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Le savoir exclut-il toute forme de croyance ?

Publié le 17/01/2022

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Analyse du sujet : La forme du sujet est une question fermée. Il faudra donc apporter une réponse en « oui « ou « non « en conclusion, avec toutes les nuances qui s'imposent. Notre question fait intervenir les notions de savoir et de croyance, et les met en relation par le verbe « exclure «. L'exclusion peut se penser selon différentes modalités, ce qui constitue la difficulté majeure du sujet : L'exclusion peut premièrement se penser sous sa forme la plus radicale : « ce qui implique l'impossibilité de ce qui est exclu «. Autrement dit, le savoir rendrait caduque la croyance. Savoir impliquerait qu'on ne puisse plus croire. L'exclusion est dans cette perspective absolument nécessaire (inévitable). On peut deuxièmement interpréter l'exclusion comme un geste pragmatique : la croyance constituerait un frein à l'expansion des savoirs. L'exclusion ne serait pas nécessaire mais simplement utile. Enfin, une dernière interprétation, moins philosophique que sociologique ou historique consisterait à penser qu'il s'agit d'une exclusion institutionnelle de la croyance par le savoir. On peut penser par exemple au fait que l'université, garante de la transmission et de l'élaboration des savoirs, exclut presque partout de sa sphère l'enseignement de la théologie ou des religions. Le savoir s'entend de plusieurs manières : il peut être un savoir-faire, c'est-à-dire un savoir pratique, comme le savoir que l'artisan met en oeuvre dans son travail. Au sens fort, le savoir se définit par l'objectivité de se qu'il affirme : il prétend dire la vérité. La garantie d'une objectivité semble interdire la croyance. La croyance, à l'inverse ne requiert pas de garantie objective pour les vérités qu'elle prétend affirmer. Personne, par exemple, n'a jamais prouvé l'existence de Dieu. Pourtant, le croyant peut l'affirmer comme une vérité sans pouvoir avancer de garanties absolues. Problématisation : Malgré l'avancé permanente des sciences, certaines questions, comme l'origine du monde, l'existence du vivant, etc., ne trouvent pas de réponses totalement convaincantes. C'est à propos de ces questions que la croyance, malgré l'effondrement des religions dans les sociétés occidentales au 20ème siècle, semble encore avoir légitimité à intervenir. D'où notre première question :

I - Savoir et croyance sont-ils complémentaires ?

II - Le savoir a-t-il besoin de croyance ?

III. La croyance a-t-elle besoin du savoir ?

« Référence : Pascal, Les pensées « — Examinons donc ce point, et disons : «Dieu est, ou il n'est pas.» Mais dequel côté pencherons-nous ? La raison n'y peut rien déterminer : il y a unchaos infini qui nous sépare.

Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distanceinfinie, où il arrivera croix ou pile.

Que gagerez-vous ? Par raison, vous nepouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison, vous ne pouvez défaire nul des deux.Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix; car vous n'ensavez rien.

— Non ; mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais unchoix; car, encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute,ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier.

— Oui, mais il fautparier; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué.

Lequel prendrez-vousdonc ? Voyons.

Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins.(...) .Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre,puisqu'il faut nécessairement choisir.

Voilà un point vidé.

Mais votre béatitude? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est.

Estimons ces deuxcas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien.Gagez donc qu'il est, sans hésiter.

» 1.

Impuissance de la raisonC'est au libertin que s'adresse ce que l'on a appelé « le pari de Pascal », à celui qui précisément se fuit dans les vanités du monde.

Dans ce pari, Pascal met son talent mathématique auservice de la foi et vise à convertir les libres penseurs.

La raison ne peut prouver l'existence de Dieu, car il y a unedistance infinie entre un Dieu infini et Sa créature finie. 2.

Disproportion de la mise et du gainLa raison peut nous incliner à choisir raisonnablement de vivre avec Dieu, même si on ne peut rationnellementprouver Son existence.

« Si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien.

» Parier pourDieu, c'est se soumettre à l'Église, renoncer aux plaisirs vains et gagner le paradis.

La mise (les plaisirs vains) estdérisoire, comparée au gain possible.

Cependant, s'il est sûr que l'on mise, il est incertain que l'on gagne.

Pascalrépond que le pari s'impose.

Nous ne pouvons le refuser : dans tous les cas, je risque soit mes plaisirs terrestres,soit le salut ; je parie le fini contre l'infini. Il y a des questions auxquelles la raison ne peut apporter aucune réponse, en particulier, la question de l'existencede Dieu.

Même le savant le plus éminent, qui aurait parcouru toute l'étendu du savoir, ne peut y répondre.

Ildemeure cependant une solution raisonnable : celle du pari.

Nous avons en effet toutes les raisons de préférercroire en Dieu plutôt que de nier son existence selon Pascal. La croyance intervient ici là où la raison (du savant) rencontre un obstacle : la position de Pascal délimite deuxchamps qui n'interfèrent pas.

L'interpénétration de la croyance et du savoir reste impossible : il y a bien exclusion mutuelle des champs sur lesquels croyance et savoir ont droit d'affirmer des vérités.

Cependant il y a coexistence possible : « Votre raison n'est pas plus blessée » écrit Pascal.

Savoir et raison s'excluent donc bien mais sur le modede la complémentarité . II – Le savoir a-t-il besoin de croyance ? Cette complémentarité de deux sphères qui resteraient imperméables l'une à l'autre est-elle possible ? Dans le cadre du débat opposant l'explication par la cause finale (les choses sont faites pour telle ou telle fin, dansune perspective téléologique) et l'explication par la cause efficiente (perspective mécaniste), Kant, dans la Critique de la faculté de juger montre que, pour apporter une explication mécaniste, par exemple pour expliquer scientifiquement le fonctionnement de l'oeil ou d'une aile d'oiseau, nous sommes d'abord obligés de « faire commesi » (selon les termes de Kant) l'explication était téléologique, c'est-à-dire, de faire comme si l'oeil était fait pourvoir, et l'aile pour voler. Plus généralement, toute explication scientifique par la cause efficiente (à telle cause, il succédera tel effet) abesoin, pour ne pas avancer en aveugle, d'une explication par les causes finales (ceci est tel qu'il est, en vue defaire cela).

Nous sommes donc obligés de faire comme si la nature était finalisée (c'est-à-dire, fonctionnait en vertud'un but, d'une fin).

Or être finalisé, c'est s'être vu assigné un but par quelqu'un, c'est donc être le produit d'uneintention .

Autrement dit, toute explication scientifique, rigoureuse, suppose pour pouvoir être élaboré que nous fassions comme si il existait un Dieu, un ordre du monde, des âmes. Ce geste du « faire comme si » décrit par Kant est une forme de croyance : pour pratiquer les sciences et élaborerdes savoirs, nous sommes obligés de croire en un ordre du monde.

Par conséquent, le savoir n'exclut pas lacroyance.

Au contraire, il fonde la possibilité de son élaboration sur une croyance sans que sa propre objectivitésoit mise en cause.

En effet faire « comme si », c'est justement ne pas se prononcer sur la vérité ou fausseté de cequ'on affirme.

Le savoir n'exclut dans cette perspective la croyance que quant à l'objectivité qu'elle pourraitprétendre avoir.

(Kant en effet, a bien montré dans la Critique de la raison pure , qu'il était impossible d'élaborer des savoirs au-delà de l'expérience.

En particulier, ce qui relève de la croyance, par exemple en l'existence de Dieu, depeut jamais être objectif). »

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