Le vrai n'est-il que scientifique ?
Publié le 30/08/2014
Extrait du document

Si toute vérité ne devait être
admise qu'à la condition d'être conforme aux exigences d'une preuve
scientifique, la pensée se trouverait considérablement appauvrie. Un tel
souhait ne fait que refléter une illusion provenant d'un côté d'une
survalorisation de la science, qui reste une démarche récente dans l'histoire
de l'humanité, même si ses résultats sont éblouis‑
sants,
et de l'autre d'une incompréhension du mode d'évolution des vérités
scientifiques elles-mêmes.

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[1 -Tentatives pour rationaliser la croyance]
Historiquement, la philosophie a incontestablement tenté de rationali
ser la croyance (ne serait-ce qu'afin que celle-ci n'apparaisse pas comme
un domaine étranger
à la pensée normale ou normée).
On rappellera
quelques exemples :
Saint Anselme (et le titre de son ouvrage indique clairement son
projet :
Fides quaerens intellectum) entend prouver que seul celui
qui affirme
« Dieu existe » est bien du côté de la raison, doté de « bon
sens
» ; à l'inverse, celui qui croirait pouvoir dire que « Dieu n'existe
pas
» est un véritable « insensé » (c'est ainsi que le qualifie le Livre
des Psaumes) : il est privé de sens commun, se situe en dehors de la
raison.
Saint Thomas, avec ses cinq
«voies » vers Dieu (qui sont cinq
variantes sur l'argumentation d'Aristote concernant la nécessité de poser
un
« premier moteur immobile » ), élabore des raisonnements fondés sur
différents concepts philosophiques (moteur, cause efficiente, degré dans
l'être, possibilité et nécessité, intelligence) qui veulent établir que
l' exis
tence de Dieu doit être admise si
1' on se préoccupe de la cohérence ration
nelle de la pensée.
Descartes lui-même, champion du rationalisme, cherche à montrer que
1' analyse du concept de Dieu oblige à affirmer son existence nécessaire
(argument ontologique).
Sans doute tous les philosophes classiques n'ont-ils pas eu cette atti
tude, mais ces trois cas suffisent pour indiquer qu'une complémentarité
entre croyance et raison a pu être affirmée.
[Il -Leur critique]
Hume, de son point de vue empiriste, montre que les prétendues
preuves de Dieu avancées par la religion ou la théologie
«naturelle » (qui
entend précisément se fonder sur le seul exercice de la raison, indépen
damment de toute vérité révélée) ne constituent en fait que des déborde
ments inacceptables des conditions normales de la pensée rationnelle et
de l'usage de ses concepts.
Exemple : le concept de cause
n'a de validité
que s'il est appliqué à propos de phénomènes récurrents (la causalité sup
pose une répétition au moins potentielle des causes et des effets) ; dès
lors, considérer Dieu comme nécessaire
« cause du monde » n'a rigoureu
sement aucun sens, puisque ni Dieu ni le monde ne constituent des objets
susceptibles de
se manifester à plusieurs exemplaires.
Aussi se trouve
t-on, en quelque sorte par définition, entraîné à affirmer que Dieu est bien
«unique en son genre», ce qui, du point de vue rationnel ou logique, est
une expression dénuée de sens, puisqu'il
n'y a de genre authentique
qu'incluant plusieurs individus..
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