Le sentiment d'injustice ?
Publié le 09/02/2004
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POUR DÉMARRER Recourir à l'acquiescement de l'esprit fondé sur des preuves qui nous paraissent décisives et sur la certitude personnelle qui en résulte, est-ce reconnaître le droit et l'appliquer, est-ce remplir l'exercice du pouvoir juridique ? Est-ce faire respecter le droit positif ? Autant de questions suggérées par l'intitulé, qui nous pose une des problèmes majeurs du fondement du droit et de son application. Faut-il se borner à des preuves irréfutables, purement objectives, pour rendre justice ? CONSEILS PRATIQUES Deux termes à expliciter : justice et conviction. La certitude personnelle et ses limites doivent être longuement interrogées par vous. Peut-on se fier au sentiment de l'injuste ? Notre intime conviction n'a-t-elle pas toujours déjà teintée de subjectivité ? A cette objectivité s'oppose l'objectivité rigoureuse de la loi positive. Au côté subjectif, ajoutez synthétiquement tout l'arsenal objectif par lequel on rend justice. L'intime conviction n'est pas suffisante : que d'erreurs judiciaires elle pourrait engendrer ! BIBLIOGRAPHIE KANT, Métaphysique des moeurs. Doctrine du droit, Vrin. H. KELSEN, Théorie pure du droit, Dalloz.
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conception rationaliste, selon laquelle la justice relèverait de la raison, et la conception selon laquelle la justiceserait ancrée dans le sentiment, c'est-à-dire dans ce que l'on éprouve, dans le domaine affectif et émotionnel.
Sedemander si la justice peut relever du sentiment amène donc à se demander si les notions d'équité et d'égalitépeuvent trouver leur origine et leur réalisation dans un sentiment naturel de répugnance pour la souffrance d'autruiet pour tout ce qui nous semble injuste.
Ne doit-on pas, au contraire, séparer radicalement le domaine de la justicede celui du sentiment, en disant que la justice implique une règle qui ne peut provenir que de la raison, et que notresentiment n'est pas fiable pour nous dire ce qui est juste et ce qui est injuste ? Répondre à cette question amène,de plus, à distinguer le rôle possible du sentiment dans l'origine de la notion de justice et son rôle dans la volonté etdans l'exercice de la justice.
Nous verrons dans un premier temps que la justice trouve son origine dans unsentiment naturel, avant de comprendre la justice comme l'exercice d'un contrôle, par la raison, des autresfonctions de l'âme.
On pourra alors affirmer que le sentiment peut jouer un rôle dans l'exercice de la justice même s'iln'est pas à l'origine de notre connaissance de ce qui est juste ou injuste.
1° La justice trouve son origine dans le sentiment
Rousseau défend l'idée qu'il existe en chaque homme un principe inné de justice et de vertu.
Ce principe est ancré dans la loi naturelle, inscritedans le cœur de l'homme : c'est ce sentiment inné qui règle, à l'état denature, le rapport de l'homme avec ses semblables, et qui rend possiblel'empathie, c'est-à-dire l'identification à la souffrance d'autrui, et la pitié, quiest la répugnance naturelle devant cette souffrance.
Ce sentiment seraitainsi à l'origine du principe de justice : Rousseau affirme que quelles quesoient les coutumes et les idées dominantes d'une nation, chaque hommeéprouve un sentiment d'horreur face à l'oppression des faibles par les forts etface au meurtre d'un de ses semblables.
Si un tel principe est universel, c'estparce qu'il ne provient pas d'idées acquises qui relèveraient de la raison, maisd'un sentiment naturel gravé en chacun, et qui reste présent même quanddes idées acquises viennent le contredire.
C'est ce sentiment qui nous permetde reconnaître le bien du mal et nous donne la volonté de réaliser le premieret de fuir le second.
L'origine de la notion de justice ainsi que notre volontéet notre capacité pour l'exercer sont donc ancrées dans la sphère dusentiment, de que l'on éprouve, plaisir pour la justice et horreur et répulsiondevant toute forme de souffrance subie par autrui et toute forme d'injustice.
2° La justice est une vertu qui relève de la raison
Dans la perspective platonicienne, une distinction stricte est opérée entre le domaine de l'âme, qui est la partie de l'homme immortelle, qui provient du monde intelligible, et qui constitue la véritable essence de l'homme, etle domaine du corps, ou encore du sensible, qui relève du changeant et n'est qu'une pâle copie de l'intelligible.
Lavertu consiste à reconnaître comme éphémères et illusoires les désirs sensibles pour s'élever au désir de sagesse del'âme.
La vertu de justice au sein de la cité est comprise sur le modèle de la justice au sein de l'âme: de même queles différentes fonctions de l'homme, le courage et l'appétit, doivent être dirigées par la raison, dans la cité, lesgardiens doivent faire régner l'harmonie entre les différentes fonctions exercées par les citoyens, notamment celledes paysans et des marchands, qui représente l'appétit, et celle des guerriers, qui représente le courage.
Or, ceuxqui sont à même de faire régner la justice dans la cité sont ceux qui sont justes dans leur âme, les philosophes.
Lesphilosophes sont donc l'équivalent, dans la cité, au rôle de la raison dans l'âme.
C'est la raison qui dirige les autresparties de l'âme, liées au sentiment, pour exercer la vertu de justice.
En ce sens, on ne peut donc dire que lajustice pourrait relever du sentiment, puisqu'elle relève à l'inverse d'une subordination des fonctions de l'âme ou dela cité liées au sentiment et au sensible à la raison, liée à l'intelligible.
3° Ce n'est pas le sentiment qui nous fait connaître ce qui est juste, mais il peut toutefois jouer un rôle dans l'exercice de la justice.
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