Les hommes ne vivent-ils que pour satisfaire leurs besoins ?
Publié le 11/11/2005
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Parler des « hommes «, c’est parler de l’espèce humaine en générale, s’efforcer de définir des caractéristiques qui valent pour son ensemble, l’espèce humaine étant comprise d’emblée comme une espèce à part, dotée de facultés qui la distinguent de toutes les autres espèces vivantes et, par conséquent, d’un rapport au monde complexe et singulier. L’expression « vivre pour « pose la question du but assigné à la vie. Il va donc falloir interroger la manière dont les hommes conçoivent et gouvernent leurs vies. Cette interrogation générale est précisée par la suite du sujet : l’expression « ne… que « est restrictive, elle propose une piste unique et nous demande de la valider ou de l’infirmer ; l’objet de cette restriction est le fait de satisfaire ses besoins. Les besoins peuvent se diviser en deux catégories : il y a d’abord les besoins naturels, nécessaires à la préservation de la vie – manger, boire, etc. – et d’autre part des besoins dont la non-satisfaction ne menace pas vraiment la vie – en ce sens ils ne sont pas nécessaires -, mais qui sont cependant perçus comme des besoins par ceux qui sont concernés par eux : on pourra penser par exemple au besoin de la sociabilité, au besoin de certains produits de consommation, ou encore, au besoin d’un produit dont nous serions dépendants. Etant donné que l’objet d’étude est l’espèce humaine, il faudra étudier le concept de besoin dans sa complexité, et ne pas le limiter aux besoins naturels nécessaires, qui sont pourtant les seuls besoins au sens strict du terme. Satisfaire un besoin, c’est se procurer ce que le besoin appelle de manière à ne plus l’éprouver. Ce sujet conçoit donc l’homme avant tout comme un être de besoins, dont l’existence serait gouvernée par la recherche permanente des objets capables de satisfaire les besoins qu’il connaît en permanence – y compris les besoins non-nécessaires, culturels. Il faudra décider si cette définition de la manière dont l’homme dirige sa vie est complète ou satisfaisante, ou bien, si au contraire, elle laisse de côté des aspects importants de l’être humain en adoptant sur lui un point de vue limité à la prise en compte du rôle que les besoins jouent dans son existence, rôle ramené à une simple recherche de satisfaction. L’homme ne peut-il pas avoir un rapport au besoin beaucoup plus complexe qu’un rapport de recherche de satisfaction ? Peut-on réduire le sens de l’existence humaine à une tentative permanente de satisfaction des besoins ? Le propre de l’homme ne serait-il pas, au contraire, de ne pas vivre seulement pour satisfaire ses besoins, mais de créer avec ses besoins un rapport plus complexe qu’un simple rapport de satisfaction, et de prendre en charge des préoccupations n’ayant rien à voir avec la satisfaction des besoins ?
«
être un rapport différent au besoin est-il possible – voir par exemple la fin du texte de Nietzsche.
Il faut doncmaintenant envisager la complexité de l'homme au besoin, l'homme étant une créature singulière, capabled'élaboration quand au monde qui l'entoure.
II.
La complexité du rapport humain au besoin empêche de penser que l'homme ne vit que pour sasatisfaction
Il y a lieu de penser le besoin autrement que comme un manque à combler immédiatement : le besoin peut aussi sepenser comme moteur, ou encore comme désir – il peut être l'objet d'une élaboration intellectuelle complexe de lapart de l'homme, qui empêche alors de penser que l'homme ne cherche qu'à satisfaire ses besoins.
De la mêmefaçon, l'homme est capable de penser ses besoins, éventuellement de les mettre à distance : le sujet attribue àl'homme une sorte de comportement réflexe à l'égard de ses besoins, qu'il semble falloir refuser.
Hegel, Principes de la philosophie du droit
« C'est une opinion fausse de penser que l'homme vivrait libre par rapport aubesoin dans l'état de nature où il n'éprouverait que des besoins naturels soi-disant simples et où il n'utiliserait pour les satisfaire que les moyens qu'unenature contingente lui procure.
Elle est fausse, même si l'on ne considère pasl'élément de libération qui est dans le travail dont on parlera plus loin.
Eneffet, le besoin naturel en tant que tel et sa satisfaction immédiate neseraient que l'état de la spiritualité enfoncée dans la nature et, parconséquent, l'état de sauvagerie et de non-liberté, tandis que la libertén'existe que dans la réflexion du spirituel en lui-même, dans sa distinctiond'avec la nature et dans son action réfléchie sur elle.
»
Transition : L'homme peut s'autoriser un rapport complexe avec ses besoins, qui va bien au-delà de la simple recherche de satisfaction, mais, plus encore,il peut mettre à distance certains de ses besoins, les évaluer, les critiquer, seretenir dans leur satisfaction.
L'homme se caractériserait donc avant tout parune capacité à ne pas satisfaire ses besoins.
III.
La capacité humaine à limiter les besoins et le souci de leursatisfaction
La philosophie a ainsi, traditionnellement, proposé une morale de limitation des besoins : il ne faut pas satisfaire lesbesoins naturels avec trop de raffinement, et il faut éviter de se créer des besoins artificiels en plus des inévitablesbesoins naturels.
C'est ainsi que l'homme, s'il veut conduire sa vie le mieux possible, doit chercher non pas àsatisfaire systématiquement ses besoins, mais à les régler, à les discipliner, voire à les supprimer lorsque cela estpossible.
Rousseau
« On croit m'embarrasser beaucoup en me demandant à quel point il faut borner le luxe.
Mon sentiment est qu'il n'enfaut point du tout.
Tout est source de mal au-delà du nécessaire physique.
La nature ne donne que trop debesoins ; et c'est au moins une très haute imprudence de les multiplier sans nécessité, et de mettre ainsi son âmedans une plus grande dépendance.
Ce n'est pas sans raison que Socrate, regardant l'étalage d'une boutique, sefélicitait de n'avoir à faire de rien de tout cela.
Il y a cent à parier contre un, que le premier qui porta des sabotsétait un homme punissable, à moins qu'il n'eût mal aux pieds..
»
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