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Le savoir exclut-il toute forme de croyance ?

Publié le 05/11/2005

Extrait du document

Il y a des questions auxquelles la raison ne peut apporter aucune réponse, en particulier, la question de l'existence de Dieu. Même le savant le plus éminent, qui aurait parcouru toute l'étendu du savoir, ne peut y répondre. Il demeure cependant une solution raisonnable : celle du pari. Nous avons en effet toutes les raisons de préférer croire en Dieu plutôt que de nier son existence selon Pascal. La croyance intervient ici là où la raison (du savant) rencontre un obstacle : la position de Pascal délimite deux champs qui n'interfèrent pas. L'interpénétration de la croyance et du savoir reste impossible : il y a bien exclusion mutuelle des champs sur lesquels croyance et savoir ont droit d'affirmer des vérités. Cependant il y a coexistence possible : « Votre raison n'est pas plus blessée » écrit Pascal. Savoir et raison s'excluent donc bien mais sur le mode de la complémentarité. II - Le savoir a-t-il besoin de croyance ? Cette complémentarité de deux sphères qui resteraient imperméables l'une à l'autre est-elle possible ?

 

Analyse du sujet :

  • La forme du sujet est une question fermée. Il faudra donc apporter une réponse en « oui « ou « non « en conclusion, avec toutes les nuances qui s'imposent.
  • Notre question fait intervenir les notions de savoir et de croyance, et les met en relation par le verbe « exclure «. L'exclusion peut se penser selon différentes modalités, ce qui constitue la difficulté majeure du sujet :
    • L'exclusion peut premièrement se penser sous sa forme la plus radicale : « ce qui implique l'impossibilité de ce qui est exclu «. Autrement dit, le savoir rendrait caduque la croyance. Savoir impliquerait qu'on ne puisse plus croire. L'exclusion est dans cette perspective absolument nécessaire (inévitable).
    • On peut deuxièmement interpréter l'exclusion comme un geste pragmatique : la croyance constituerait un frein à l'expansion des savoirs. L'exclusion ne serait pas nécessaire mais simplement utile.
    • Enfin, une dernière interprétation, moins philosophique que sociologique ou historique consisterait à penser qu'il s'agit d'une exclusion institutionnelle de la croyance par le savoir. On peut penser par exemple au fait que l'université, garante de la transmission et de l'élaboration des savoirs, exclut presque partout de sa sphère l'enseignement de la théologie ou des religions.
  • Le savoir s'entend de plusieurs manières : il peut être un savoir-faire, c'est-à-dire un savoir pratique, comme le savoir que l'artisan met en oeuvre dans son travail. Au sens fort, le savoir se définit par l'objectivité de se qu'il affirme : il prétend dire la vérité. La garantie d'une objectivité semble interdire la croyance.
  • La croyance, à l'inverse ne requiert pas de garantie objective pour les vérités qu'elle prétend affirmer. Personne, par exemple, n'a jamais prouvé l'existence de Dieu. Pourtant, le croyant peut l'affirmer comme une vérité sans pouvoir avancer de garanties absolues.

Problématisation :

Malgré l'avancé permanente des sciences, certaines questions, comme l'origine du monde, l'existence du vivant, etc., ne trouvent pas de réponses totalement convaincantes. C'est à propos de ces questions que la croyance, malgré l'effondrement des religions dans les sociétés occidentales au 20ème siècle, semble encore avoir légitimité à intervenir. D'où notre première question :

I – Savoir et croyance ne s'excluent-ils pas en se complétant ?

 

Affirmer la complémentarité, c'est maintenir savoir et croyance dans des sphères qui restent malgré tout autonomes. Or, de fait, la majorité des « grands « scientifiques du siècle dernier restaient fermement croyants, ce qui invite à remettre en cause cette autonomie :

 

« La croyance intervient ici là où la raison (du savant) rencontre un obstacle : la position de Pascal délimite deuxchamps qui n'interfèrent pas.

L'interpénétration de la croyance et du savoir reste impossible : il y a bien exclusion mutuelle des champs sur lesquels croyance et savoir ont droit d'affirmer des vérités.

Cependant il y a coexistence possible : « Votre raison n'est pas plus blessée » écrit Pascal.

Savoir et raison s'excluent donc bien mais sur le modede la complémentarité . II – Le savoir a-t-il besoin de croyance ? Cette complémentarité de deux sphères qui resteraient imperméables l'une à l'autre est-elle possible ? Dans le cadre du débat opposant l'explication par la cause finale (les choses sont faites pour telle ou telle fin, dansune perspective téléologique) et l'explication par la cause efficiente (perspective mécaniste), Kant, dans la Critique de la faculté de juger montre que, pour apporter une explication mécaniste, par exemple pour expliquer scientifiquement le fonctionnement de l'oeil ou d'une aile d'oiseau, nous sommes d'abord obligés de « faire commesi » (selon les termes de Kant) l'explication était téléologique, c'est-à-dire, de faire comme si l'oeil était fait pourvoir, et l'aile pour voler. Plus généralement, toute explication scientifique par la cause efficiente (à telle cause, il succédera tel effet) abesoin, pour ne pas avancer en aveugle, d'une explication par les causes finales (ceci est tel qu'il est, en vue defaire cela).

Nous sommes donc obligés de faire comme si la nature était finalisée (c'est-à-dire, fonctionnait en vertud'un but, d'une fin).

Or être finalisé, c'est s'être vu assigné un but par quelqu'un, c'est donc être le produit d'uneintention .

Autrement dit, toute explication scientifique, rigoureuse, suppose pour pouvoir être élaboré que nous fassions comme si il existait un Dieu, un ordre du monde, des âmes. Ce geste du « faire comme si » décrit par Kant est une forme de croyance : pour pratiquer les sciences et élaborerdes savoirs, nous sommes obligés de croire en un ordre du monde.

Par conséquent, le savoir n'exclut pas lacroyance.

Au contraire, il fonde la possibilité de son élaboration sur une croyance sans que sa propre objectivitésoit mise en cause.

En effet faire « comme si », c'est justement ne pas se prononcer sur la vérité ou fausseté de cequ'on affirme.

Le savoir n'exclut dans cette perspective la croyance que quant à l'objectivité qu'elle pourraitprétendre avoir.

(Kant en effet, a bien montré dans la Critique de la raison pure , qu'il était impossible d'élaborer des savoirs au-delà de l'expérience.

En particulier, ce qui relève de la croyance, par exemple en l'existence de Dieu, depeut jamais être objectif) III – Peut-on opposer le savoir à la croyance ? Référence : Nietzsche « Comment une chose pourrait-elle procéder de son contraire, par exemple lavérité de l'erreur ? Ou la volonté du vrai de la volonté de tromper ? Ou ledésintéressement de l'égoïsme ? Ou la pure et radieuse contemplation du sagede la convoitise ? Une telle genèse est impossible; qui fait ce rêve est uninsensé, ou pis encore; les choses de plus haute valeur ne peuvent qu'avoirune autre origine, un fondement propre.

Elles ne sauraient dériver de cemonde éphémère, trompeur, illusoire et vil, de ce tourbillon de vanités etd'appétits.

C'est bien plutôt au sein de l'être, dans l'impérissable, dans lesecret de Dieu, dans "la chose en soi" que doit résider leur fondement, etnulle part ailleurs". Ce genre de jugement constitue le préjugé typique auquel on reconnaît lesmétaphysiciens de tous les temps.

Cette manière de poser les valeurs sedessine à l'arrière-plan de toutes les déductions de leur logique.

Forts decette "croyance", ils partent en quête de leur "savoir", de ce qu'ilsbaptiseront solennellement, en fin de compte, la "vérité".

La croyancefondamentale des métaphysiciens, c'est la croyance en l'antinomie desvaleurs.

Même les plus prudents, ceux qui s'étaient jurés "de omnibusdubitandum", ne se sont pas avisés d'émettre un doute sur ce point, au seuilmême de leur entreprise, alors que le doute était le plus nécessaire.

Car onpeut se demander, premièrement, s'il existe des antinomies, et deuxièmement, si ces appréciations populaires, cesantinomies de valeurs sur lesquelles les métaphysiciens ont imprimé leur sceau, ne sont peut-être pas de simplesjugements superficiels, des perspectives provisoires, peut-être par surcroît prises sous un certain angle, de bas enhaut, des "perspectives de grenouille" en quelque sorte, pour employer une expression familière aux peintres.Quelque valeur qu'il convienne d'attribuer à la vérité, à la véracité et au désintéressement, il se pourrait qu'on dûtattacher à l'apparence, à la volonté de tromper, à l'égoïsme et aux appétits une valeur plus haute et plusfondamentale pour toute vie.

Il se pourrait que ce qui constitue la valeur de ces choses bonnes et vénérées tîntprécisément au fait qu'elles s'apparentent, se mêlent et se confondent insidieusement avec des choses mauvaiseset en apparence opposées, au fait que les unes et les autres sont peut-être de même nature.

» L'objectivité que l'histoire de la philosophie, et en particulier la métaphysique, attribue au savoir, c'est-à-dire saprétention à la vérité, est fondée sur la croyance en l'antinomie des valeurs : le faux et le vrai ne peuvent pascoexister pour le métaphysicien.

Au contraire, vérité et fausseté sont chez Nietzsche des valeurs, le produit d'une. »

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