Les consciences peuvent-elles communiquer les unes avec les autres ?
Publié le 27/02/2008
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HTML clipboardL'étude de la personnalité aboutit à ce problème. Nous avons vu, en effet, qu'il n'y a pas de « situation « objective, que chacun perçoit, comprend et répond d'une manière particulière, ce qui met en question la possibilité même d'une communication des consciences. La vie quotidienne, tant qu'elle est engagée dans une suite d'actions habituelles et de réponses attendues, qui se situent dans les zones les plus superficielles du « moi «, nous relie par mille liens au monde et aux autres. Mais il est des instants où la personnalité profonde fait surface et saisit sur ces situations des significations indicibles. « Le monde devient alors pour nous angoissant, car la vérité de l'antique adage nous apparaît clairement : nous sommes condamnés à vivre et à mourir seuls «. Il y a des moments, dit Louis Lavelle (« Le mal est la souffrance «, 1945), où « nous nous apercevons que tous les visages que nous croisons sont indifférents ou étrangers, et nous sommes refoulés dans un isolement où aucun regard ne vient jamais croiser le nôtre «.
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4 — L'amour. Dans l'amour comme passion-passive, il y a rapprochement de deux êtres se complaisant dans la description et l'approfondissement de leur état ; il y a disparition de l'angoisse et de l'isolement, remplacés par laconfiance et la joie.
Mais l'amour ainsi considéré est enfermé dans un cerclé au double point de vue métaphysiqueet psychologique.Métaphysiquement : Aimer dans ce cas, c'est, comme dit Jean-Paul Sartre, vouloir posséder autrui en tant qu'êtrelibre ; or, on ne possède que les choses.
Sous le regard, sous la caresse, dans la volupté, l'autre s'objective etdevient uniquement corps, mais c'est son consentement libre, sa liberté même qu'exige le partenaire.
De là lesquestions éternelles des amoureux qui mettent en doute l'engagement de leur liberté respective.Psychologiquement : cette complaisance de l'amour pour lui-même (« Aimer, c'est vouloir être aimé », Sartre) peutproduire un narcissisme indirect.
D'autre part, les amoureux finissent par constituer une société à deux, qui tend àse séparer de la société des autres hommes.
Elle prend peu à peu une forme secrète, dans laquelle tous les mots sechangent en allusions, tous les gestes en signes d'intelligence, et il arrive qu'on se dupe parce que l'épreuve del'action commune n'est pas venue faire éclater la complaisance que chacun éprouve pour soi sous prétexte d'aimerl'autre.— Après toutes ces communications illusoires, la solitude est souvent un refuge.
— III — La vraie communication.
La véritable communication ne peut se trouver sur le plan de lacomplaisance en soi, mais dans Faction et l'œuvre communes.
1 — L'action et l'épreuve me révèlent à moi-même et à autrui. L'événement fait surgir de chacun de nous des résolutions et des réactions qui quelquefois nous étonnent ; les opinions sur soi, les données de l'introspection, lepersonnage qu'on joue pour les autres, tout cela peut être faux et l'épreuve les déchire dès qu'elle est sérieuse.
2 — La réflexion me permet de trouver, au fond de la solitude du « moi », les structures humaines par la consciencedesquelles je me sens consubstantiel à l'humanité.Par la personnalité nous participons à une culture, mais au-delà d'elle, nous participons par le Je, à une puissanceillimitée de création, et la réflexion nous permet donc de trouver les fondements d'une communauté des esprits parle détour de cet infini.
3 — Le dialogue. S'il y a un dialogue qui est fait de l'enchevêtrement de deux monologues, il est une autre forme du dialogue qui consiste à éprouver la naissance d'idées nouvelles venues de la participation effective des esprits.
Il seproduit dans ces dialogues, une sorte d'excitation de la pensée personnelle par celle d'autrui; des solutions, desrésolutions ou des idées jaillissent en s'engendrant les uns les autres, dans l'approbation et la joie communes.
4 — L'action et l'œuvre. Par l'action et l'œuvre menées et effectuées ensemble, naît enfin la communication signe de la communauté authentique : coopération des époux dans la lutte pour la vie, l'éducation et la protection desenfants ; fraternité de lutte forgée au feu des épreuves affrontées ensemble (amitiés de collège, fraternité d'armes,solidarité de classe) ; coopération dans la construction d'un bien commun ou la réalisation d'un même idéal.
« Jetezdu blé aux hommes », disait Jaurès, « vous en ferez desennemis ; donnez-leur une cité à construire, vous en ferez desfrères.
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