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Lecture de L'Âme et le Corps de Bergson (résumé et analyse)

Publié le 17/01/2020

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paraissent pas déterminés par une cause matérielle. Mais le fait « que nous nous sentions libres » (p. 62) nous amène tous à supposer en nous, pour l'expliquer, une « force consciente », indépendante du corps dans le temps et dans l'espace. Enfin, puisque cette force produit des actes libres, c'est-à-dire « quelque chose de nouveau dans le monde », elle doit se définir par la création : elle « accomplit, par une espèce de miracle, cette création de soi qui par soi qui a tout l'air d'être l'objet même de la vie humaine » (p. 59).

Aussi, le sens commun conclut-il à l'existence d'une relation entre le corps et l'âme en retrouvant et en rassemblant dans une même description très vive les traits mêmes qu'un long travail avait permis à Bergson de découvrir dans ses œuvres précédentes71. Retenons la définition de l'esprit, par la création, à laquelle on arriverait ainsi : « L'esprit [est] précisément une force qui peut tirer d'elle-même plus qu'elle ne contient, rendre plus qu'elle ne reçoit, donner plus qu'elle n'a » (p. 59). Aussi importante soit-elle, cette définition n'a pourtant que le statut d'une hypothèse, d'une « apparence », et il reste à la mettre à l'épreuve.

Un deuxième témoin dépose en effet : « Regardez de plus près. Et écoutez parler la science. » (p. 60) Le discours de la science va s'appuyer sur trois sortes de faits, pour arriver à un résultat différent, à une thèse matérialiste. Elle décrit d'abord non plus une expérience immédiate, mais une expérience provoquée, une expérimentation : « Votre conscience s'évanouit si vous respirez du chloroforme » (p. 60) ; elle s'appuie ensuite, d'une manière caractéristique (que Bergson reprendra lui-même pour vérifier sa propre thèse), sur des faits pathologiques, sur les causes chimiques de la maladie mentale72. Enfin, la science s'appuie sur la toute récente théorie dite de la localisation cérébrale c'est-à-dire de la désignation de « circonvolutions précises du cerveau » comme siège de « certaines fonctions déterminées de l'esprit » (p. 60), comme le dit avec rigueur Bergson ici. Déjà, c'est « la mémoire » qui est au cœur de la controverse : le

réflexion nouvelle s'organise. Au-delà même de cette division, ce qu'il faudra enfin faire ressortir, c'est justement la continuité de la conférence, son unité d'intention, et sans doute d'intuition. Autant peut-être qu'à ses arguments, nous verrons qu'elle tient au style de Bergson.

« L'ÂME ET LE CORPS » : UN PROBLÈME PHILOSOPHIQUE

Les données du problème et l'attitude de la science

Un trait de style frappe d'abord celui qui entame la lecture de L'Âme et le Corps, et marquera le texte jusqu'à ses derniers mots. Toute la conférence garde en effet, malgré sa minutieuse réécriture, un caractère oral, c'est-à-dire adressé. Ainsi, le lecteur d'aujourd'hui comme l'auditeur de 1912, s'il est surpris par « le titre de cette conférence66 », par l'écart entre l'ambition qu'il implique (« \"L'âme et le corps\", c'est-à-dire la matière et l'esprit, c'est-à-dire tout ce qui existe »), et les moyens que l'auteur se donne pour la satisfaire (une vingtaine de pages, une heure sans doute de parole67), peut entendre la voix de Bergson, qui répond à son inquiétude : « Rassurez-vous. » D'emblée, en effet, Bergson va préciser comment il interprète le titre, c'est-à-dire comment il comprend l'objet, de cette conférence. Il ne s'agit pas de parler de « l'âme » d'abord, du « corps » ensuite, « d'approfondir » tour à tour leur « nature » (p. 58). Il ne s'agit pas d'examiner un à un, pour les opposer radicalement ensuite, les termes du dualisme, mais au contraire, et cela ne nous surprend plus68,

un problème de philosophie », n'en a pas plus recherché la solution dans son histoire passée. Il s'agit pour lui de souligner la responsabilité de la philosophie. Si elle a failli à sa tâche, ce n'est pas parce qu'elle ne pouvait pas l'accomplir, mais c'est parce qu'elle n'a pas choisi de le faire. Plus précisément Bergson attribue une grande importance aux choix faits dans l'histoire de ces disciplines par des individus particuliers, tel Platon. Tout le quatrième chapitre de L'Évolution créatrice décrivait l'histoire de la philosophie comme une succession de décisions prises librement, en des moments qui sont des tournants, par de telles personnes. Ici, Bergson attribue à Platon, à tort ou à raison82, la responsabilité initiale d'avoir négligé la question, ou la méthode pour la résoudre, en « installant » la philosophie au-delà de l'expérience commune. De tels choix expliqueraient pourquoi les savants ont dépassé d'eux-mêmes l'interprétation des faits pour proposer des théories, et pourquoi la philosophie ne nous a « [légué] sur ce point » qu'« [une] seule hypothèse précise », celle que nous avons évoquée plus haut, du « parallélisme » (p. 65).

Bergson retrace, rapidement, l'histoire de cette hypothèse, que nous ne pouvons que résumer brièvement ici. Le parallélisme consiste à penser l'union entre deux substances radicalement opposées, l'âme et le corps, non comme une jonction ou un croisement, mais comme une correspondance stricte, terme à terme, des états qui les composent. C'est bien une hypothèse tenant compte à la fois d'une différence de nature et d'une solidarité de fonctionnement, puisque les états de l'une des entités dépendent de ceux de l'autre. Surtout, il suffirait d'en étudier une pour connaître les deux : il se pourrait qu'elle soit pratiquement équivalente au matérialisme. Si le parallélisme concurrence l'hypothèse de Bergson, c'est donc à la fois par son fondement métaphysique (l'hypothèse de la correspondance) et par sa fécondité scientifique (il sépare radicalement les « ordres » de l'âme et du corps et ceux de la science et de la philosophie). C'est ce

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« science», et l'histoire de la "métaphysique».

Bergson y retrouve d'emblée la question de la liberté.

Dans la deuxième partie, ayant constaté" l'insuffisance des doctrines» existan­ tes, Bergson propose sa propre «conclusion» (jusqu'à « ...

insertion de l'esprit dans la réalité », p.

73) : cette « hypothèse suggérée par les faits » reprend alors les thèmes de l'insertion et de ta création, les mêlant l'un à l'autre.

Dans la troisième partie (jusqu'à « ...

activité mentale», p.

79), Bergson, après avoir formulé l'hypothèse, esquisse sa vérifi­ cation : celle-ci est fondée sur la mémoire.

Enfin, une dernière partie, très courte, aborde la question de« la survivance »de l'âme : l'âme survit-elle au corps ? (p.

80).

C'est pourtant cette dernière partie qui renouvelle l'enjeu de la réflexion : à peine évoquée dans les livres précédents, la question de l'immortalité n'avait pas encore été traitée par Bergson.

Mais, pour aborder et tenter de poser correctement cette question« d'un intérêt vital », il ne suffisait pas à Bergson de procéder d'une manière qui pourrait paraître extérieure, selon la présentation qu'on vient d'en faire.

En fait, au-delà des subdivisions typographiques du texte, une étude plus atten­ tive dégage trois temps essentiels au sein de son mouvement d'ensemble.

Apparemment disproportionnés en étendue, ils ont pourtant chacun une portée comparable.

La démarche de Bergson est en effet la suivante : dans la première partie, il ne fait pas que relever les données reçues du dehors, il indique déjà la méthode même que doit suivre le philosophe : il s'agit d'aller d'une «intuition vague>> à une «solution de plus en plus approchée du problème » (p.

64) ; nous y reviendrons.

On doit ensuite réunir les deux parties centrales dégagées plus haut : Bergson ne fait pas que formuler et vérifier son hypothèse dans des termes déjà connus, il appuie ces deux démarches sur une analyse des rapports qui lient, non pas directement l'âme et le corps, mais la pensée et le langage.

C'est alors seulement qu'il peut discuter de l'im­ mortalité de l'âme.

C'est alors aussi que son dualisme prend toute sa portée, puisqu'il doit permettre de comprendre non seulement, comme dans les livres précédents, comment l'âme et le corps séparés en droit s'unissent en fait dans la vie ; mais aussi comment ils peuvent se séparer au moment de la mort.

C'est donc dans chacune des trois parties du texte qu'une 34. »

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