Le travail contribue-t-il à unifier l'humanité ?
Publié le 02/03/2004
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TRAVAIL (lat. tripolium, instrument de torture )
Aristote considérait le travail comme une activité par nature asservissante, n'étant pas une fin en elle-même mais le moyen de la subsistance. Activité vile qui déforme l'âme et le corps, elle est réservée aux esclaves qui s'abîment dans ce qu'ils font. Le travail, en effet, implique une spécialisation déshumanisante, car l'homme n'est pas fait pour un métier comme un marteau est fait pour planter un clou. Si la main est le symbole de l'homme, c'est précisément qu'elle n'est pas un outil, mais un organe polyvalent. Ainsi, les activités nobles développent en l'homme simultanément toutes ses facultés, tandis que l'activité laborieuse détruit cette harmonie en instrumentalisant l'une d'elles. Nous dirions aujourd'hui que, asservi aux impératifs de l'efficacité, celui qui travaille perd sa vie à la gagner : Aristote le définit simplement comme un « outil vivant » dont on pourrait bien se passer si les navettes pouvaient se déplacer toutes seules sur les métiers à tisser. Comment le travail, que les Grecs tenaient pour indigne de l'homme, a-t-il pu devenir une valeur ? Si la Bible décrit le travail comme un châtiment divin, il est aussi le moyen d'un rachat pour l'humanité qui, par ses efforts, contribue au perfectionnement du monde. Il est alors moins un mal qu'un moindre mal. Dans l'éthique protestante, il devient même un devoir si bien qu'on a pu lier cette valorisation morale du travail à l'essor du capitalisme. A partir du xix siècle, au moment même où l'Occident achève son industrialisation, le travail s'impose en philosophie comme une notion centrale, en particulier avec Hegel qui en saisit le caractère anthropogène. L'homme n'est homme que par le travail qui le rend maître de la nature, mais aussi de lui-même (en disciplinant son désir par ex.). Cependant, l'écart existant entre l'essence du travail, producteur de l'humanité, et les formes historiques du travail (aliénation et exploitation économique de la force de travail) sera dénoncé par Marx comme une dénaturation induite par le système capitaliste. Quant à la glorification du travail, elle sera analysée par Nietzsche à la fin du siècle, comme l'instrument le plus efficace, conçu par la morale chrétienne, de domestication des instincts vitaux.
«
Le travail contribue à diviser l'humanité
·~t·l~'
Le travail établit des rapports de dépendance et
de domination.
Il divise l'humanité.
D'une part, les riches
exploitent les pauvres.
D'autre part, la quête du profit conduit
à une lutte entre les individus.
Le «bon sauvage))
vivait heureux
R
ousseau a imaginé
un état de nature
dans lequel l'homme
vivait simplement, se
«Plus le capital productif s'accroit, plus la division du travail et le machinisme gagnent en extension.
Et plus la division du travail et le machinisme s'étendent, plus la concurrence entre -les travailleurs s'intensifie, et plus leur salaire se res
serre.» Karl
Marx,
Travail salarié et capital
contentant des richesses
naturelles.
Sorti de cet
état, il a perdu sa
liberté initiale.
La satis
faction de besoins tou-
jours plus raffinés l'a
conduit à dépendre du
travail d'autrui.
Or, de
la dépendance à la
domination, il n'y a
qu'un pas à franchir.
Le travail conduit
à une exploitation
de l'homme par
l'homme
L
es maîtres ont
exploité le travail des
esclaves , les seigneurs
celui des serfs, les bour
geois celui du proléta
riat.
Le travail n'a jamais
été équitablement dis
tribué.
Il y a toujours eu
une classe d'hommes
inactifs vivant du labeur
d'autrui .
Voilà l'origine
de ce que Marx ap-
pelle.
»
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