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Le technicien est-il le seul véritable inventeur ?

Publié le 27/02/2008

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  Dans l'imaginaire culture, l'inventeur est avant tout considéré comme un intellectuel, un scientifique qui raisonne, émet des hypothèses qu'il vérifie ensuite et qui parfois, peuvent donner lieu à des inventions. Le technicien à l'inverse est souvent rapproché du travail pratique et technique. Plus proche de la machine, il est aussi plus manuel, et conçoit donc moins. Autrement dit, le technicien apparaît en général pour mettre en pratique les idées de l'inventeur : conception et réalisation sont ainsi souvent considérées comme deux tâches distinctes. C'est cette idée que le sujet cherche à remettre en cause, car il pourrait sembler plus logique, que le technicien, de par son contact permanent avec la machine soit mieux à même de comprendre ce qui pourrait l'améliorer.             Se pose donc la question de savoir si la conception et la réalisation sont deux étapes et deux tâches complètement distinctes, ou si au contraire l'une ne peut pas aller sans l'autre. Autrement dit, est-il possible d'être un inventeur si on ne dispose pas de connaissances pratiques ou d'u minimum de savoir-faire ?    

« II/ Le technicien ne peut être qu'un inventeur, c'est lui qui donne la forme : D'après ce que nous venons de voir, il semblerait que le technicien doive se contenter de produire parceque la règle qui donne lieu à son travail, la règle qui en est la cause a déjà été créée et qu'il ne reste de ce fait plusrien de nouveau à inventer.

Autrement dit, l'invention a lieu en amont de la production, et n'est donc plus de miseune fois le travail technique commencé.

Or, ce n'est pas nécessairement le cas.

Il est possible de citer de nombreuxexemples où c'est à partir de la technique que de nouvelles idées sont nées.

Il serait possible de nommer l'apprentipâtissier qui, à Cambrai, s'est trompé dans la recette de bonbons et qui a ainsi créé les « bêtises de Cambrai ».

Letechnicien peut ainsi être un inventeur.

Mais surtout, le travail du technicien, quel qu'il soit, implique une raison etune capacité réflexive.

C'est ce qu'explique Marx dans Le Capital, Livre I, section 3.

En effet, selon lui, le travail techniqueprésuppose des caractères proprement humains : la raison et la capacité réflexive.

La première raison qui peut faireconsidérer le technicien comme un inventeur réside dans le fait qu'il donne à la nature la forme qu'il désire, qu'il lamodifie.

En effet, le travail se passe toujours entre l'homme et la nature.

En tant que puissance naturelle, l'hommeva appliquer ses forces – par le biais de ses mains, de ses bras ou de ses jambes – à la matière.

Il met cettedernière en mouvement en lui donnant une forme utile à la vie.

Le technicien est donc une sorte d'inventeur puisqu'ilmodifie la nature et lui donne une forme nouvelle : « Il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et lamodifie ».

Ce faisant, il modifie sa propre nature et développent des facultés qui sommeillent en lui, et qui luipermettront de faire naître de nouvelles choses de la matière.

La seconde raison qui peut nous amener à penser que le technicien est aussi un inventeur, réside dans lefait qu'il conçoit dans sa tête ce qu'il va faire avant de l'exécuter concrètement.

Tout travail résulte d'une activitéréfléchie, laquelle implique l'aptitude à réfréner ses tendances spontanées, le temps de penser, de préparer l'action.Le travailleur, le technicien prépare donc son projet avant de l'exécuter.

Marx prend l'exemple de l'abeille, et lacompare à un architecte : selon lui, la différence qui existe entre l'abeille la plus experte et l'architecte le plusmauvais, c'est que ce dernier a construit le projet dans sa tête.

La cellule ou alvéole de l'architecte aura beau êtremoins parfaite que celle de l'abeille, elle sera quand même supérieure car elle n'a pas été faite par un purmécanisme.

« Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur.

» Letechnicien est donc ainsi un inventeur car il impose son idée à la matière, et il réalise du même coup son propre buten subordonnant la matière à sa volonté.

Ceci sans compter qu'il ne réalise pas de manière mécanique son projet, ille conçoit avant de l'exécuter ; et la conception est le propre de l'inventeur.

III/ Le technicien est l'inventeur sont une seule et même personne : Nus avons vu que le technicien est celui qui a le plus de prise sur le réel, il est celui qui a de la pratique.Mais il est aussi celui qui utilise avant tout des outils dans son rapport direct avec le monde réel.

Ces outils ontnécessairement été eux-mêmes créés par d'autres hommes.

Dans ce cas, l'activité technique de l'homme tire sonorigine de l'intellect.

Il semblerait donc que l'intelligence humaine consiste dans la confection et la fabricationd'outils.

L'homme savant est donc avant tout un homme fabricateur d'outil.

Il semblerait que sous cet angle, letechnicien et l'inventeur se confondent.

C'est ce que montre Bergson dans L'évolution créatrice.

Dans cet ouvrage, il montre comment l'homme secaractérise par sa fragilité par rapport aux autres espèces de la nature : il ne possède pas de griffes pour sedéfendre, il n'a as de fourrure contre le froid, il n'est pas capable de se déplacer rapidement… mais il a une qualitéqui le distingue de tous les autres être naturels : il possède l'intelligence.

L'homme est l'aboutissement de l'élanvital : ce dernier n'a rien qui le protège, mais ces protections sont en même temps des obstacles à l'invention.

Eneffet, l'homme va devoir trouver des solutions pour remédier à sa faiblesse : son intelligence va lui faire créer desoutils qui remplaceront les griffes et les fourrures.

L'intelligence aurait donc pour tâche biologique la fabricationd'outils à partir de la matière inorganique, outils destinés à prolonger le bras de l'homme et à élargir ainsi lapuissance de ce dernier sur l'environnement physique par un recours à l'artifice technique.

L'homme serait alors un homo sapiens, homme possédant l'intelligence, dans la mesure où il serait un homofaber, homme fabricateur d'outils.

L'intelligence, de par sa nature utilitaire, aurait ainsi une dimension pratique, quiferait de celui qui la possède à la fois un technicien et un inventeur.

« L'intelligence, envisagée dans ce qui parait enêtre la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire desoutils, et d'en varier indéfiniment la fabrication.

» Chap II.

è Si on poursuit la logique de Bergson, il va de soit qu'à l'origine le technicien, c'est-à-dire celui qui utilise des outils, est nécessairement en même temps un inventeur, car celui qui utilise des outils est celui qui possèdel'intelligence.

Conclusion : Il serait possible de penser dans un premier temps que le technicien ne peut absolument pas être uninventeur, car il est celui qui se contente d'appliquer les idées et les règles qu'on lui a préalablement données.

Maisen réalité, le fait même de modeler la matière donne une certaine qualité au technicien.

Ce dernier donne une formenouvelle à la nature, ceci sans compter qu'avant d'entreprendre quoique ce soit il en conçoit nécessairement leprojet.

Or, cette activité de conception est la caractéristique de l'inventeur.

Sous un certain angle, le technicienest donc une sorte d'inventeur.

Mais surtout le technicien est celui qui utilise des outils.

Or, l'intelligence humaineest créatrice d'outils : celui qui utilise des outils, est nécessairement en même temps un inventeur, car celui quiutilise des outils est celui qui possède l'intelligence.. »

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