L'échange exclut-il toute violence ?
Publié le 31/03/2009
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L’échange désigne une opération par laquelle on donne une chose et on en reçoit une autre en contrepartie. On peut échanger toutes sortes de biens : des marchandises, mais aussi des sourires et des idées. La violence désigne un rapport qui implique l’exercice effectif de la force ou sa menace virtuelle en vue d’ imposer la volonté d’un individu ou d’une instance à celle d’un autre.
Dans la mesure où l’échange implique un intérêt mutuel, voire une dépendance réciproque, on peut affirmer que le concept même d’échange exclut toute violence puisque cette dernière contrevient aux intérêts des intervenants. En instituant une commune mesure, l’échange économique qu’est le commerce empêcherait la violence qui se fonde sur une incommensurabilité. Cependant si l’échange commercial ou économique exclut en lui-même la violence directe qu’est la guerre par exemple, rien ne nous garantit néanmoins que toute violence est exclue du concept d’échange lui-même.
En effet il s’agit d’étudier, non pas seulement la nature de l’objet que l’on échange, mais la forme de l’échange elle-même, sa structure. Or ne nous est-il pas possible, dans une dispute, d’échanger des coups, de feu ou de poing ? Les informations parlent alors de « violents échanges « entre les manifestants et les forces de l’ordre. Allons jusqu’à donner le titre d’un film récent « Violence des échanges en milieu tempéré «. Ainsi on pourrait soutenir que la violence est ce qui par excellence se prête à l’échange. Or si la violence peut se prêter à l’échange, ne doit-on pas radicaliser cette thèse en soutenant que tout échange comporte en lui-même une violence ? Ainsi une société qui se fonde exclusivement sur le libre échange n’engendrera-t-elle pas une violence d’ordre social ? Nous sommes dès lors confrontés à ce problème : l’échange exclut-il toute violence ou bien existe-il une violence propre à l’échange ? Le cas échéant, que devons-nous faire ?
- I L’échange exclut toute violence comme ce qui le rend impossible.
- II L’échange possède sa violence propre.
- III Tout échange au sein de la société comporte une part de violence
«
XIII du Léviathan : « lorsque les hommes vivent sans autre sécurité que celle procurée par leur propre force(…), il n'y a pas de place pour aucune entreprise parce que le bénéfice est incertain ».
Ainsi on ne peut être certain desconditions de l'échange que lorsque s'établira une force transcendant toutes les forces individuelles et nées de leurrenonciation à s'en servir afin de susciter la peur et d'obliger les hommes à respecter les conventions qu'ils ontfaites._ Ensuite si l'échange est conditionnée par la violence de l'Etat, il faut insister sur le fait que la violence est ce quipar excellence s'échange.
En effet nous avons dit que l'échange permettait d'instituer une commune mesure entredes pays étrangers l'un à l'autre : l'argent est le moyen de rendre tous les biens commensurables.
Ainsi dansl'échange économique, on ne donne à l'autre qu'en contrepartie de ce que nous allons recevoir, e se fondant surune homogénéité de valeur.
De même que l'argent, la violence est une chose que l'on échange : si on nous frappe,nous désirons dans notre colère rendre ses coups à celui qui nous agresse.
( ne dit-on pas à notre agresseur qu'on« lui rend la monnaie de sa pièce »?) La vengeance est ainsi l'application d'une exigence de réciprocité dont lemodèle paradigmatique serait la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent.
Ainsi, dans la mesure où nous sommesd'autant plus enclins à rendre les coups que l'on nous donne, on peut dire que la violence est par excellence ce quis'échange et l'échange violent s'engendre lui-même si bien que certaines vendettas corses ou siciliennes peuvents'effectuer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne ni dans une famille, ni dans l'autre.
La violence est ce qui par excellence se prête à l'échange.
Or si la violence peut se prêter à l'échange, ne doit-onpas radicaliser cette thèse en soutenant que tout échange comporte en lui-même une violence ? Ainsi une sociétéqui se fonde exclusivement sur le libre échange n'engendrera-t-elle pas une violence d'ordre social ? III Tout échange au sein de la société comporte une part de violence _ L'échange même sous son apparence immédiate de pacification marchande, comporte une part de violence plus oumoins masquée.
Et cette violence d'ordre symbolique est d'autant moins visible si l'on pense l'échange en insistantsur l'objet qui est en jeu.
Or en vérité, ce n'est pas l'objet qui est en jeu dans l'échange, mais principalement desrapports de pouvoir entre des individus ou entre des instances politiques.
Dans les sociétés mythiques outraditionnelles, le potlatch est la manière dont circulent les richesses.
Or le paradoxe que l 'on peut soutenir avec marcel Mauss dans son Essai sur le don , c'est que le don est un échange la circulation des richesses en Mélanésie se fait par le don d 'une communauté à une autre.
La règle implicite coutumière est que le don appelle une réciprocité danse échange et donc un contre don.
Or le contre don, plutôt que d 'égaler le don sur le mode de l'échange marchand, cherche au contraire à l 'excéder et à donner infiniment plus qu 'il n 'a reçu.
Ainsi l 'échange engendre une tendance exponentielle des dons qui peut aller jusqu 'à la ruine complète d 'une communauté par la destruction totale des vivres par exemple.
Ce sur quoi il faut insister c'est la violence masquée dans cet échange :un chef qui ne peut plus donner perd son pouvoir, une communauté qu est surpassée perd son prestige.
Si nousrevenons à notre propre expérience, ne sommes nous pas parfois humiliés de recevoir un cadeau que d'évidencenous ne pourrons rendre ?_ Il y a une violence propre à la société fondée sur le libre échange.
En effet selon l'idéologie libérale, la liberté deséchanges construit a société comme un tout harmonieux : selon le principe de la main invisible énoncé par AdamSmith, chaque individu en ne cherchant que son enrichissement personnel créait les conditions d'un enrichissementcommun.
Or sous couvert de cette harmonie, le système du libre échange engendre une violence sociale qui semarque par le maintien des inégalités sociales.
En effet selon Marx dans le Capital , l'exploitation capitaliste aliène les ouvriers sur le mode du salariat en les contraignant à vendre leur force de travail et ainsi à ne travailler que pourentretenir leur survie et non réaliser leur humanité.
De plus pour échanger, il faut avoir des possessions.
Or tous leshommes n'ont pas de possession.
Aussi seuls quelques uns échangent et se servent de leurs biens pour asseoir leurpouvoir comme la classe bourgeoise sur le prolétariat depuis la révolution française.
Si l'échange crée une violence, ilfaut alors appliquer à cette violence une contre violence our empêcher les inégalités de se poursuivre.
Si la maininvisible crée de la violence sociale, c'est à l'Etat d'intervenir et d'appliquer une contre violence féconde .
Conclusion : Si l'échange marchand du commerce exclut dans son concept la violence des nations entre elles et permetd'entretenir la paix, nous avons néanmoins montré que la violence était mêlé à l'échange et pouvait même être sonobjet privilégié.
Aussi tout échange social comporte une part de violence symbolique et politique que l'Etat se doitde comprendre et de désamorcer autant que possible par une contre violence fondatrice de l'égalité de droit..
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