Leibniz, Monadologie, § 57. Voir.
Publié le 19/03/2015
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Et, comme une même ville regardée de différents côtés paraît tout autre, et est comme multipliée perspectivement ; il arrive de même, que par la multitude infinie des substances simples, il y a comme autant de différents univers, qui ne sont pourtant que les perspectives d'un seul selon les différents points de vue de chaque monade.
Leibniz, Monadologie, § 57.
«
Les perspectives de la ville 101
doucement jaunes.
Du bateau qui glisse à mesure, le décor
évolue encore au gré d'un mouvement continu, enchaîne
ment de points de vue sous les arches de pierre.
Les yeux suivent les métamorphoses silencieuses des objets.
Ainsi
vont les hommes, porteurs de perspectives qui changent.
Quel lieu permettra d'observer la ville totale? Aucun sans doute.
Un être au vol immobile, à l'aplomb du centre géographique, ne
saisirait encore qu'une perspective.
Voilà une étrange ville en
somme, car elle n'est visible nulle part de façon absolue.
Et il
semble vain de chercher à construire la somme de toutes les pers
pectives, en une sorte de plan synoptique où toutes se conjuguent
et s'accordent.
Il le faudrait pourtant, ne serait-ce qu'en idée,
pour saisir le cœur de toutes les perspectives, dans lequel Leibniz
voyait le
point qui permettrait de les concevoir et de les recons
truire par la pensée, pour les engendrer concrètement.
Ce prin
cipe explicatif des variations
de points de vue ne serait lui-même
tributaire
d'aucune des perspectives possibles : il définirait plutôt
l'horizon de référence dans lequel elles s'inscrivent.
Existe-t-il
un promontoire universel qui permettrait de saisir
d'un seul regard l'organisation du réel? Pour un être situé, ici
et maintenant, qui toujours perçoit le monde en y occupant
une place définie, il ne peut y avoir d'abord qu'une perspective.
Et cela s'applique dans les différents registres de sa vie.
Son existence personnelle, ayant son horizon propre et son
histoire singulière, définit déjà un point de vue original.
Leibniz appelle l'être ainsi compris monade: substance unique
d'une vie, qui n'est pareille à nulle autre, et source irrempla
çable de toute vision du monde.
Que toutes les monades for
ment ensemble un même monde, et que leurs perspectives
s'articulent ainsi selon un plan de référence qui les situe et les
comprend ne change rien à la relativité de chacune d'elles: le
monde est vécu avant d'être pensé.
Chaque homme est un centre d'où rayonne la perception.
Une multiplication volontaire des perspectives peut bien sûr
être recherchée, qui diversifiera les repères et les références,
au gré des déplacements effectués pour les faire varier.
La
réflexion sur le rapport entre ces points de vue permet d' échap
per à leur relativité, mais en changeant le registre de l'appré
hension du monde : raison pensante et non regard sensible.
Il
ne s'agit plus alors d'observer seulement, mais de s'abstraire et
de comprendre..
»
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