïmarmenê «
- 2) conception théologique : Augustin, Bossuet
a) Du destin à la Providence b) L'instauration de l'histoire
- 3) conception métaphysique : Hegel
a) Connexion externe et connexion interne b) L'histoire comme réalisation de l'Esprit
- 4) conception matérialiste : Marx
a) Critique de Hegel b) Les hommes font l'histoire tout en étant des produits de l'histoire c) Sens et fin de l'histoire
«
• Le recours à la Providence me permet toujours, certes, de « découvrir » après coup dans le chaos desévénements un sens et une cohérence susceptibles d'en faire une histoire.
Mais, comme le notait Hegel à propos dela doctrine chrétienne de la Providence, « son objet est la Fin ultime, en soi et pour soi absolument universelle.
Lareligion ne va pas plus loin que cette représentation générale et se contente de sa généralité » (La Raison dansl'Histoire éd.
10-18, p.
66).• De fait, le postulat d'une Providence ne me permet de poser qu'une connexion globale des événements, puisquecette connexion leur est extérieure.
Il ne me permet pas de comprendre l'enchaînement même des événements dansleurs connexions particulières.
Si bien que l'histoire continue de m'apparaître comme un chaos : la fin de l'histoire,c'est-à-dire le dessein de la Providence, m'est intelligible, non l'histoire elle-même dans son déroulement réel, ce quirevient encore à dire d'une certaine manière que l'histoire n'existe pas.
b) L'histoire comme réalisation de l'Esprit
• Il convient donc de dépasser la Providence appréhendée comme connexion externe et d'affirmer l'existence d'uneconnexion interne des événements.
Car, en dernière analyse, observe Hegel, la foi en la Providence, « c'est la foi enceci : l'histoire est le produit de la Raison éternelle et la Raison a déterminé ses grandes révolutions » (id.).
C'est enposant cette connexion interne du processus historique et en dégageant sa logique propre, la dialectique, que Hegelfonde véritablement l'histoire.
« Pour la première fois (note Engels) la totalité du monde naturel, historique etspirituel est représentée comme un processus, c'est-à-dire comme comprise dans un mouvement, un changement,une transformation et un développement incessants, et la tentative est faite de démontrer la connexion internedans ce mouvement et dans ce développement.
»• Cependant, en faisant de ce processus une manifestation du processus de réalisation, de l'Esprit, c'est-à-dire de «la marche graduelle par laquelle il parvient à sa vérité et prend conscience de soi », Hegel admet que c'est cetEsprit qui mène l'homme et le monde.
Les hommes ne sont que les instruments et les moyens de cette réalisation.L'homme ne peut véritablement faire l'histoire, il ne peut que la penser : si l'histoire a un sens, elle reste bien pour luiun destin auquel il ne peut échapper.
4) conception matérialiste : Marx
a) Critique de Hegel
Je puis toutefois soutenir avec Hegel l'existence d'une connexion interne dans le processus que constitue l'histoiretout en refusant d'identifier ce processus à une réalisation de l'Esprit, en refusant en d'autres termes de saisir le réelcomme le résultat de cette réalisation, ainsi que le fit Marx qui écrit : « Pour Hegel, le processus de la pensée, qu'iltransforme même, sous le nom d'Idée, en un sujet indépendant, est le démiurge de la réalité, qui ne constitue plusque son apparence extérieure.
Pour moi, inversement, l'idéal n'est rien d'autre que le matériel traduit et transposédans la tête humaine.
»
b) Les hommes font l'histoire tout en étant des produits de l'histoire
• Dans ces conditions, pour Marx, l'histoire n'est pas un processus extérieur, ni une suite d'événements imprévisiblessurvenant à une essence prédéfinie : l'homme, comme le voulait un Bossuet, mais elle entraîne une diversité decirconstances produisant une diversité d'hommes.
Car il n'existe pas de nature humaine générique et prédéfinie.
«L'essence de l'homme, note Marx, n'est pas une abstraction inhérente à l'individu isolé.
Dans sa réalité, elle estl'ensemble des rapports sociaux » (VIe thèse sur Feuerbach).
Mais si « les hommes sont des produits descirconstances », il convient de ne pas oublier que « ce sont précisément les hommes qui transforment lescirconstances » (IIIe thèse).m Ainsi les hommes font-ils l'histoire tout en étant des produits de l'histoire.
« Ce n'est pas, soyez-en certains, nousdit Marx, l'histoire qui se sert de l'homme comme moyen pour réaliser - comme si elle était une personne à part - sesfins à elle ; elle n'est que l'activité de l'homme qui poursuit ses fins à lui.
» (La Sainte Famille, Ed.
Sociales, p.
116).
c) Sens et fin de l'histoire
L'histoire m'apparaît ainsi « comme un processus de la nature obéissant, en substance, aux mêmes lois demouvements qu'elle » (Engels, Etudes philosophiques, Ed.
Sociales, p.
155).
Le « sujet universel » de l'histoire, c'estl'humanité, la société humaine en lutte contre cette nature dont elle fait pourtant partie ; son moteur, ce sont lesforces de production économique ; ses moments, ce sont ceux des rapports sociaux de production qui s'exprimentpar la lutte des classes.
Sa fin, c'est l'instauration d'une société sans classe où chacun recevra selon ses besoins.Ce processus m'engage, et donc me conditionne.
Mais je contribue aussi bien à son déroulement en réalisant par mavolonté une possibilité dans laquelle je m'objective.
L'histoire a bien un sens, et ce sens donne un sens à monexistence personnelle.
Dans ces conditions, il est absurde de vouloir échapper à l'histoire : car j'y échappe dans lamesure même où je m'inscris en elle et la fais.
conclusion
Dans L'Être et le Néant (p.
629), Sartre observait que la question, si importante pour l'homme puisqu'elle gouvernedans une large mesure son engagement dans le monde, de savoir si l'histoire a un sens (et donc de savoir si l'hommepeut lui échapper) n'est pas résolue et qu'« elle est peut-être insoluble, puisque toutes les réponses qu'on y fait (y.
»
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