L'enthousiasme de PLATON
Publié le 05/01/2020
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Platon met en scène dans l'un de ses premiers dialogues, le personnage d'ion, qui est un rhapsode1, et celui de Socrate, le sage, qui essaie de faire comprendre à ce dernier quelle est la véritable signification de son art. Il approfondit ici la comparaison entre la fascination exercée par les poètes et les artistes et l'action de la pierre Magnétis, c'est-à-dire de l'aimant, avec son pouvoir d’attacher par une force mystérieuse.
Le rhapsode ne récite pas à proprement parler les œuvres des poètes, il se livre à des improvisations où la musique joue un grand rôle, il est à la fois acteur, chanteur, compositeur.
Ion : (...) Je les vois, à chaque fois, du haut de mon estrade, en train de pleurer, de lancer de terribles regards, tout frappés de stupeur, en m’entendant parler. Car il faut que je fasse attention à eux, et même très attention ! En effet, si je les fais pleurer, c’est moi qui serai content en recevant mon argent, mais si je les fais rire, alors c’est moi qui vais pleurer, en pensant à l’argent que j’aurai perdu !
Socrate : Sais-tu donc que le spectateur dont tu parles est le dernier de ces anneaux dont je disais qu’ils tirent leur puissance de la pierre d’Héraclée et se la transmettent les uns aux autres? L’anneau du milieu, c’est toi, le rhapsode et l’acteur. Le premier anneau, c’est le poète lui-même. Mais, par l’intermédiaire de tous ces anneaux, c’est le dieu qui tire l’âme des hommes jusqu’où il veut, car c’est bien sa puissance qui passe au travers de ces anneaux qui sont suspendus l’un à l’autre. (...) Ainsi, comme c’est le cas avec la pierre que j’ai mentionnée, il se forme une chaîne fort longue de choreutes, de maîtres et de sous-maîtres de chœur, rattachés latéralement aux anneaux suspendus qui dépendent de la Muse. En fait, tel poète dépend de telle Muse, tel autre d’une autre Muse - nous disons alors que le poète est « possédé », ce qui est tout près de la vérité, puisqu’il est tenu par sa Muse. Ainsi, de ces premiers anneaux que sont les poètes d’autres hommes dépendent, chacun étant suspendu à tel ou tel poète et inspiré par lui. Certains dépendent d’Orphée, les autres de Musée, mais la plupart sont possédés d’Homère et sont tenus par lui. Toi, Ion, tu es un de ceux-là, je veux dire que tu es un possédé d’Homère. Ainsi, chaque fois qu’on chante un autre poète, tu te mets à dormir et tu ne trouves rien à dire, mais dès qu’on te fait entendre un air de ce poète, aussitôt te voilà réveillé, ton âme se met à danser, et tu trouves facilement quoi dire.
Platon, Ion, 535e-536b, trad. Monique Canto, Garnier-Flammarion, 1989, p. 106-108.
1. « La fonction du rhapsode contemporain de Platon, récitant officiel d'Homère, était de rendre la poésie d'Homère accessible et émouvante plusieurs siècles après le moment probable de sa composition.» Monique Canto, Introduction à Ion, Garnier-Flammarion, p. 13.

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IoN: ( ...
)Je les vois, à chaque fois, du haut de mon estrade, en train de pleurer, de lancer de terribles regards, tout frappés de stu peur, en m'entendant parler.
Car il faut que je fasse attention à eux, et même très attention! En effet, si je les fais pleurer, c'est moi qui serai content en recevant mon argent, mais si je les fais rire, alors c'est moi qui vais pleurer, en pensant à l'argent que j'aurai perdu! SOCRATE: Sais-tu donc que le spectateur dont tu parles est le dernier de ces anneaux dont je disais qu'ils tirent leur puissance de
la pierre d 'Héraclée et se la transmettent les uns aux autres? L'anneau du milieu, é'est toi, le rhapsode et l'acteur.
Le premier
anneau, c'est le poète lui-même.
Mais, par l'intermédiaire de tous ces anneaux, c'est le dieu qui tire l'âme des hommes jusqu'où il
veut, car c'est bien sa puissance qui passe au travers de ces anneaux qui sont suspendus l'un à l'autre.( ...
) Ainsi, comme c'est le cas
avec la pierre que j'ai mentionnée, il se forme une chaîne fort
longue de choreutes, de maîtres et de sous-maîtres de chœur, rat tachés latéralement aux anneaux suspendus qui dépendent de la Muse.
En fait, tel poète dépend de telle Muse, tel autre d'une autre
Muse nous disons alors que le poète est« possédé», ce qui est
tout près de la vérité, puisqu'il est tenu par sa Muse.
Ainsi, de ces premiers anneaux que sont les poètes d'autres hommes dépendent, chacun étant suspendu à tel ou tel poète et inspiré par lui.
Certains dépendent d'Orphée, les autres de Musée, mais la plupart sont possédés d'Homère et sont tenus par lui.
Toi, Ion, tu es un de ceux là, je veux dire que tu es un possédé d'Homère.
Ainsi, chaque fois
qu'on chante un autre poète, tu te mets à dormir et tu ne trouves rien à dire, mais dès qu'on te fait entendre un air de ce poète, aus sitôt te voilà réveillé, ton âme se met à danser, et tu trouves faci lement quoi dire.
PLATON, Ion, 535e-536b, trad.
Monique Canto, Garnier-Flammarion, 1989, p.
106-108.
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
On peut distinguer dans cet extrait une description par
Ion de l'action de l'artiste sur les spectateurs, puis la reprise
de ses propos par Socrate, qui compare son action à celle de la pierre d'Héraclée.
Le lien de l'interprète à ses spec
tateurs est modifié à la lumière de cette comparaison.
Il.
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