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Le savoir exclut il toute formes de croyances?

Publié le 07/02/2005

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Le savoir n'exclut donc pas toute forme de croyance, d'autant plus qu'il ne peut prétendre accéder aux questions métaphysiques qui relèvent aussi de la croyance. Les axiomes, les postulats, les hypothèses sont autant de croyances, certes raisonnablement admises, mais qui n'en restent pas moins des croyances. En revanche, le savoir suppose le doute en ce qu'il concerne les évidences trop rapidement admises. C'est bien le caractère incertain du savoir, du moins la prise de conscience de ce caractère, qui lui confère son caractère dynamique et lui permet d'évoluer.

On oppose traditionnellement croyance et savoir : croire, c’est tenir pour vrai sans preuve, sans démonstration, c’est se fonder sur un principe étranger et douteux, alors que savoir, c’est la possession du vrai, c’est se baser sur des preuves expérimentales, des démonstrations nécessaires. Ainsi, la certitude née du savoir paraît supérieure à celle née de la croyance, qui semble manquer de fondements ; c'est pourquoi le savoir semble destiné à faire disparaître la croyance, partout où elle règne encore. Cependant, le progrès considérable du savoir scientifique accompli depuis plusieurs siècles n'a pas fait disparaître la croyance, bien au contraire : superstitions et religions jouent un rôle toujours aussi important. Ainsi est-il légitime de se demander si le savoir exclut toute forme de croyance, que ce soit à la base même de la connaissance scientifique, ou bien dans sa production. En effet, de prime abord, il parait évident, légitime et nécessaire d’opposer savoir et croyance, le premier excluant nécessairement le second. Néanmoins, si des exemples nous montrent que la science a pu faire reculer voire disparaître certaines croyances, s’agit-il de penser qu’elle est susceptible de bannir toutes les croyances ? N'y a-t-il pas en effet, plusieurs manières de tenir quelque chose pour vrai, c'est à dire plusieurs formes de croyances ? La science ne repose-t-elle pas elle-même sur certaines formes de croyances, telles la croyance en les pouvoirs de la raison ? Dès lors, si au fondement de tout exercice de la raison il y a une croyance en la raison, la connaissance scientifique ne connaît-elle pas certaines limites ?

  • I – Savoir et croyance ne s'excluent-ils pas en se complétant ?

  • II – Le savoir a-t-il besoin de croyance ?

  • III – Peut-on opposer le savoir à la croyance ?

 

« La croyance intervient ici là où la raison (du savant) rencontre un obstacle : la position de Pascal délimite deuxchamps qui n'interfèrent pas.

L'interpénétration de la croyance et du savoir reste impossible : il y a bien exclusion mutuelle des champs sur lesquels croyance et savoir ont droit d'affirmer des vérités.

Cependant il y a coexistence possible : « Votre raison n'est pas plus blessée » écrit Pascal.

Savoir et raison s'excluent donc bien mais sur le modede la complémentarité . II – Le savoir a-t-il besoin de croyance ? Cette complémentarité de deux sphères qui resteraient imperméables l'une à l'autre est-elle possible ? Dans le cadre du débat opposant l'explication par la cause finale (les choses sont faites pour telle ou telle fin, dansune perspective téléologique) et l'explication par la cause efficiente (perspective mécaniste), Kant, dans la Critique de la faculté de juger montre que, pour apporter une explication mécaniste, par exemple pour expliquer scientifiquement le fonctionnement de l'oeil ou d'une aile d'oiseau, nous sommes d'abord obligés de « faire commesi » (selon les termes de Kant) l'explication était téléologique, c'est-à-dire, de faire comme si l'oeil était fait pourvoir, et l'aile pour voler. Plus généralement, toute explication scientifique par la cause efficiente (à telle cause, il succédera tel effet) abesoin, pour ne pas avancer en aveugle, d'une explication par les causes finales (ceci est tel qu'il est, en vue defaire cela).

Nous sommes donc obligés de faire comme si la nature était finalisée (c'est-à-dire, fonctionnait en vertud'un but, d'une fin).

Or être finalisé, c'est s'être vu assigné un but par quelqu'un, c'est donc être le produit d'uneintention .

Autrement dit, toute explication scientifique, rigoureuse, suppose pour pouvoir être élaboré que nous fassions comme si il existait un Dieu, un ordre du monde, des âmes. Ce geste du « faire comme si » décrit par Kant est une forme de croyance : pour pratiquer les sciences et élaborerdes savoirs, nous sommes obligés de croire en un ordre du monde.

Par conséquent, le savoir n'exclut pas lacroyance.

Au contraire, il fonde la possibilité de son élaboration sur une croyance sans que sa propre objectivitésoit mise en cause.

En effet faire « comme si », c'est justement ne pas se prononcer sur la vérité ou fausseté de cequ'on affirme.

Le savoir n'exclut dans cette perspective la croyance que quant à l'objectivité qu'elle pourraitprétendre avoir.

(Kant en effet, a bien montré dans la Critique de la raison pure , qu'il était impossible d'élaborer des savoirs au-delà de l'expérience.

En particulier, ce qui relève de la croyance, par exemple en l'existence de Dieu, depeut jamais être objectif) III – Peut-on opposer le savoir à la croyance ? Référence : Nietzsche « Comment une chose pourrait-elle procéder de son contraire, par exemple lavérité de l'erreur ? Ou la volonté du vrai de la volonté de tromper ? Ou ledésintéressement de l'égoïsme ? Ou la pure et radieuse contemplation du sagede la convoitise ? Une telle genèse est impossible; qui fait ce rêve est uninsensé, ou pis encore; les choses de plus haute valeur ne peuvent qu'avoirune autre origine, un fondement propre.

Elles ne sauraient dériver de cemonde éphémère, trompeur, illusoire et vil, de ce tourbillon de vanités etd'appétits.

C'est bien plutôt au sein de l'être, dans l'impérissable, dans lesecret de Dieu, dans "la chose en soi" que doit résider leur fondement, etnulle part ailleurs". Ce genre de jugement constitue le préjugé typique auquel on reconnaît lesmétaphysiciens de tous les temps.

Cette manière de poser les valeurs sedessine à l'arrière-plan de toutes les déductions de leur logique.

Forts decette "croyance", ils partent en quête de leur "savoir", de ce qu'ilsbaptiseront solennellement, en fin de compte, la "vérité".

La croyancefondamentale des métaphysiciens, c'est la croyance en l'antinomie desvaleurs.

Même les plus prudents, ceux qui s'étaient jurés "de omnibusdubitandum", ne se sont pas avisés d'émettre un doute sur ce point, au seuilmême de leur entreprise, alors que le doute était le plus nécessaire.

Car onpeut se demander, premièrement, s'il existe des antinomies, et deuxièmement, si ces appréciations populaires, cesantinomies de valeurs sur lesquelles les métaphysiciens ont imprimé leur sceau, ne sont peut-être pas de simplesjugements superficiels, des perspectives provisoires, peut-être par surcroît prises sous un certain angle, de bas enhaut, des "perspectives de grenouille" en quelque sorte, pour employer une expression familière aux peintres.Quelque valeur qu'il convienne d'attribuer à la vérité, à la véracité et au désintéressement, il se pourrait qu'on dûtattacher à l'apparence, à la volonté de tromper, à l'égoïsme et aux appétits une valeur plus haute et plusfondamentale pour toute vie.

Il se pourrait que ce qui constitue la valeur de ces choses bonnes et vénérées tîntprécisément au fait qu'elles s'apparentent, se mêlent et se confondent insidieusement avec des choses mauvaiseset en apparence opposées, au fait que les unes et les autres sont peut-être de même nature.

» L'objectivité que l'histoire de la philosophie, et en particulier la métaphysique, attribue au savoir, c'est-à-dire saprétention à la vérité, est fondée sur la croyance en l'antinomie des valeurs : le faux et le vrai ne peuvent pascoexister pour le métaphysicien.

Au contraire, vérité et fausseté sont chez Nietzsche des valeurs, le produit d'une. »

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