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LES DIEUX CHEZ EPICURE

Publié le 19/03/2011

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epicure
Nous avons parcouru la nature entière et nulle part nous n'avons trouvé trace de l'action des dieux. Les atomes et leurs mouvements nous ont suffi pour rendre compte de la formation des mondes, comme de la naissance de la vie et du progrès humain. On s'attendrait donc à voir le matérialiste Épicure professer l'athéisme.  Épicure affirme, au contraire, l'existence des dieux; il s'applique à la démontrer; il est môme l'inventeur d'un argument, reproduit depuis lors par un grand nombre de philosophes spiritualistes, l'argument classique du consentement universel.

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« pourront-ils se réfugier pour jouir en paix et sans fin de leur béatitude? D'une manière assez inattendue, Épicurerépond qu'il y a des espaces sereins qui ne sont traversés par aucun mouvement d'atomes, ce sont ceux quiséparent les mondes. Dans les intermondes, les dieux vivent donc sans besoins, sans soucis, en nombre infini.

Comme il n'y a pas debonheur sans sagesse, de sagesse sans raison, de raison ailleurs que dans des corps de forme humaine, les dieuxont la forme humaine et parlent entre eux : car il n'y a pas de pensée sans langage.

Comme la plus belle des languesest la langue grecque, on peut supposer que les dieux s'entretiennent en grec. Les dieux ne connaissent pas la colère, parce que la colère suppose la crainte et que la crainte est incompatibleavec le bonheur.

Les dieux ne connaissent point davantage l'amour, parce qu'il n'y a que les faibles qui aient besoind'amis. Solliciter leurs faveurs par des sacrifices et par des prières, craindre leur animosité, n'est donc pas le fait de lavéritable piété.

Il n'y a rien de plus impie que la religion : car elle méconnaît la vraie nature des êtres bienheureux etimmortels.

Les prêtres et les dévots prêtent aux dieux leurs propres infirmités ; leurs tentatives pour se concilier lalaveur divine sont autant de blasphèmes.

La véritable piété, sur laquelle Épicure a rédigé un traité, ne consiste pasà vivre dans le tremblement, mais à regarder l'univers d'un œil assuré.

La vraie manière d'honorer les dieux comme ilsle méritent, est de les imiter et de tâcher de vivre en ce monde troublé avec la même impassibilité dont ils jouissentdans les intermondes. En proclamant l'existence des dieux, Épicure était-il sincère, ou ne prenait-il pas simplement une précaution contrele fanatisme religieux? D'après les principes posés par le philosophe lui-même, il est difficile d'admettre qu'il puisse yavoir dans l'univers des espaces à l'abri du mouvement des atomes, et que des corps composés comme ceux desdieux subsistent éternellement : Épicure ne se plaît-il pas à montrer que le monde, que l'âme sont, en raison de leurnature composée, voués à la destruction? Pour faire face à cette objection, il ajoute, il est vrai, que les dieux n'ontpas un corps, mais comme un corps, qu'ils n'ont pas, à proprement parler, du sang, des muscles et des os, maiscomme du sang, des muscles et des os.

Ces distinctions ne sont pas aisées à entendre et font soupçonner que celuiqui les a proposées se souciait surtout, en soutenant l'existence des dieux, d'échapper au sort d'Anaxagore, à celuide Socrate, aux cruels traitements que ses contemporains paraissaient disposés à faire subir aux athées.

Ce quifortifie cette hypothèse, c'est qu'Épicure professait une grande admiration pour Anaxagore, et que, d'autre part, laprudence était à ses yeux la première qualité du sage. Qu'il ait cru ou non à leur existence, les dieux, tels qu'il nous les décrit, jettent une vive lumière sur l'homme qu'ilétait et sur sa philosophie.

Il faut retenir d'abord cet argument par lequel Épicure démontre qu'ils n'ont pas pu créerle monde : « Où, dit-il, auraient-ils trouvé le modèle de la création? Comment auraient-ils pu savoir et concevoir cequ'ils auraient voulu faire? Comment auraient-ils jamais pu connaître la vertu des éléments et ce que les atomespeuvent produire par des arrangements variés, si la nature elle-même ne leur avait montré par des exemplescomment naissent les choses? » (Lucrèce, I.

V, v.

180-185.) Rien ne montre mieux que cet argument quelle idéeÉpicure se fait de l'intelligence ; il nie qu'elle soit une faculté d'invention, de création; il la regarde commeentièrement passive, comme incapable à jamais, même chez les dieux, de concevoir autre chose que ce que lessensations lui ont révélé.

A la manière dont se comportent ses dieux, on voit aussi avec netteté ce qu'Epicureentendait par la vie bienheureuse ; le bonheur, pour lui, consiste à se sentir vivre, à n'avoir ni besoins ni soucis, àne s'occuper d'aucune affaire; le bonheur n'est pas dans l'action, mais dans le repos.

Aussi, pour garder leurbéatitude, ses dieux s'abstiennent-ils de créer le monde.

Si Platon, au contraire, fait, dans le mythe du Timée,organiser le monde par le Démiurge, c'est que, pour lui, il n'y a de bonheur que dans Pacte généreux, dans le donsans espoir de retour, dans l'amour.

Pour Épicure, l'amour n'est rien de divin ; il n'est qu'une illusion humainedéterminée par un besoin physique.

La nature, en elle-même, n'est à aucun degré une harmonie, un concert, uneunion; elle est composée d'individus séparés, qui existent chacun pour soi; la partie n'y existe point pour le tout;l'univers n'est que la résultante des parties qui existent chacune en elle-même et pour elle-même.

Il n'y a pas deliaisons, autrement dit pas d'idées dans la nature; tout n'y est que matière.

Pour Platon, le fond des choses estamour, unité, tendance vers le bien ; pour Épicure, le fond des choses est hasard, anarchie, individualisme, égoïsme.La philosophie de Platon est une philosophie de confiance et de générosité ; celle d'Épicure, une doctrined'incrédulité et de découragement.. »

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