Le progrès technique peut-il être aliénant ?

« Le progrès technique peut-il être aliénant ? L’idée de progrès suppose un gain de connaissances et un potentiel d’amélioration de nos conditions de vie, qui soit transmissible, appropriable et généralisable en passant de génération en génération. Appliqué au domaine technique, l’idée de progrès suppose que par l’invention d’objets techniques comme des outils, des procédés, des machines que nous perfectionnons, nous renforcions nos moyens de transformation du monde matériel pour en tirer profit pour l’adapter à nos fins.

Dans la mesure où nous pouvons constater une amélioration constante de nos conditions de vie, il semble que le progrès technique soit source d’une émancipation continue pour la société humaine. Cependant, l’idée d’un progrès technique implique une évolution des objets techniques, allant vers toujours plus d’autonomie. Or cette autonomisation dont nous constatons les effets dans la mécanisation des processus de production, ou leur robotisation, semble imposer un ensemble de normes qui s’impose à notre conduite et dirige notre comportement, parfois contre notre volonté.

Dans cette perspective les effets du progrès technique sont source d’hétéronomie, un dispositif technique comprenant des servitudes, un fonctionnement qui impose à notre activité ses propres fins. Nous retrouvons cette ambivalence pratique du progrès technique sur le plan théorique.

Dans la mesure où nous savons expliquer et comprendre comment fonctionne une machine, nous pouvons intervenir sur elle et acquérir une intelligence pratique de son fonctionnement pour pouvoir la réparer ou l’améliorer.

Au contraire si nous ignorons tout de la façon dont fonctionnent et évoluent les objets techniques nous en devenons de simples auxiliaires, comme si nous devenions un simple rouage de l’environnement technique. Dans la mesure les objets techniques tendent vers une autonomie toujours plus affirmée, nous nous demanderons dans quelle mesure pouvons-nous contrôler un processus qui tend à l’autonomisation, à l’institution de ses propres fins. Ce questionnement nous conduira à observer comment nous pouvons maîtriser de part en part la technique en la concevant comme un simple moyen au service de nos fins.

Nous montrerons ensuite dans quelle mesure la technicité des objets techniques imposent des normes de plus en plus.... »