L'ENGAGEMENT POLITIQUE CHEZ SARTRE
Publié le 14/04/2011
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La vie politique a pris, dans l'existence de Sartre, une telle dimension qu'il s'avère impossible de parler de l'écrivain sans évoquer simultanément les combats d'un homme engagé. Il ne s'agit pas là de deux voies parallèles, mais d'une seule réalité ; l'œuvre littéraire et les attitudes politiques de Sartre forment un tout. Ses livres s'inscrivent en effet dans un cadre précis qui nous renvoie sans cesse aux drames de ce temps. C'est parce que la politique appartient à notre monde quotidien qu'elle appartient aussi à l'univers sartrien. L'œuvre de Sartre, malgré le classicisme d'un style qui transcende l'histoire, renvoie à une époque qui passera. Ses personnages ne sont pas atemporels et les rencontrer, c'est retrouver des questions profondément actuelles et humaines, c'est surtout, peut-être, nous découvrir situés dans l'histoire. Sartre a puisé ses héros et ses sujets dans le théâtre du monde contemporain.
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stalinien où le mouvement révolutionnaire « s'est figé » en un nationalisme défensif ; ce régime dictatorial conduitainsi à ce que Sartre appelle une « révolution en panne » ou une « révolution en hivernage » ; à lire des textesrécents de Sartre, il semble bien que, selon lui, l'U.R.S.S.
ne soit guère encore sortie de cette hibernation prolongée.Le parti communiste reste ainsi la marmotte du mouvement révolutionnaire.
L'année 1948 sera très importante dans l'évolution politique de Sartre ; il rejoint en effet le groupe qui était àl'origine du Rassemblement Démocratique Révolutionnaire (R.D.R.).
C'est la première fois que Sartre se lance dans unmouvement politique où le travail de masse est privilégié ; il participe à plusieurs meetings.
Sartre et David Roussetseront les principaux responsables de ce rassemblement dont la référence n'est plus l'univers intellectuel, mais lemonde ouvrier.
Il y a là une prise de conscience très claire de la nécessité de la lutte des classes.
Un glissementvers la droite obligera Sartre à démissionner le 15 octobre 1949.
Il est bon de se rappeler que c'est en 1945 et 1949que paraîtront les trois premiers tomes des Chemins de la liberté ; Mathieu, le héros de ces romans, avance, luiaussi, sur une route où la liberté abstraite se transformera peu à peu pour dévoiler son vrai visage : celui de lasolidarité et de la responsabilité.
La technique stylistique du Sursis nous présente des personnages noyés dansl'univers historique qui les entoure ; Sartre souligne ainsi le fait mis naguère en évidence dans l'éditorial des Tempsmodernes : l'homme appartient à son époque, il est, qu'il le veuille ou non, dans la mêlée et aucun artifice ne peutl'arracher à son siècle.
On remarquera aussi, dans ces livres, l'importance de Brunet, membre du Parti Communiste ;ce personnage incarne en réalité l'esprit de sérieux d'un militant dont l'engagement a ruiné l'esprit critique ; unesorte de foi l'anime qui l'enfermera dans un dogmatisme finalement aveugle.
Si Mathieu est libre pour rien etreprésente une vaine disponibilité, Brunet, lui, manque sa liberté parce qu'il s'engage au Parti Communiste pour vivredes certitudes infaillibles, un impératif abstrait, un mot d'ordre et non pour être véritablement libre etpersonnellement responsable.
C'est la raison pour laquelle Mathieu pourra lui dire en riant, après l'avoir longuementécouté : « Tu parles comme un curé (...).
»
Sartre s'élève en 1950, avec Merleau-Ponty, contre l'existence des camps de concentration soviétiques.
Dès 1952,il lutte résolument contre la Guerre d'Indochine.
Il participe alors sans réserve à toutes les actions menées par leParti Communiste pour obtenir la libération d'Henri Martin ; ce soldat avait été emprisonné pour avoir distribué destracts contre la guerre.
La pression populaire, qui prit assez vite des proportions inquiétantes, força legouvernement à céder et à libérer Henri Martin.
Sartre, décidé à mettre les choses au clair et à démonter lesrouages d'un procès, publiera, en 1953, un livre trop peu connu où la polémique atteint un mordant exceptionnel :L'affaire Henri Martin.
Cet ouvrage collectif, où s'associent des signatures aussi diverses que celles de Bazin,Jeanson, Domenach, Madaule et Prévert, nous renvoie aux meilleurs pamphlets de la littérature française ; Sartresoutient très bien ici la comparaison avec le Voltaire de L'affaire Calas.
Le ton sarcastique et mesuré ne viole pas lesconsciences, mais les respecte à l'intérieur d'une très belle honnêteté intellectuelle.
Pendant cinq ans, les activitésde Sartre vont être essentiellement dominées par la politique ; le dialogue avec le Parti Communiste prendra uneplace essentielle dans une recherche à laquelle Sartre consacre le meilleur de son temps et de ses forces.
En 1952, Sartre publie aux Temps modernes la première partie d'une importante étude intitulée « Les communisteset la paix » et dont la totalité sera recueillie dans Situations, VI.
Il adopte là, dans un texte assez touffu et pastoujours très clair, une attitude moins négative et beaucoup plus accueillante que précédemment vis-à-vis du PartiCommuniste.
L'analyse et la polémique se conjuguent et s'équilibrent ici de manière assez heureuse.
Les bourgeoisnourris par un anticommunisme viscéral sont appelés des « rats visqueux ».
Sartre, sans la confondrenécessairement avec le Parti qui la défend, fait l'apologie de la classe ouvrière et écrit notamment ces lignes quirestituent bien le ton général de l'œuvre en question : « Dans la France d'aujourd'hui, la classe ouvrière est la seuleà disposer d'une doctrine, c'est la seule dont le particularisme soit en pleine harmonie avec les intérêts de la nation; un grand parti la représente et c'est le seul qui ait mis à son programme la sauvegarde des institutionsdémocratiques, le rétablissement de la souveraineté nationale et la défense de la paix, le seul qui se préoccupe dela renaissance économique et de l'augmentation du pouvoir d'achat, le seul enfin qui vive, qui grouille de vie, quandles autres grouillent de vers : et vous demandez par quel miracle les ouvriers suivent la plupart de ses consignes ?Moi, je pose la question inverse et je demande ce qui les empêche de les suivre toujours.
» C'est peu de tempsaprès la publication de ces pages que Sartre prendra conscience de ce qu'il a appelé sa névrose, projettera Lesmots et abandonnera le culte d'une littérature absolutisée.
Sartre est nommé président de l'association France-U.R.S.S.
en 1954 qu'il quittera en 1956 après avoir condamnél'intervention soviétique en Hongrie.
En 1955, il passe deux mois en Chine avec Simone de Beauvoir.
On ne peutoublier la place considérable qu'occupent les voyages dans la vie de ces deux écrivains.
Leur volontéd'internationalisme, leur souci de rencontrer l'homme en situation et d'en parler en connaissance de cause, les aconduits à travers le monde entier, d'un continent à l'autre.
Ils ont ainsi visité les Etats-Unis, Cuba, la Chine àlaquelle Simone de Beauvoir a consacré son livre La longue marche, le Japon, l'U.R.S.S., la Turquie, le Mexique, leBrésil, une immense partie de l'Afrique, quasiment toute l'Europe.
En sillonnant le monde, Sartre et Simone deBeauvoir n'ont pas recherché l'âme des villes ainsi traversées dans leurs musées et leur passé uniquement, maisaussi et surtout dans un présent brûlant d'une actualité sociale et politique qui les dirigea toujours plusprofondément à la rencontre de la réalité-humaine.
A partir de 1956, Sartre sera de plus en plus saisi par le combat mené contre la Guerre d'Algérie.
Le 27 janvier decette année, il participe à un meeting organisé à la salle Wagram et il ne cessera désormais, tout comme Simone deBeauvoir le fera dans son livre Djamila Bou-pacha signé avec Gisèle Halimi, de s'élever contre la torture.
Cettedernière revêt dans son œuvre, et surtout depuis l'occupation, une très grande importance.
Elle a permis à Sartred'étudier un type très particulier de la communication humaine.
Le couple représenté par le bourreau et le supplicié.
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