Le texte étudié est un extrait des paroles de Gorgias dans l’Eloge d’Hélène, issu de Les Présocratiques
Publié le 27/02/2022
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Le texte étudié est un extrait des paroles de Gorgias dans l’Eloge
d’Hélène, issu de Les Présocratiques. Gorgias y prend la défense d’Hélène.
Celle-ci, alors qu’elle était mariée à Ménélas, s’est enfuie à Troie avec
Pâris, le jeune prince de la ville. C’est cela, le crime qui lui est reproché.
Dans la version mythique de l’histoire, c’est la déesse Aphrodite qui
envoûte Hélène, et la contraint alors à partir avec Pâris. Ici, Gorgias soutient
une autre hypothèse : Hélène a bien été envoûtée, non pas par une force
surnaturelle, mais par la puissance d’un discours.
C’est donc par la théorie sophiste, selon laquelle la seule maîtrise parfaite
de la parole peut suffire à envoûter une âme et contrôler une personne
malgré elle, que Gorgias défend le départ d’Hélène pour Troie. Il tente alors
de démontrer dans quelle mesure, la parole à elle seule, possède un pouvoir
immense et comment elle a ainsi pu convaincre Hélène d’agir contre son
gré. L’art du discours, expose-t-il, lorsqu’il est maîtrisé, a la capacité de
provoquer des émotions chez l’auditeur. Il peut, dit-il « faire cesser la peur,
dissiper le chagrin, exciter la joie, accroître la pitié ». La parole a alors
comme les pleins pouvoirs sur l’âme, qui, si elle est sujette aux émotions,
pourrait se laisser orienter d’un côté ou d’un autre au bon vouloir de celui
qui parle. C’est alors que le discours fait son effet. Une fois qu’elles ont
suscité chez l’auditeur le chagrin ou la joie, les paroles (que Gorgias nomme
même les « incantations », montrant ainsi une certaine proximité avec la
magie ou le surnaturel) vont se mêler à l’opinion, et vont, « avec l’aide
maligne de [la] Persuasion », tenter de la charmer. Cette citation prend un
sens particulier. On remarque que « Persuasion » prend une majuscule, ce
qui peut indiquer une personnification de la part de l’auteur de ce concept.
Cette Persuasion est d’ailleurs capable d’apporter une « aide maligne » au
discours, ces deux termes nous renvoyant alors à la ruse, à quelque chose de
sournois et trompeur. Si le discours est efficace, il réussira alors à
« change[r] [l]es dispositions» de l’âme. Gorgias qualifie le discours de
« tyran très puissant », car celui-ci, lorsqu’il est manié par un sophiste
connaissant l’art de la parole, a le pouvoir de contraindre l’âme à le croire.
Or, cela revient à faire violence à l’auditeur, car celui-ci n’a acquiescé que
sous l’influence de la persuasion.
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