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L'ENFANT, LE FOU, LE PRIMITIF: QUE NOUS APPRENNENT-ILS SUR L'HOMME ?

Publié le 31/01/2011

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fou

Remarque

Le libellé du sujet nous invite à réfléchir sur deux problèmes connexes, mais distincts, qui doivent être envisagés successivement. Tout d'abord, quel(s) rapport(s) unit les trois termes : enfant/fou/primitif ? Quel(s) point(s) commun(s) le sujet présuppose-t-il entre eux ? On ne peut guère imaginer en effet qu'il s'agisse de trois termes indépendants : il faut donc construire la problématique qui les réunit. La réponse à cette première interrogation conditionne l'accès à l'autre problème : la réflexion sur les rapports entre les trois figures et la notion d'homme.

Introduction

L'actuel développement de la recherche en sciences humaines s'intéresse particulièrement aux cas d'individus longtemps considérés comme marginaux : l'enfant, le fou, le primitif. La constitution et la vogue, depuis un demi-siècle, de la psychanalyse et de l'ethnologie sont un symptôme d'une transformation des mentalités. Jugées un temps peu dignes d'intérêt, parce que signes d'une exceptionnelle anomalie ou d'une phase transitoire de l'évolution de l'homme, ces trois figures occupent aujourd'hui la recherche, parce que la conception de l'homme lui-même se modifie. C'est l'enjeu de cette évolution qui doit être analysé.

fou

« Le refus des jugements de valeur qui caractérisent la méthodologie des sciences humaines a entraîné une révisionde la place de l'enfant, du fou, du primitif.

Il n'est plus question d'inégalité, mais seulement de différences, etd'interrogations sur la primauté de la raison traditionnellement affirmée comme constitutive de l'homme. La psychanalyse, en mettant en lumière l'importance des premières années de la vie dans la structuration del'inconscient individuel, renverse la vision passée.

Si l'enfance reste un stade obscur sur le plan de la raison, elle devient fondamentale dans la constitution de la personnalité Les exemples du fou et du primitif sont similaires.

Ils projettent un éclairage nouveau sur l'homme « normal ».

Les frontières si nettement tracées paraissent s'estomper, et l'enseignement à en retirer semble se modifier. b) La face cachée de l'homme La théorie psychanalytique, initialement construite pour les comportements pathologiques, a bouleversé laconception du psychisme humain tout entier.

Mais elle a aussi remis en question les distinctions en vigueurjusqu'alors.

Elle a souligné en particulier la difficulté d'isoler une véritable pathologie, et la parenté qui nous unit à lamentalité primitive, à travers la persistance de schémas de comportements (mythes, croyances).

Du même coup, la leçon précédente, que l'on tirait par pure négation de ces figures jugées inférieures, se trouve modifiée.

Loin d'êtreradicalement autres, l'enfant, le fou, le primitif, apparaissent comme des éléments qui, à divers titres, subsistent ennous, comme des traces.

Ils ne sont plus tout à fait les grandes figures étrangères, que l'on cherche avant tout àexorciser, mais plutôt notre face cachée, celle que la raison occulte, mais ne détruit pas. C) L'inquiétante présence Cette conception n'est pas sans conséquence : en récusant la discontinuité radicale entre l'homme « normal » et ces formes inachevées ou déviantes, les sciences humaines nous inquiètent, puisqu'ellesdécouvrent que la raison n'est qu'une construction fragile et aléatoire, menacée en sonsoubassement.

Alors que l'homme apparaît superficiellement comme une totalité homogène,son unité recouvre des clivages profonds qui font coexister, souvent conflictuellement, deséléments divers Ainsi l'enfant, le fou, le primitif en viennent-ils à nous interroger sur lavalidité même des notions au nom desquelles nous les marginalisons : la normalité et l'idéed'une nature humaine homogène. 3- La mort de l'homme ? a) Le refus d'une norme Les sciences humaines interrogent donc l'idée même de normalité.

Freud, dans La psychopathologie de la vie quotidienne, ou La Science des Rêves, souligne la part de l'inconscient en chacun de nous, similaire, en son fonctionnement, à celui d'un sujet soumis à des troubles pathologiques.

Il n'y a pas de différences de nature, maisun passage graduel du comportement sain au trouble caractérisé.

Freud n'a pas récusé vraiment la différence entre maladie et santé mentale, mais il a contribué à remettre en cause son caractère absolu.

Les dimensions et lesincertitudes médicales et juridiques qui entourent aujourd'hui l'existence de la psychiatrie ont leur lointaine originedans ce lent déplacement des rapports entre la normalité et la folie. De même, l'ethnologie a ruiné la thèse selon laquelle les sociétés primitives ne seraient que des groupes retardésdans leur évolution.

Dans son essai intitulé Race et Histoire, Claude Lévi-Strauss insiste longuement sur l'erreur qui consiste à regarder les sociétés primitives comme l'image de notre préhistoire.

Ce serait croire qu'il n'existe qu'unseul modèle d'évolution historique, celui qu'a connu le monde occidental, orgueil illusoire et dangereux. Dans ces conditions, la norme se trouve détruite ; le jugement de valeur s'efface devant le constat de la diversitédes individus et des cultures.

Il reste cependant à s'interroger sur la notion d'homme elle-même : si elle n'est plus lanorme qui sert à marquer la déviance ou l'écart, que devient-elle ? b) La dissolution de l'homme ? L'analyse d'objets comme l'enfant, le fou, le primitif oblige à reconsidérer le présupposé qui soutend la recherche.Nous avons vu que chacun des termes était implicitement conçu comme un stade, une phase ou une différence parrapport à l'homme.

Mais cette dernière notion restait impensée.

Or, nous venons de le voir, les recherches fontéclater cette notion, d'apparence homogène, en plusieurs instances.

Diversité et spécificité individuelles etcollectives contestent l'idée même d'une nature humaine unique : ce serait, en effet, réintroduire la normalité etl'écart.

C'est sans doute pour cette raison que certains, comme Lévi-Strauss ou Foucault, annoncent la mort de l'homme, au sens de notion générique.

Cet anti -humanisme constate l'impossibilité d'une généralisation de cet ordre, et les effets pervers qu'elle engendre.

Ce serait l'ultime enseignement à puiser auprès de nos trois figures :elles dissolvent dans une multiplicité désordonnée celle qu'on leur demandait d'éclairer. C) Une révision générale de tous les termes ? Mais nous l'avons vu, l'enfant, le fou, le primitif ne se définissent que dans leur rapport à l'homme.

Si celui-ci. »

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