LE TEMPS ET LA VIE SPIRITUELLE

« LE TEMPS ET LA VIE SPIRITUELLE 9 I matiques, dont les révolutions célestes leur paraissaient être l'image.

Mais c'est une éternité sans vie, abstraite, obtenue par appauvrissement, étrangère à l'existence; plutôt une pérennité.

L'homme ne s'éternise pas en pensant l'immuable.

On n'obtient pas l'éternité à partir du temps, ni par addition, ni par soustraction.

Reste une éternité qui ne soit pas moins, mais plus que le temps, un éternel présent qui contienne en puissance tout l'étalement de la durée.

Elle ne peut appartenir qu'à un Dieu transcendant contemporain de tout le devenir et qui le domine.

On l'a parfois comparée à un point immobile : punctum stans.

Mais pour qui l'admet, c'est, il est vrai, un mystère qui ne fait qu'un avec celui de la création et de la liberté.

Si on pose une telle éternité, il faut bien qu'elle communique avec le temps, mais comment ? La spéculation médiévale s'est épuisée à concilier la prescience divine avec la liberté humaine, et plutôt que de renoncer à celle-ci, Lequier préférait mettre une certaine durée en Dieu.

Toutefois, l'expé­ rience de la joie, apparentée, comme le dit Bergson, à celle de la création, 1' expérience de la liberté, nous ouvrent une perspective sur une suspension du temps qui n'est ni une parenthèse, ni un hiatus, mais une plénitude.

C'est elle qui contient la propulsion du temps.

Au poète qui supplie : 0 Temps, suspens ton vol, on ne demandera pas malicieusement : (( Combien de temps le temps suspendra-t-il son vol ? n, car cette ques­ tion n'a aucun sens, et nous n'avons pas à nous la poser.

Le temps n'a pas une réalité primitive, mais dérivée.

Comme l'a montré saint Augustin dans l'admirable X• Livre des Confessions, l'esprit n'est pas dans le temps ;. »