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Le travail est-il mortification ?

Publié le 28/05/2009

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travail

« pendant toute la durée du travail à la machine, le processus mécanique remplace le rythme du corps humain.

L'outille plus raffiné reste au service de la main qu'il ne peut ni guider ni remplacer.

La machine la plus primitive guide letravail corporel.

» Leroi-Gourhan met alors en avant les dangers de cette répétition dans les gestes.

Leroi-Gourhon,auteur de l'ouvrage Le geste et la main , affirme que cet organe, pouvant remplir à la base de multiples fonctions, tend à régresser.

Selon lui, par le développement technique, l'homme n'a plus à s'en servir et à ne plus penser sespossibilités : « ne pas avoir à penser avec ses dix doigts équivaut à manquer d'une partie de sa penséenormalement, phylogénétiquement humaine » En obligeant les hommes à faire toujours le même type de travail et demouvement, on réduit les capacités de son corps et donc sa puissance d'action dans la vie quotidienne.

D'ailleursces dernières années ont vu l'émergence des maladies reconnues professionnelles, qui sont en majorité des troublesmusculo-squelettiques, c'est-à-dire des problèmes d'articulation dus à la répétition des gestes.

3.

Le travail peut être humiliant quand il ne permet pas à l'homme de développer son humanité et sa pensée Outre la souffrance physique, le travail peut aussi être vécu comme une humiliation parce que l'homme perd sonautonomie mais aussi se voit rattaché à des tâches ingrates.

Nous avons déjà parlé de la valeur négative qu'HannahArendt attribuait au travail : pour elle, les Anciens considéraient que cette tâche rattachait l'homme à la naturemais surtout les faisait rester au niveau de l'animalité.

Mais comment le travailleur pourrait-il perdre son autonomieet son estime de soi ?Le travail semble donc bien capable de transformer l'homme, de changer sa nature.

Non seulement, elle façonne soncorps, le fait devenir autre et rigide mais plus important, elle affecte sa nature pensante, elle réduit la pensée et laréflexion, qui sont les principales caractéristiques humaines.

Le travail est souvent laborieux, c'est-à-dire qu'il nousépuise autant psychiquement que moralement.

Nietzsche, dans Le gai savoir , écrit ainsi que le travail « consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis,à l'amour.

» Le travail selon lui, empêche les hommes de s'épanouir parce qu'il ne laisse plus l'espace aux hommespour réfléchir, pour créer,…Marx insiste aussi sur cette débauche d'énergie qui fait que l'ouvrier quand il sort de son travail ne pense plus qu'àse divertir, qu'à détourner son esprit des choses sérieuses.

Il écrit alors que le travail n'est vécu que comme unenécessité mais que la vraie vie commence après la journée de travail.

Dans cette optique, le travail n'estabsolument pas épanouissant.De plus, avec le développement du travail à la chaîne, l'ouvrier perd peu à peu son autonomie et sa place dans letravail se trouve réduit.

Comme le dit Marx dans Le capital , l'ouvrier est payé pour sa force de travail.

Ce n'est pas pour ses spécificités, ni pour ses qualités particulières qu'il est embauché.

Il n'est qu'un maillon de la chaîne, uneforce qui peut être remplacée du jour au lendemain.

Le salaire est alors la somme d'argent que le patron verse pourun temps de travail donné ou pour un certain travail fourni.

Le travail de l'ouvrier ne lui apporte rien.

Il lui estétranger.

L'objet produit dans le travail n'est pas une fin pour l'ouvrier puisqu'il ne pourra pas en jouir.

L'objet danslequel il investit son travail appartient à son patron.

L'activité productrice ne lui appartient pas non plus en tantqu'activité libre; en effet, le travail est extérieur à l'ouvrier Il n'est qu'un maillon de la chaîne.

Il est cantonné à répéter une action particulière, détachée du reste de laproduction.

Or, c'est là le défaut et la négativité de ce type d'action.

L'artisan peut s'épanouir parce qu'il maîtrisetout le processus de production et parce que c'est lui qui choisit les moyens d'arriver au but.

L'ouvrier à la chaîne nesait pas ce qui se passe avant lui ni après lui.

De fait, il ne comprend pas du tout ce qu'il réalise et pourquoi il lefait.

Le travail perd alors tout son sens et l'ouvrier perd autant sa liberté que sa capacité d'action.On voit donc en quoi le travail, notamment industriel, peut donner à l'homme une fonction de machine, qui ne l'obligeabsolument pas à développer sa pensée qui correspond pourtant pour Aristote à la véritable humanité de l'homme.Cela peut donc être vécu comme une humiliation, ce qui rejoindrait le troisième sens du mot.Pourtant, peut-on réellement associé le travail qu'aux aspects négatifs et mortifères ? II Le travail peut aussi permettre à l'homme de s'épanouir - Il semble pourtant exagéré de dire que l'homme pourrait passer sa vie à ne rien faire s'il ne devait pas travailler.Kant s'élève contre cette idée.

Il écrit dans son Traité de pédagogie qu' « Il est tout aussi faux de s'imaginer que, si Adam et Ève étaient restés dans le paradis, ils n'eussent fait autre chose que demeurer assis ensemble.

L'oisivetéeut fait leur tourment [...] le meilleur repos est celui qui suit le travail.

» On peut alors penser que le travail nousapporte quelque chose et que nous ne le faisons pas par pure obligation.

Pensons par exemple au jardinier quicultive son jardin.

Bien sûr, il le fait parce que cela lui apportera de la nourriture mais n'éprouve-t-il pas du plaisir àvoir ses légumes pousser ou à réussir par lui-même à se nourrir ? Le travail ne permet-il pas aussi d'être fier de soiet heureux de s'accomplir ? 1.

Le travail permet à l'homme de trouver son humanité et de la développer Pour Hegel, le travail arrache l'homme de l'animalité, à son existence immédiate, en lui imposant la médiation du temps et aussi celle de l'outil.

Il écrit dans La phénoménologie de l'esprit que « le travail, au contraire, est désir réfréné, disparition retardée : le travail forme ».

Parce que le travail nous oblige à remettre notre satisfaction à plustard, il est aussi transformation de soi.

Mon désir est retardé et je suis obligé d'inventer les moyens de le satisfaireet donc de développé mon esprit.

D'ailleurs, pour Hegel, l'outil est noble parce qu'il manifeste l'Esprit.

Dans Leçons sur la philosophie de l'histoire , on peut lire : « Ces découvertes humaines appartiennent à l'Esprit ; un instrument inventé par l'homme est plus haut qu'une chose de la nature, car il est production de l'esprit.

» Le travail est alors lemoyen d'une extériorisation de soi.

Le travail forme et éduque, il transforme le monde et le civilise.

Il se distingue. »

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