Le travail peut-il nous rendre heureux ?
Publié le 24/02/2004
Extrait du document


«
L'homme est le seul animal qui doit travailler.
Il lui fautd'abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de cequi est supposé par sa conservation.
La question de savoir sile Ciel n'aurait pas pris soin de nous avec plus debienveillance, en nous offrant toutes les choses déjàpréparées, de telle sorte que nous ne serions pas obligés detravailler, doit assurément recevoir une réponse négative :l'homme en effet a besoin d'occupations et même de cellesqui impliquent une certaine contrainte.
Il est tout aussi fauxde s'imaginer que si Adam et Ève étaient demeurés auparadis, ils n'auraient rien fait d'autre que d'être assisensemble, chanter des chants pastoraux, et contempler labeauté de la nature.
L'ennui les eût torturés tout aussi bienque d'autres hommes dans une situation semblable.L'homme doit être occupé de telle manière qu'il soit remplipar le but qu'il a devant les yeux, si bien qu'il ne se sente pluslui-même et que le meilleur repos soit pour lui celui qui suit letravail.
KANT
Pour Emmanuel Kant le travail n'est pas seulement un devoir moral,une obligation pénible.
Kant insiste au contraire sur la dimension positive de cette contrainte.
Elle est un bienfait pour l'Homme : pour l'espèce humaine comme pourchaque individu.
Kant affirme la positivité du travail pour trois raisons :
1.
Dans la perspective d'une philosophie de l'histoire, l'impossibilité de vivre sans travailler apparaît commele moyen par lequel la Providence assure le développement des facultés humaines.
Sans cette nécessitévitale, jamais l'espèce humaine n'aurait été contrainte au progrès.
(« Il lui faut beaucoup de préparation...»)
2.
Dans une perspective métaphysique, le travail apparaît comme le moyen pour l'homme d'échapper àl'ennui.
L'ennui tient à l'absence de sens, le travail est ce qui permet à l'homme de donner un sens à savie.
Les distractions font passer le temps, le travail, lui, donne un sens au temps humain.
(« L'ennui leseût torturés.
»)
3.
Dans une perspective anthropologique, le travail est le moyen de mieux jouir de la vie.
Si le plaisir estabsence de douleur, on ne jouit vraiment du repos qu'après un effort ! (« Que le meilleur repos soit pourlui celui qui suit le travail.
»).
Freud considère qu'il est possible, grâce à lui, de sublimer les pulsionssexuelles.
Ainsi, l'artisan qui donne naissance à un objet satisfait autantson esprit que ses sens.
Il féconde la matière et il accouche d'uneoeuvre sortie de ses mains.
"Nous croyons qu'il est au pouvoir du travail scientifique de nousapprendre quelque chose sur la réalité de l'univers et que nousaugmentons par là notre puissance et pouvons mieux organisernotre vie." Freud, L'Avenir d'une illusion, 1927.
Le travail intellectuel est un facteur de progrès pour l'espèce humaine.
Ilpermet à l'homme de développer ses sens, son intelligence, d'acquérirdes savoirs.
Sans la connaissance théorique des lois de la gravitation,aucune navette spatiale n'aurait pu décoller.
En ce sens, le travailscientifique nous donne sur la nature un pouvoir mais aussi uneresponsabilité, car il oriente le développement des sociétés.
On voit trèsclairement aujourd'hui que les déséquilibres économiques entre le Nord etle Sud de la planète reposent en partie sur les possibilités, pour certainspays et non pour d'autres, de développer les connaissancesfondamentales en physique, en biologie, en mathématiques.
Pour être heureux, il faut se libérer de la nécessité• « Celui qui ne travaille pas ne mangera pas », a écrit saint Paul.
L'homme est un être vivant qui, comme toutêtre vivant, doit satisfaire un certain nombre de besoins.
Or, la satisfaction des besoins n'est pas immédiate :une activité, donc une dépense, est requise non seulement pour boire et manger, mais aussi pour se procurer.
»
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