Le temps n'est pas inhérent aux objets eux-mêmes - E. KANT
Publié le 09/01/2020
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Le temps n'est rien en dehors de notre mode particulier d'intuition, c'est-à-dire en dehors d'un sujet fini auquel les objets extérieurs sont donnés par l'intermédiaire de la sensibilité. Il ne faut cependant pas en conclure que le temps n'est qu'un être de raison, qu'il n'existe pas. Toute objectivité est, pour nous, nécessairement soumise au temps comme à sa condition de possibilité.
Si nous faisons abstraction de notre mode d’intuition interne et de la manière dont, au moyen de cette intuition, nous embrassons aussi toutes les intuitions externes dans notre pouvoir de représentation ; si par conséquent, nous prenons les objets comme ils peuvent être en eux-mêmes, alors le temps n’est rien. Il n’a de valeur objective que par rapport aux phénomènes, puisque ce sont déjà des choses que nous regardons comme des objets de nos sens, mais il n’est plus objectif, si on fait abstraction de la sensibilité de notre intuition, par conséquent du mode de représentation qui nous est propre, et que l’on parle des choses en général. Le temps n’est donc qu’une condition subjective de notre (humaine) intuition (qui est toujours sensible, c’est-à-dire qui se produit en tant que nous sommes affectés par les objets), et il n’est rien en soi en dehors du sujet. Il n’en est pas moins nécessairement objectif par rapport à tous les phénomènes, par suite, aussi, par rapport à toutes les choses qui peuvent se présenter à nous dans l’expérience. Nous ne pouvons pas dire que toutes les choses sont dans le temps, puisque, dans le concept des choses en général, on fait abstraction de tout mode d’intuition de ces choses, et que l’intuition est la condition particulière qui fait entrer le temps dans la représentation des objets. Or, si l’on ajoute la condition au concept et que l’on dise : toutes les choses en tant que phénomènes (objets de l’intuition sensible) sont dans le temps, alors le principe a sa véritable valeur objective et son universalité a priori.
[...] Le temps est, sans doute, quelque chose de réel, à savoir la forme réelle de l’intuition intérieure. Il a donc une réalité subjective par rapport à l’expérience interne, c’est-à-dire que j’ai réellement la représentation du temps et de mes déterminations en lui. Il faut donc le considérer réellement non pas comme objet, mais comme un mode de représentation de moi-même en tant qu’objet [...] Si on lui enlève la condition particulière de notre sensibilité, alors le concept de temps s’évanouit ; il n’est pas inhérent aux objets eux-mêmes, mais simplement au sujet qui les intuitionne.
E. Kant, Critique de la raison pure, pp. 64-65.
«
alo rs le concept de temps s'évan ouit; il n'est pas inhéren t aux objets eux -mêmes, mais simplement au sujet qui les intuitionne.
E.
KANT, Critique de la raison pure, pp.
64-65 .
POUR MIEUX COMPRENDnE LE TEX f L
« Notre 1> intuit ion désigne, comme cela es t précisé par
la suite, le mode d'intuition humain.
Notre intuition n'e st
pas créatrice : elle ne crée pas son propre contenu mais le
reçoit en tant qu 'il est don né.
L'homme est un être pour
leque l la présence des choses const itue un dehors irré
ductible .
Il n'en est pas l'au teur, et c'est en cela qu 'il est
fini .
Le temp s, en tant que cond ition nécessai re de récep
tion de ce dehors sensible, n'a donc de validité qu'à l'inté
rieur des limites d'u n mode pa rticul ier d'intuition.
Il n'est
pas une réa lité qui subs isterait par elle-même , oti une pro
priété des choses en soi (des choses telles qu 'elles sont en deho rs de la sensib ilité).
Il ne faut pas en conclure
pour autant, de la part de Kant, à un relativisme .
Nous
pouvons bien postuler qu' îl existe d'au tres modes d'intui
tion que le nôtre, mais nous ne pouvons en avoi r qu'une
idée, jamais une connaissance.
Dire que le temps est une condition subj ective ne signi
fie pas que le temps serait relatif, arbitra ire, mais qu 'il n'y a
pas de temps qui existerait réellement sans objet réel .
Il n'en demeu re pas moins que le temps a une réa lité: il
est indubi tab le que les do nnées du sens interne existent,
que le temps passe, que je m'intuitionne mo i-même dans
ce passage .
Bien plus : la cond ition sub ject ive qu'es t le
temps est condition de l'ob jectivité de tous les phéno
mènes, c'es t-à-d ire condition de l'expérience , sans
laque lle la conna issance serait imposs ible .
En insistant sur
le fait que le temps est la condition fondamenta le de
!'apparaître des phé no mènes, Kant montre que le temps
n'est pas un mi lieu donné qui subs istera it en dehors de
nous, un étant déjà constit ué, mais un disposi tif logique
d'accueil des phéno mènes..
»
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