Le temps n'est-il pour l'homme que ce qui le limite ?
Publié le 28/07/2005
Extrait du document
«
dans le temps.
Pour Bergson, elle est conscience de la durée même, propre temporalité.
Alors que l'entendement est spatial, analytique, immobile, la conscience est saisie de la durée intime commeflux ininterrompu.
L'entendement est une faculté qui organise, classe, ordonne,hiérarchise, formalise souvent sous le modèle du classique mécanisme ; laconscience est une continuité indécomposable d'instants qui s'agencent à lamanière des notes dans une symphonie musicale.
Isoler une note ne signifie rienet bouleverse l'harmonie de l'ensemble.
Lorsque nous tenons un discours, ledébut de notre phrase appartient déjà au passé.
Pourtant, dans ce discours,nous suivons le sens de ce qui est dit, et nous comprenons ce qui se dit.
Lepassé, bien qu'objectivement passé, demeure en notre conscience où il ne cessede vivre.
Si notre conscience n'était que pure intuition de l'instant, elle ne seraitrien.
La conscience intègre la totalité du passé dans la mémoire, qui est commela source de notre intégration et de notre compréhension du moment présent.La conscience est donc à entendre dans un sens profondément vital.
Ellerésume et exprime notre puissance de choix.
Choisissant une action plutôtqu'une autre, elle ne laisse de contenir en elle l'intégralité du possible.
Ce parquoi se définit notre pure et immédiate liberté.
Être conscient, c'est s'inventersans cesse soi-même dans de libres choix.
Mais il me situe d'autre part dans une culture et dans l'histoire d'unecommunauté : les traditions, les principes, les textes sur lesquels vit cettedernière, je les fais miens d'une certaine façon et me les approprie — y comprislorsque je prétends m'en dégager.
Le passé n'est ainsi pas réductible à une absence inerte : il appelle mes réactionsau moment même où il me fournit certains enseignements.
• Le présent quant à lui, même s'il est « introuvable », n'en offre pas moins pour un sujet une sorte de réalité.
Celle-ci est ambivalente : j'y peux éprouver aussi bien l'ennui (devant la répétition des gestes et des tâches) quel'exaltation (que produit la participation à un « événement » — qu'il soit politique ou culturel).
Dans le premier cas,je « perds mon temps » (mais si ce temps est mien, c'est qu'il est quand même à ma disposition et ne m'impose passeulement une limite de l'extérieur) dans l'abrutissement ou le loisir au rabais, dans le second je le comble et letransforme en une occasion d'enrichissement.
• C'est cependant la réflexion sur l'avenir et l'inscription qui peut s'y accomplir du projet humain qui est la plus riche.
« Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Celasignifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le mondeet qu'il se définit après.» L'homme, tel que le conçoit l'existentialisme, s'il n'est pasdéfinissable, c'est qu'il n'est .d'abord rien.
Il ne sera qu'ensuite et ilsera tel qu'il se sera fait.
Ainsi il n'y a pas de nature humaine, puisqu'iln'y a pas de Dieu pour la concevoir.» ...
L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.
Tel est le premierprincipe de l'existentialisme...
L'homme est d'abord ce qui se jette versun avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir.» ...
Si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme estresponsable de ce qu'il est.
Ainsi la première démarche del'existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu'ilest et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence.Et quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nousne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricteindividualité, mais qu'il f st responsable de tous les hommes.» Choisir d'être ceci ou cela, c'est affirmer en même temps la valeur dece que nous choisissons, car nous ne pouvons jamais choisir le mal ; ceque nous choisissons c'est toujours le bien et rien ne peut être bonpour nous sans l'être pour tous.
» (J.-P.
Sartre, L'existentialisme est unhumanisme)
Présentation du texte
Ce texte est extrait d'une conférence faite par J.-P.
Sartre en 1945 au « Club maintenant » et récemment rééditéeaux Editions Nagel.
Cette conférence reprenait sous une forme condensée et plus accessible les grands thèmes del'Eire et le Néant.
Nous trouvons dans cet extrait la définition même de l'existentialisme sartrien.
« ...
L'existence précède l'essence.
» Il s'agit ici de l'existence humaine radicalement différente de l'existence desobjets fabriqués par exemple.
Ce stylo-feutre bleu dont je me sers, existe évidemment.
Mais avant d'exister il a étéimaginé, conçu, dessiné peut-être par quelque ingénieur.
Construit selon un modèle et pour un usage ce stylo a étéune idée, autrement dit une « essence »avant d'être une « existence ».
Mais moi, homme, j'existe tout simplement.Ma personnalité n'est pas construite sur un modèle dessiné d'avance et pour un but précis.
Tous les objets sont.
»
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