LE STYLE DE PASCAL (PENSEES - PROVINCIALES)
Publié le 12/07/2011
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Tout cela nous est raconté avec une émotion intense, qui vient de la nature même de cette aventure et de ses conséquences bouleversantes ; cette émotion vient aussi de l'ardent amour qui pousse Pascal vers Dieu et vers les hommes : ceux-ci ne sont-ils pas, avec lui, les membres d'un même corps dont il se sent solidaire?
Plénitude d'un style qui réunit les qualités les plus opposées : éloquence et familiarités lyrisme et précision, et qui place Pascal au premier rang de nos écrivains.
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chrétien; il a passé d'un état à l'autre par le saut de la grâce et il nous invite à tenter la même expérience.
Tout cela nous est raconté avec une émotion intense, qui vient de la nature même de cette aventure et de ses
conséquences bouleversantes ; cette émotion vient aussi de l'ardent amour qui pousse Pascal vers Dieu et vers
les hommes : ceux-ci ne sont -ils pas, avec lui, les membres d'un même corps dont il se sent solidaire?
Plénitude d'un style qui réunit les qualités les plus opposées : éloquence et familiarités lyrisme et précision, et
qui place Pascal au premier rang de nos écrivains.
Mystère d'un style qui n'a pas reçu la dernière touche et qui tire parfois des effets de son inachèvement même
! Pascal, a dit Sainte-Beuve, admirable écrivain quand il achève, est encore plus grand quand il est interrompu.
Mystère enfin d'un style dont le lyrisme est parfois voulu et l'émotion en partie simulée ! Car Pascal connaît
trop bien les hommes pour ne pas prévoir et déterminer leurs réactions.
Il sait que, pour échauffer, il ne faut
pas demeurer impassible, et telle pensée où semble percer l'angoisse ou la colère vient peut -être de
l'intelligence plutôt que de la passion.
Derrière la pensée de Pascal, écrit Joubert, on voit l'attitude de cet esprit
ferme et exempt de passion...
Le style coupé, la forme fragmentaire, l'inachèvement, la discontinuité de l'expression et de la pensée sont
pour beaucoup dans le succès des Pensées ; ils placent Pascal dans une tradition qui passe par La
Rochefoucauld et La Bruyère, jusqu'à Nietzsche et René Char.
Par goût pour les formes brèves, Pascal compose
souvent des dialogues, des lettres, des courts traités.
BRIÈVETÉ DU STYLE
Les formes littéraires longues conviennent aux pensées achevées qui se prêtent à un exposé synthétique : c'est
celle des sommes scolastiques.
Une pensée qui se cherche recourt de préférence à des formes brèves, plus
propres à l'exploration.
Pascal pense d'ailleurs que les lourds traités, avec leurs divisions, attristent et ennuient.
Il préfère donc les textes nerveux, clairs et libres, par exemple à la manière de Montaigne.
Il n'est pas le seul
: le Discours de la méthode et les Essais qui l'accompagnent sont aussi des modèles de brièveté ; en politique,
la Fronde a suscité les mazari - nades, petits écrits polémiques volants, qui touchaient un important public, dont
s'est à coup sûr inspiré l'auteur des Provinciales.
La lettre, ouverte ou confidentielle, connaît un succès
croissant : celles de Guez de Balzac ont été considérées comme le modèle d'une prose capable de traiter
sérieusement des sujets élevés de philosophie et de politique, en demeurant accessible au public mondain.
Toute l'œuvre de Pascal est marquée par la brièveté : les Provinciales, brochures d'une dizaine de pages, les
Ecrits pour les curés de Paris, les Expériences nouvelles touchant le vide, le Récit de la grande expérience,
autant d'opuscules incisifs, dont certains ont échappé à la destruction par pur miracle.
Les Lettres de A.
Dettonville et le Triangle arithmétique sont constitués de plusieurs traités tous réduits à l'essentiel d'un
problème.
La forme épistolaire revient aussi partout, dans les sciences comme dans la polémique religieuse.
Ce
goût pour la brièveté, cette « recherche du discontinu et de la cassure » (P.
Sellier) a des raisons profondes :
pour les augustiniens, le cœur de l'homme corrompu est marqué par l'inconstance et la vanité ; il supporte mal
l'uniformité, il a besoin de variété rhétorique.
Seule la brevitas le touche.
TECHNIQUE PASCALIENNE
Cette brièveté répond aussi chez Pascal à une manière naturelle de penser et de composer.
Pascal cherche
toujours l'ordre et la synthèse, mais au lieu de recourir à des modèles préétablis, il procède par mises au point
de noyaux fragmentaires et discontinus.
C'est le cas des Pensées, où apparaissent différents degrés
d'élaboration : d'abord Pascal note un mot, une formule, une image ; ce germe est ensuite développé, étoffé,
intégré à un ensemble plus vaste jusqu'à constituer les grands développements que nous connaissons sur
l'imagination, le divertissement ou les deux infinis par exemple.
A plus grande échelle, les chapitres des
Pensées sont autant de noyaux travaillés chacun à part et destinés à marquer les différentes étapes de
l'argumentation apologétique.
La même technique de mise au point de mouvements séparés a été mise en
lumière par Jean Mesnard pour les Ecrits sur la grâce et les Lettres de A.
Dettonville.
Naturellement, l'œuvre
achevée porte dans son plan la trace de cette méthode : la Ve Provinciale par exemple, comporte visiblement
trois éléments distincts.
Le premier présente la politique des jésuites, le second les fondements de la
casuistique, le troisième les casuistes eux-mêmes.
BRIÈVETÉ ET DENSITÉ
La brièveté implique la densité.
Une Provinciale traite en dix pages un point précis et typique, sur lequel les
positions des adversaires sont clairement tranchées.
Le Récit de la grande expérience n'a que vingt pages, où
deux lettres suffisent à poser et à résoudre le problème de l'horreur du vide.
Cette densité a des vertus
dramatiques : le « suspens » de l'expérience du Puy de Dôme, l'enquête à moitié sérieuse et pleine de
rebondissements sur le complot ourdi contre Arnauld en Sorbonne dans la Ire Provinciale..
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