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Le réel et l'imaginaire se contredisent-ils ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

II.                  La tension entre imaginaire et réel : l'imaginaire est une interprétation du réel  

a.      L'imaginaire est un entrainement à l'action dans le monde réel

Par delà ces apparentes contradictions, nous nous demanderons si les rapports de l'imaginaire et du réel ne sont pas moins des rapports de contradictions que de tensions. En effet, il existe une tension entre imaginaire et réel, qui fait de l'imaginaire un discours non pas concurrent, ou séducteur, par rapport à celui tenu par le réel, mais au contraire un discours investigateur du réel. Toute la doctrine classique de la création littéraire démontre que les productions de l'imaginaire (notamment le roman) fournissent aux hommes des modes d'actions possibles dans le réel. Prévost, dans l?avant propos de Manon Lescaut, montre que le roman supplée à l'ignorance du lecteur, vient compléter sa faible expérience du réel, et peut donc lui éviter des erreurs et des catastrophes. L'imaginaire ne contredit donc pas le réel, mais désigne des modes possibles de comportements dans le réel.

b.      L'imaginaire produit des modèles pour la compréhension du réel

Mais allant plus loin, nous pouvons voir que l'imaginaire fournit aussi au réel des modes d'interprétation, permettant de mieux le comprendre. C'est ainsi que des découvertes scientifiques ont pour point de départ des intuitions, des métaphores produites par l'imaginaire : on a pensé le « courant électrique « à partir du modèle hydraulique, par exemple.

• Question classique, apparemment facile. La façon même dont elle est posée suggère que l'on trouve de quoi répondre par la négative...

• On devra en conséquence commencer par souligner l'opposition apparente entre imaginaire et réel, en trouvant quelques exemples judicieux.

• On s'attachera ensuite à montrer que, au-delà de cette contradiction, il existe des liens entre imaginaire et réel. On n'hésitera pas, de ce point de vue, à envisager la diversité des domaines où intervient l'imaginaire (science, technique, art,...)

• On peut alors s'autoriser à faire état de relations dialectiques entre les deux domaines.

« [Introduction] L'imagination a fréquemment été accusée de nous détourner de la réalité.

Cette « maîtresse d'erreur et de fausseté » (Pascal) a toutefois pu être qualifiéepar Baudelaire de « reine des facultés », ce qui semble lui conférer une valeur autrement positive.

S'il est vrai que les parents sont parfois enclins à rappelerleur enfant, perdu dans ses rêves ou dans les mondes imaginaires que lui proposent ses lectures, à la dure loi de la réalité, on peut essayer d'analyser avecprécision les relations unissant la production imaginaire et ce que l'on nommera, sans trop se poser la question de ce qu'il peut exactement désigner, le «réel ».

Y a-t-il simplement contradiction entre les deux ? Ou peut-on déceler entre imaginaire et réel des relations plus subtiles, peut-être même unecomplémentarité ?[I - La contradiction apparente] Par définition, semble-t-il, l'imaginaire peut-être repéré comme n'appartenant pas authentiquement au réel.

La production imaginaire a ceci de singulierqu'elle peut ressembler à des éléments concrets, avoir une allure proche de celle du réel qui m'entoure, il n'en reste pas moins que je ne peux la confondreavec l'ensemble des choses matérielles au milieu desquelles je vis quotidiennement.Dans cette optique, on peut affirmer avec Sartre que l'image n'est elle-même qu'un analogon : ce qui la singularise, c'est qu'elle renvoie à de l'absence, à du« pas-là ».

Lorsque mon attention est prise par un film ou un spectacle théâtral, je me coupe de la réalité pour pénétrer dans un monde qui est bien d'abordautre que le quotidien (même s'il y ressemble) : les corps que je vois sur l'écran ont l'air d'être des corps réels, les personnages dont je suis les aventurespeuvent être vraisemblables, il n'en reste pas moins que ce monde est un monde illusoire et que, dès la fin du spectacle, c'est à la réalité elle-même que j'aià nouveau à faire, mes réactions relativement à elle n'étant pas du tout de même nature que celles suscitées pendant la projection du film.Quand je me trouve face à du réel, je ne peux m'en abstraire comme j'interromps un feuilleton télévisuel, en appuyant simplement sur une touche detélécommande.

La réalité exige des réponses, des comportements adaptés à ses qualités, elle me rappelle sans arrêt à l'ordre dès que les réactions ne sontpas adéquates à la situation.

Passer réellement un examen, ce n'est pas imaginer qu'on le passe : dans le second cas, le fantasme flatteur peut dominer,j'imagine que je le réussis brillamment ; dans le réel, il se peut par contre que j'échoue lamentablement.

Si l'imaginaire est, au moins en partie, satisfaisantpour mes désirs, la réalisation de ces derniers demande de tout autres efforts dans la réalité. [II - L'imaginaire emprunte au réel] À s'en tenir à cette opposition, on ne considère toutefois qu'une version — et pas nécessairement la plus importante — de l'imaginaire : celle qui se déploiedans la rêverie, dans toutes les occasions où l'esprit se laisse aller à enjoliver le réel, ou à s'en détacher, pour obéir au désir.

Encore peut-on au moinsremarquer que, même dans de tels cas, mon imagination ne contredit pas en totalité le réel : elle lui emprunte des éléments, elle reconstruit avec sesemprunts une version différente, mais elle n'en est pas totalement séparée.Si l'on s'intéresse aux aspects de l'imaginaire qui lui permettent d'être productif ou efficace, on fait immédiatement le même constat : tout imaginaires'élabore avec des éléments extraits de la réalité.

Et l'image obtenue n'est pas forcément stérile, inféconde, ou d'une tonalité telle qu'elle devranécessairement subir un démenti.

Il arrive au contraire que l'imaginaire constitue une préfiguration du réel, l'actualisation de ce dernier ne nécessitantqu'une relative adaptation.Cette efficacité de l'imaginaire se vérifie aisément dans des domaines aussi importants que l'art, la science ou la technique.

L'invention artistique n'est pascréation ex nihilo, elle est au contraire réarticulation d'éléments (de formes, de couleurs, de figures) préexistants, pour obtenir une version autre de ce quiexiste — aussi bien dans le réel que dans l'histoire même de l'art (mais, à l'intérieur de celle-ci, les œuvres ont bien une matérialité qui les inscrit dans leréel).

Il en va de même lorsque le scientifique élabore une hypothèse au cours de son raisonnement expérimental : c'est en tenant compte de ce que luienseigne son observation, mais aussi de l'état antérieur du savoir, qu'il imagine son « explication anticipée ».

C ette dernière participe, au sens strict, del'imaginaire, jusqu'à ce que sa vérification lui confère une portée explicative par rapport à un phénomène qui est bien réel.

Quant à la mise au point d'unnouvel instrument technique, elle sollicite également des matériaux, des connaissances, qu'elle met au service d'une fin à obtenir.

Dans tous les cas, le réelest ce par rapport à quoi l'imaginaire prend forme, mais l'un et l'autre ne sont pas dans un simple rapport de contradiction, car l'imaginaire travaille à partirdes suggestions implicites du réel lui-même. [III - Le réel est investi par l'imaginaire] D'un point de vue complémentaire, il serait simpliste, ou naïf, de croire que le réel est systématiquement à l'abri de toute « contagion » par l'imaginaire.

Enfait, le réel lui-même est sans cesse traversé d'imaginaire, et c'est même celui-ci qui, parfois sinon fréquemment, lui confère sa signification.Quelles impressions nous suggérerait un paysage si nous n'avions jamais vu de représentations picturales de la nature ? Peut-être nous paraîtrait-ilaccueillant ou hostile, long à traverser ou nous offrant au contraire l'occasion d'une promenade facile...

en tout cas il ne nous produirait guère d'impressionde beauté.

Il serait plutôt territoire sacré, ou terrain de chasse, mais en aucun cas spectacle à détailler d'un point de vue esthétique.

De même, si nous negreffions pas fréquemment sur les gestes, les silhouettes de nos contemporains, les souvenirs de personnages issus de nos lectures ou des spectacles quenous avons pu voir, les hommes que nous croisons quotidiennement nous paraîtraient sans grande signification.

A insi, le monde réel est en permanenceaccueillant à des éléments imaginaires qui le modifient et lui ajoutent une dimension grâce à laquelle il gagne en intérêt.L'imaginaire, qu'il soit artistique ou technique, agit en permanence sur notre relation avec les choses et les individus.

L'enfant joue au cosmonaute, et nouspouvons sourire en le voyant, mais c'est parce que nous oublions volontiers que, comme lui, nous empruntons nos comportements (y compris les plussérieux) à un univers qui fut d'abord imaginaire avant de modifier les sentiments ou les réactions des hommes.

Jean Duvignaud a ainsi pu montrer que lavraie fonction du théâtre est de révéler aux spectateurs des conduites qu'ils n'avaient pas encore : c'est dans les textes et au spectacle qu'on apprend àaimer ou à souffrir, c'est parce que nous sommes quotidiennement environnés d'objets techniques résultant d'inventions antérieures que nous nousautorisons à nous croire parfois les inventeurs de nouveaux appareils, sinon les maîtres d'un nouveau monde.

C'est parce que la publicité suggère desattitudes, des modes d'habillement ou de loisirs, qu'une génération d'adolescents s'adonne au basket... [Conclusion] L'imaginaire et le réel, loin de se contredire brutalement, n'en finissent pas de communiquer et d'échanger leurs qualités.

Au point qu'il peut arriver que leréel lui-même, dans sa quotidienneté, s'aligne sur l'imaginaire et s'en trouve sérieusement modifié : peut-être la contagion est-elle alors excessive oupathologique, qui abolit toute différence entre les deux.

Sans nécessairement approuver cette confusion, force est de reconnaître qu'il existe bien unedialectique entre l'imaginaire et le réel : celle-ci ne peut précisément se maintenir qu'entre deux domaines distincts, sinon contradictoires, et c'est bienpourquoi l'absorption de l'un par l'autre, interdisant les échanges, peut être jugée excessive.. »

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