Le travail peut-il etre considéré autrement que comme simple moyen de vivre ?
Publié le 08/11/2005
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Adam est condamné au sortir du Jardin d’Eden à travailler à la sueur de son front : c’est dans la peine qu’il devra répondre à ses besoins. De ce point de vue, le travail est originellement un moyen de subsistance. Mais à la différence de l’homme auquel tout est donné, celui qui travaille se voit également transformé par son travail : il se perfectionne. Dès lors, le travail n’est-il qu’un simple moyen de répondre à nos besoins ? Ne produit-il qu’un objet déterminé, ou est-il également générateur de créativité et de valeurs ? Quelles sont les conditions pour que l’homme ne soit pas aliéné par le travail mais y exerce ses qualités ? Les enjeux relatifs à de telles interrogations relèvent aussi bien de la politique que de la question du bonheur : si l’homme passe la majeure partie de son temps à travailler, ne peut-il pas y trouver une source d’épanouissement supérieure à l’idée de subvenir à ses besoins ? Quelles sont les conditions à mettre en place pour atteindre un tel objectif ?
«
son origine dans la propriété privée et donc que l'abolition de la propriété permettrait de dépasser l'aliénation dutravail.
Soit on conclura que l'aliénation caractérisera toujours le travail, puisque le travail n'est vraiment humain quedébarrassé de la fonction de satisfaction des besoins.
Ce qui est animal devient humain, ce qui est humain devient animal (Marx).
C'est dans la phase initiale de sa pensée que Marx écrit : « Ce qui est animal devient humain, ce qui est humaindevient animal ».Ce qui est humain, c'est le travail.
Or, dans les « Manuscrits de 1844 », encore marqués par l'influence de Hegel, sile travail est principiellement formateur, sa forme contemporaine (le travail à la chaîne) devient aliénante,abêtissante, inhumaine.
En clair, le travail de vient animal.Les « Manuscrits » appartiennent à la phase initiale de la pensée du jeune Marx.
Notre auteur n'y est pas encore enpossession des principales catégories de sa pensée.
Le matérialisme historique n'est pas parvenu à la formulationqu'il acquerra dans la maturité.
D'une part, Marx s'y montre plus proche d'une réflexion proprement politique, quipassera ensuite au second plan (ou se verra réélaborée après les analyses économiques du « Capital »).
D'autrepart, Marx y est encore tributaire d'une lecture essentialiste, moins historienne que par la suite.
C'est ainsi qu'ilprétend définir une essence du travail qui se voit pervertie par les formes modernes de production.Marx est alors très marqué par un passage de la « Phénoménologie de l'esprit » de Hegel, la dialectique du maître &de l'esclave.
Dans ce mouvement, qui fait suite à l'épisode de la lutte à mort pour la reconnaissance, Hegel montreque la libération véritable de l'humanité ne vient pas du maître, qui ne domine que symboliquement le monde, maisde l'esclave.
C'est par la discipline qu'impose le travail que l'homme s'éduque et domine, réellement cette fois, lamatière.Si le travail, qui est humain, devient animal, c'est tout d'abord que seul l ‘homme, au sens propre, travaille.
Certes,certains animaux « fabriquent » ; castors, abeilles « construisent ».
Mais cette activité est instinctive, la règle deconstruction est, si l'on veut, donnée par la nature.
Le travail spécifiquement humain est tout autre.
Comme le ditMarx dans le « Capital » :« Ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la celluledans sa tête avant de la construire dans la ruche .
»
La perfection de la ruche n'est que la contrepartie d'une activité instinctive, « machinale », non pensée, non voulue.Le travail spécifiquement humain n'émerge que lorsque est en jeu la totalité de nos capacités.
Il faut imaginer etconcevoir ce que l'on va produire.
L'existence de l'objet est tout d'abord idéelle, c'est un projet, une anticipation,quelque chose qui vient bien de l'homme et non de l'instinct, cad de la nature.
A partir de ce projet, il faut aussi lavolonté effective de fabriquer, de manière ordonnée, planifiée, rigoureuse.
Enfin il faut mettre en branle unehabileté, une force, un talent physique.Dans le moindre objet fabriqué est donc investie la totalité de nos capacités (imagination, conception, déduction,volonté, habileté, force).
Cet investissement fait de l'objet fabriqué un objet humain, qui objective nos capacité, etcela confère de la valeur à l'objet et le rend respectable.
Si l'objet fabriqué –même mal- par le plus mauvais artisan,vaut mieux que la cellule la plus réussie de l'abeille la plus experte, c'est que, dans le premier, on contemple del'humain, l'activité humaine objectivée.
En ce sens, le travail est humain, et même uniquement humain.Il s'ensuit deux choses.
D'abord, par le travail l'homme s'éduque, se forme, s'humanise.
Que le travail soit pénible,astreignant, fastidieux, n'y change rien.
Face à l'étymologie du terme « travail » (« tripalium » = instrument detorture) ou de la malédiction biblique (« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »), les modernes, et surtoutHegel puis Marx, rétorquent que c'est par le travail que l'homme se fait homme, passe d'une activité instinctive àune activité pensée, d'une spontanéité animale à une discipline rationnelle.Mais ce premier point est corrélatif du second.
Le travail humain requiert la discipline et la mise en œuvre de toutesnos capacités intellectuelles & physiques.
On ne sépare pas ici la conception du travail de son exécution ; l'esprit seforme en même temps que le corps.
Il faudrait ajouter que cette forme d'activité n'est pas séparable de formes desocialisation, du développement du rapport à autrui.
Enfin, et il faut insister sur ce point, l'homme peut être fier deson travail dans la mesure où il est bien le sien, cad un objet produit par ses qualités et qui en quelque sorte lesobjective.A ce que le premier Marx décrit comme une sorte « d'essence » du travail (terme qu'il reniera ensuite, en affinant saconception de l'histoire, de la technique et des rapports de production), il faut alors opposer les formes modernes deproduction.Pour comprendre ce que dit Marx, il faut se souvenir que les débuts du capitalisme ont été sauvages ; qu'unthéoricien comme Smith écrivait calmement :« Dans les progrès que fait la division du travail, l'occupation de la majeure partie de ceux qui vivent de ce travail,cad de la masse du peuple, se borne à un très petit nombre d'opérations simples […] Or l'intelligence des hommes seborne nécessairement par leurs occupation ordinaires.
Un homme qui passe toute sa vie à faire un petit nombred'opérations simples […] n'a pas lieu de développer son intelligence, ni d'exercer son imagination […] et devientgénéralement aussi stupide et ignorant qu'il soit possible à une création humaine de la devenir.
» (« La richesse desnations », 1776)Les formes modernes de travail consistent (si l'on s'en réfère à Taylor et à Ford) à décomposer les opérationsnécessaires à la fabrication d'un objet & à attribuer chacune d'elles à un ouvrier.
Cette forme de division du travail,si elle favorise la production dans des proportions exponentielles, fait que d'une part la conception de l'objet et sonexécution sont deux tâches séparées, attribuées à des hommes bien distincts (ce qui suppose que certains ne sontplus que des exécutants purs & simples, travaillant avec des machines & à leur rythme), et que, d'autre part, l'objetn'est plus produit littéralement par personne.
Non seulement un homme ne produit plus un objet du début jusqu'à la.
»
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