LEIBNIZ: Ainsi, ce qui passe pour extraordinaire
Publié le 30/03/2005
Extrait du document

Eléments d’introduction
- L’extrait qui suit est tiré du Discours de Métaphysique de Leibniz, et plus précisément du paragraphe 6 intitulé « Dieu ne fait rien hors d’ordre et il n’est pas même possible de feindre des événements qui ne soient point réguliers «.
- C’est donc le rapport entre ordinaire et extraordinaire qui est ici mis à la question par Leibniz. C’est donc a fortiori les relations qu’entretiennent réciproquement ordre et désordre qui sont ici en jeu.
Objet du texte
Il s’agit ici pour Leibniz, à travers la distinction de différence plan ou degré d’ordre, que rien de ce qui arrive ne se fait sans ordre. L’extraordinaire n’est pas hors d’ordre, il répond à un autre ordre que celui que l’on admet couramment parmi les hommes. Il apparaît alors que le miracle et qu’en général le hasard est inscrit dans un ordre divin qui commande à Dieu d’agir selon le principe du meilleur. Il n’y a donc pas de phénomènes extraordinaire en soi, mais seulement pour nous.
Problématique
Comment Leibniz parvient-il à démontrer que, en tant qu’il distingue plusieurs niveaux d’ordres, que le miracle ou le hasard ne sont rien en soi, mais ne sont que relativement à notre ordre couramment admis mais qui reste contingent (parce que Dieu, suivant le principe du meilleur peut choisir de le modifier) ? Comment donc Leibniz, à travers cette distinction fondamentale, parvient-il donc à montrer que tout est démontrable en droit ?

«
- 1er Mouvement : Le 1 er Mouvement s'étend du début du texte jusqu'à « rien feindre de tel ».
Dans ce 1er Mouvement Leibniz opère une distinction capitale entre l'extraordinaire pour nous et en soi.
Cettedistinction est capitale au sens où elle sert de fil conducteur à toute l'analyse qui va suivre.
- 2e Mouvement : Le 2 e Mouvement s'étend de « Car supposons » jusqu'à « la main les avait marqués ». Il va ainsi montrer que ce que nous appelons hasard en pensant que celui-ci est en dehors des limites del'ordre appartient pourtant à un ordre universel dont Dieu est le régisseur.
- 3e Mouvement : Le 3 e Mouvement s'étend de « Et si quelqu'un traçait » jusqu'à la fin du texte.
En réalité, ce que nous appelons hasard ne vient pas du fait que celui-ci n'obéit à aucun ordre mais bien aucontraire : on pourrait dire qu'il est si sur-causé qu'il nous est impossible, en tant qu'être fini de pouvoir enrendre compte.
Ce que tend à légitimer ici Leibniz est donc la possibilité, en droit, de tout démontrer (en tantque rien n'échappe à l'ordre).
Explication détaillée
- 1er MOUVEMENT
« Ainsi, ce qui passe pour extraordinaire, ne l'est qu'à l'égard de quelque ordre particulier établi parmi les créatures.
Car, quant à l'ordre universel, tout y est conforme.
Ce qui est si vrai que, non seulement rien n'arrivedans le monde qui soit absolument irrégulier, mais on ne saurait même rien feindre de tel.
»
· Rien dans l'univers n'est hors d'ordre.
Rien ne contrevient à l'ordre divin universel.
Mais ce qui peut sembler à l'homme une exception aux lois physiques, comme dans le miracle, est encore insérédans l'ordre plus général de l'univers voulu par Dieu.
L'ordre courant (ordinaire, normal) des loisphysiques représente seulement un ordre partiel, et le miracle, que les hommes interprètent à tortcomme un désordre, comme une rupture d'ordre, n'est en réalité qu'un autre ordre que l'ordreordinaire, mais un ordre qui reste compatible avec l'ordre universel supérieur.
Aucun événement, fût-ilmiraculeux, ne rompt l'ordre le plus général.
Il ne rompt tout au plus que l'ordre ordinaire le pluscourant des lois physiques qui correspondent aux maximes subalternes de la volonté divine.
· Il y a des miracles pour nous seulement : c'est ce qui ne saurait être connu par des êtres créés. C'est donc ce qui excède la possibilité de compréhension d'un esprit fini.
Dieu déroge à une règleparticulière qui pour nous est une loi universelle, par une loi encore plus universelle.
Les miracless'opposent seulement aux maximes subalternes que nous appelons la « nature des choses » (lois degenèse et constitution), comme par exemple les lois du choc.
Ces règles sont dites subalternes en cequ'elles sont subordonnées à une loi plus universelle et architectonique, qui est celle de l'ordreharmonique.
Les miracles contredisent la nature au nom d'une nécessité plus architectonique : lanécessité morale.
La nature n'est finalement que la coutume de Dieu.
Dieu ne fait donc pas demiracles pour le plaisir, il ne se dispense pas de ses lois arbitraires, si ce n'est quand l'ordre ledemande.
D'ailleurs, les miracles rentrent a priori dans la détermination du meilleur monde, puisque lavolonté générale absolue de Dieu est celle qui préside au choix du monde.
Ainsi, le miracle n'a rien àvoir avec le rare, le monstrueux ou l'inhabituel, mais c'est ce qui ne trouve pas sa raison suffisantedans les lois de la nature, mais seulement en Dieu.
- 2e MOUVEMENT
« Car supposons, par exemple, que quelqu'un fasse quantité de points sur le papier à tout hasard comme font ceux qui exercent l'art ridicule de la géomancie.
Je dis qu'il est possible de trouver une ligne géométrique dontla notion soit constante et uniforme suivant une certaine règle, en sorte que cette ligne passe par tous ces points,et dans le même ordre que la main les avait marqués.
»
· Les volontés ou actions de Dieu sont communément divisées en ordinaires ou extraordinaires.
Mais il faut bien comprendre que Dieu ne fait rien en dehors de l'ordre.
C'est dans cette perspective qu'ilfaut envisager ce qui passe pour extraordinaire relativement à un ordre particulier établi parmi leshommes que Leibniz nomme « créatures ».
Car quant à l'ordre universel, tout y a conforme.
Ce n'estdonc que relativement à un notre propre ordre particulier et admis que l'extraordinaire semble tel.
Enréalité, dans l'ordre universel, celui de Dieu, l'extraordinaire, au sens où nous l'entendons, n'existepas.
Le miracle n'est pas hors de tout ordre mais simplement de celui communément admis parminous..
»
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