L'erreur a-t-elle un rôle dans l'élaboration de la vérité ?
Publié le 07/02/2004
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L’erreur peut être apparentée à la fausseté. Elle coïncide avec la reconnaissance de ce qui est faux. En ce sens elle s’oppose à la vérité et peut difficilement y participer. Peut-on alors trouver une fonction de l’erreur qui permettrait de contester cette opposition première entre l’erreur et la vérité ? L’histoire des sciences et même la constitution d’une simple connaissance suppose que nous passions par différentes étapes. Cela veut donc dire que la vérité n’est pas immédiate mais construite. Or cette construction n’est pas sans embûches, sans obstacles. Au contraire c’est le fait même de constater ce qu’il ne fallait pas faire qui nous permet de savoir quel est le bon chemin. L’erreur en ce sens d’obstacle à la vérité est productive parce qu’elle permet de dessiner les contours de la vérité de l’extérieur. La vérité médiate pour être élaborée doit passer par un travail sur son contraire. L’erreur qui à première vue ne pouvait pas avoir une quelconque fonction à jouer dans l’établissement de son contraire, se révèle être bien plutôt un outil efficace permettant de nous éclairer dans la recherche de la vérité. Pour concilier cette caractérisation contradictoire de l’erreur nous devrons répondre à trois questions : Dans quelle mesure l’erreur peut-elle être considérée comme passage obligé dans le chemin vers la vérité ? La vérité est-elle figée ? L’erreur est-elle le moteur de la science ?
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«
[III.
La vérité scientifique comme erreur corrigée]
a.
Bachelard caractérise, reprenant volontairement un adjectif fortement marqué par le système hégélien, commedialectique l'histoire des concepts scientifiques et de la raison qui les élabore.
b.
Cela indique que la vérité scientifique procède par la correction des erreurs antérieures : en se détachant d'abordde la perception naïve et des premiers obstacles épistémologiques (généralisation prématurée, extension abusivedes concepts), puis en retravaillant les premières lois admises en fonction des progrès de l'observation, desnouvelles données expérimentales, etc.
Bachelard: La science ne progresse que par obstacles et ruptures
Si l'on doit à Descartes une philosophie de la conscience qui fonde la véritédans le sujet pensant, ainsi qu'une méthode, la démarche scientifiquemoderne n'est pas cartésienne.
L'analyse du morceau de cire montre lecaractère fugace des propriétés matérielles.
Rien de ce qui relève de lasensation immédiate ou de l'impression d'ensemble ne demeure permanent.Tout ce que l'entendement prétend connaître du morceau de cire, il ne faitque le tirer de lui-même, sans aucun apport de l'expérience : comme n'importe quel autre corpsmatériel, le morceau de cire est une portion d'étendue.
Cette étendue estproprement intelligible car elle ne se définit pas même par une grandeur ouune figure déterminée.
Descartes refuse l'expérience comme base de laconnaissance.
Or la connaissance scientifique procède par expériencesprogressives, classe les aspects de la diversité, immobilise afin de lesdistinguer les variables du phénomène.
Dans cette analyse du morceau decire, Descartes ne fait pas preuve d'esprit scientifique, car il commence pardouter de tout, n'ayant pu immédiatement saisir la simplicité et la constancede la chose observée.
La pensée scientifique ne se coupe jamais del'expérience, elle s'unit à elle pour découper l'objet en sa diversité et en sesmultiples caractères - c'est le rôle de
l'expérimentation - et elle reconstruit ensuite l'objet dans son caractère entier et organique pour restituer la totalitédu phénomène.
La science ne connaît pas sur la base immédiate de l'expérience, elle connaît en additionnant àl'expérience un grand nombre de techniques, d'hypothèses, de constructions mathématiques.
Ce qui est fugace etchangeant, ce sont les circonstances décousues de l'expérience, et non pas ses qualités matérielles qui peuventêtre, par un travail de l'esprit, exprimées en des relations coordonnées.
La science ne progresse que par obstacles et ruptures
La connaissance scientifique ne fait des progrès qu'à l'aide des obstacles auxquels elle se heurte.
Ces obstacles nesont pas simplement issus de la complexité des phénomènes, ni imputables à la faiblesse de nos sens et de notreesprit, ils sont inhérents à l'acte même de connaître.
"La connaissance du réel est une lumière qui projette toujoursquelque part des ombres." Aucune connaissance ne se donne de manière immédiate et pleine mais se révèle aprèscoup.
Il faut au préalable mettre en oeuvre un appareil de raisons pour que l'expérience puisse dévoiler quelquechose de clair et de certain.
Toute connaissance vraie s'établit ainsi par correction et réfutation de connaissancespréalables erronées.
La vérité ne s'atteint que par la réfutation d'erreurs, et l'histoire de la science en son progrèsest une longue et patiente correction d'erreurs.
La vérité de la science consiste dans un véritable repentirintellectuel.
Connaître, c'est connaître contre une connaissance antérieure.
Nulle pensée scientifique ne démarred'un point zéro ou d'une table rase des connaissances antérieures.
c.
Mais cela signale aussi qu'une vérité scientifique, même durable, peut être « fausse » dans sa prétentionprématurée à l'universalité : c'est alors cette prétention qu'il faudra corriger.
Ainsi, la mécanique de Newton, d'abordreconnue comme universellement valable, apparaît au contraire comme n'ayant de valeur qu'à une certaine échelle(en gros, la nôtre) à partir du moment où existe la mécanique relativiste d'Einstein (et selon le même mouvement, lamasse d'Einstein, pourtant plus «générale » que celle de Newton, se révèle à son tour « limitée » à partir destravaux de Dirac sur la « masse négative »).
d.
On retrouve ainsi dans la vérité scientifique une évolution comparable à celle que décrit Hegel à propos de lavérité philosophique : de même qu'un système antérieur comporte une ambition universelle dont ne serontmaintenus, parce que productifs, que certains aspects, une théorie scientifique se trouve corrigée par les théoriesultérieures, selon un processus dont on ne peut a priori concevoir la fin.
[Conclusion]
Quel que soit son domaine, la vérité résulte d'une lente et complexe élaboration, au cours de laquelle il lui faut se.
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