Les hommes doivent-ils travailler pour être humains?
Publié le 24/03/2005
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Se demander si les hommes doivent travailler pour être humains revient à se demander si le travail n’est-il qu’une activité permettant la subsistance de l’homme, c’est-à-dire une annexe dans son existence, ou bien s’il représente-t-il l’activité par excellence à laquelle l’homme se livre ? Ainsi, quel rôle le travail joue-t-il pour l’humanité, autrement dit pour la définition de l’homme ?
Cela nous amène à considérer la valeur du travail en lui-même : possède-t-il une valeur positive, alors que souvent il est conçu comme pénible, voire harassant ? Cependant, il nous faut définir plus avant ce que l’humanité recouvre : qu’est-ce qu’être « humain « ? Cela s’oppose-t-il à l’idée d’un travail qui implique l’effort ? En somme, si le travail peut être perçu comme exigeant, n’offre-t-il pas toutefois les conditions mêmes de l’humanité ? Dans ces conditions, si le travail peut apparaître comme une activité dont l’homme se passerait volontiers, n’est-il pas malgré cela ce qui fonde son humanité ?
«
l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans sa ruche », explique Marx .
Il s'agit donc d'une activité consciente et réfléchie, qui présuppose une capacité à se représenter des fins.
Par le travail, l'homme extériorise ces fins, qui sontaussi les siennes : reprenant l'analyse de Hegel , Marx conclut que l'homme se produit lui-même, qu'il est le résultat de son travail, au sens où, pris dans la sphère des besoins naturels, l'homme conquiert son autonomie par son travail, en rusant la nature par l'intermédiaire de l'outil.
Letravail est donc aussi fondamentalement technique : c'est l'évolution de l'outil qui est le signe de l ‘évolution du travail.
Tant que ce sens de lanotion prévaut, le travail reste ce par quoi l'homme se libère des besoins.
Mais qu'à l'outil vienne se substituer la machine, et cette humanitédu travail peut être remise en cause si on comprend le travail comme englué dans une certaine réalité, celle de son organisation.
Tel est leproblème de Marx : il faut montrer comment le travail, proprement humain en lui-même, peut perdre cette humanité dans l'organisation capitaliste du travail. Le « travail social » est le travail considéré par Marx dans le cadre de cette organisation.
Ce à quoi renvoie l'expression, c'est la division du travail, à savoir la répartition des tâches telle que l'organise une économie avancée.
Ce contexte social explique que le travail, de concret,devienne abstrait, et, de libérateur, devienne aliénant.
L'aliénation, c'est la dépossession du caractère humain du travail.
En quoi alors letravailleur est-il aliéné ? Dans la division du travail, le travailleur n'est plus qu'un salarié, il n'est plus qu'une marchandise qu'on achète ; son travail ajoute à ce qu'il travaille une valeur ajoutée, que le capitaliste divise entre son profit et le salaire de l'employé.
Le travailleur est acheté, et il est doncaliéné ici en un premier sens : il est obligé de se vendre s'il veut survivre : « On trouve sur le marché un groupe d'acheteurs (capitalistes), et de l'autre côté un groupe de vendeurs n'ayant rien à vendre que leur propre force de travail », explique Marx .
Comme le travailleur est dépossédé des moyens de production, il ne vend pas son travail mais sa force de travail, cad une marchandise évaluable.
Le salaire, et c'est là la secondealiénation, ne rétribue pas la valeur du travail mais la force de travail : l'objet une fois produit, le capitaliste le revend à ce que l'on appelle savaleur d'échange, empochant un profit supérieur au salaire.
Le profit, c'est la différence entre la valeur d'usage et la valeur d'échange. Le travail que produit l'ouvrier est un travail concret, au sens où il produit des biens dont on peut se servir : son travail, comme travail concret, est donc créateur de valeur d'usage.
Mais, ce n'est pas sous ce rapport que son travail est pris en compte : l'objet intéresse lecapitaliste en ce qu'il a une valeur d'échange : la division du travail et le salariat transforment donc le travail du salarié de travail concret entravail abstrait.
Le travailleur est donc aliéné d'abord en ce qu'il est dépossédé de l'objet de son travail, et de ce qui lui permet l'objectivation :privé de l'effet en retour de son travail sur lui-même, le travailleur n'est plus libéré par son travail, mais au contraire son travail l'aliène. Mais le travailleur est aliéné en un second sens : le passage de l'outil à la machine lui fait perdre la maîtrise de la technique.
De moyen de ruser avec la nature pour se libérer, la technique devient ici un facteur d'aliénation, de perte de liberté.
Dans le passage des métiers, desateliers, du compagnonnage et des confréries au machinisme industriel, le travailleur perd la maîtrise de l'ensemble du processus et del'ensemble des moyens techniques : devenu parcellaire, son travail ne maîtrise plus la machine mais au contraire se trouve maîtrisé par elle :« Dans la manufacture et le métier, l'ouvrier se sert de son outil ; dans la fabrique il sert la machine », ajoute Marx . Dans le travail social, la technique prive l'homme de la jouissance de la communication et du choc en retour, cad des moyens de sa libération.
Pourtant, la machine sans sa valorisation par l'homme n'est que du « travail mort » : mais le travail vivant auquel sa valorisation par l'homme donne lieu n'a plus rien de libérateur.
Hegel le prophétisait déjà en quelque sorte : « enfin l'abstraction de la production fait le travail toujours plus mécanique et à la fin, il est possible que l'homme en soit exclu et que la machine remplace l'homme » ( « PPD » $198).
Le ver était donc déjà dans le fruit : tout en permettant d'un côté à l'homme de devenir lui-même en rusant avec la nature, la technique semble aussi être cequi risque de se réapproprier la notion de travail en en excluant l'homme. III – Le double mécanisme d'aliénation du travail chez Marx L'analyse du travail par Marx emprunte beaucoup à Hegel : l'idée est reprise que le travail accomplit l'homme, à la nuance près que le systèmecapitaliste ne le permet pas.
En effet, l'homme est libre si, comme nousl'avons dit, « la nature apparaît comme son œuvre et sa réalité » (Hegel) desorte qu' « il se saisit lui-même dans un monde qu'il a créé » (il s'agit de lareconnaissance).
Dans le système capitaliste, le travail ne rend pas humain,non pas à cause de sa nature, mais à cause du système dans lequel ils'insère. Selon Marx, le travail au sein du capitalisme conduit à l'aliénation du travailleur.
Cela veut dire 1° que le travailleur est dépossédé du produit de son travail (ce qu'il fabrique ne lui appartient pas) et 2° qu'il est dépossédé de lui-même , puisqu'il travail pour un autre, celui qui lui verse un salaire.
« En conséquence, nous dit Marx, l'ouvrier n'a le sentiment d'être lui- même qu'en dehors du travail et, dans le travail, il se sent en dehors de soi.
Ilest comme chez lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il ne se sentpas chez lui.
Son travail n'est donc pas volontaire, mais contraint, c'est dutravail forcé .
Il n'est donc pas la satisfaction d'un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail » [1]
Ainsi, le travail devient en lui-même un fait négatif.
Cela vient de ce qu'il est salarié, c'est-à-dire construit autour de la dépendance des ouvriersvis-à-vis du capital, et empêche la reconnaissance de l'individu libre etuniversel ainsi que celle de la richesse de son travail dans l'accomplissement de son essence. Le travail dénature l'homme et l'aliène.
«Le travail ne produit pas seulement des marchandises; il se produit lui-même et produit l'ouvrier comme unemarchandise.» Marx, Manuscrits de 1844..
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