Le travail n'est-il pour l'homme qu'un moyen de subvenir à ses besoins ?
Publié le 11/06/2013
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On voit donc comment l'esclavage antique, surtout en Grèce, est
une pratique sociale dont le sens théorique pourrait être : là où le travail
humain ne vise qu'à subvenir aux besoins des hommes, il est lui-même
une nécessité, et l'homme qui accomplit un tel travail ne peut pas être
libre. On peut même aller plus loin : là où le travail ne vise qu'à subvenir
aux besoins, il n'est pas humain ; il n'est pas digne de l'homme. Les
théories grecques de l'esclavage pourraient le confirmer, comme celle que
l'on trouve chez Aristote, dans La Politique : l'esclave n'est pas un homme à part entière : il n'en a que l'aspect, et encore, souvent son corps robuste,
prédisposé à la peine et aux corvées les plus rudes, le désigne-t-il comme
esclave. On ne reconnaît pas en lui une personne, mais un instrument
vivant qui, lui-même, peut manier des outils, une sorte d'instrument au
second degré.
«
certains pris onniers.
On faisait accomplir les tâches les plus rudes à cette
main -d’œuvre gratuite dont le travail contraint n'était pas sans rappeler
celui de l'esclave.
Même le travailleur libre d'aujourd'hui, qui travaille de son propre
consentement, ne voit souvent en son travail qu'une contrainte à laquelle
il se plie pour pouvoir vivre, et d'abord subvenir à ses besoins et à ceux de
sa famille.
Cela est d'autant plus vrai quand son travail est pénible,
répétitif et sans attrait.
On ne voit pas ce qui pourrait moti ver une
caissière de grande surface ou une secrétaire «dactylo » à sacrifier huit
heures de sa vie par jour, sinon la nécessité où elles sont de percevoir un
salaire qui leur permettra de payer logement, nourriture et achats divers.
L'institution ancienne de l'esclavage était une pratique qui
correspondait à cette conception négative du travail.
Ainsi que l'écrit
Hannah Arendt (1906 -1975), dans Condition de l'homme moderne : «
Dire que le travail et l'artisanat étaient méprisés dans l'Antiquité parce
qu'ils étaient réservés aux esclaves.
C’est un préjugé des historiens
modernes.
Les Anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeaient
qu'il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les
occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie.
»
Selon cette analyse, ce serait donc la nature servile du travail
destiné à la satisfaction des besoins vitaux qui justifierait qu'on l'eût
réservé à une catégorie sociale elle -même servile, pour laquelle le travail
se présentait comme une pure co ntrainte.
De la nécessité vitale de
satisfaire ses besoins par le travail, aux travaux forcés de l'esclave, il y
aurait une sorte de cohérence.
Arendt ajoute, toujours à propos des
Anciens : « Travailler, c'était l'asservissement à la nécessité, et cet
ass ervissement était inhérent aux conditions de la vie humaine.
Les
hommes étant soumis aux nécessités de la vie ne pouvaient se libérer
qu'en dominant ceux qu'ils soumettaient de force à la nécessité...
L'institution de l'esclavage dans l'Antiquité , au début du moins, ne fut ni
un moyen de se procurer de la main -d’œuvre à bon marché ni un
instrument d'exploitation en vue de faire des bénéfices ; ce fut plutôt une
tentative pour éliminer des conditions de la vie le travail.
»
On voit donc comment l'esclavage a ntique, surtout en Grèce, est
une pratique sociale dont le sens théorique pourrait être : là où le travail
humain ne vise qu'à subvenir aux besoins des hommes, il est lui -même
une nécessité, et l'homme qui accomplit un tel travail ne peut pas être
libre.
O n peut même aller plus loin : là où le travail ne vise qu'à subvenir
aux besoins, il n'est pas humain ; il n'est pas digne de l'homme.
Les
théories grecques de l'esclavage pourraient le confirmer, comme celle que
l'on trouve chez Aristote, dans La Politiqu e : l'esclave n'est pas un homme.
»
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