Est-ce toujours
par dépit que l'on imagine ?
II- L'imagination est nécessaire à
l'invention.
Peut-être y a-t-il des actes d'imagination qui ne sont pas des actes
de fuites, des pseudos pouvoir de libération, au sens où, par ironie Lacan moque
(dans Le stade du miroir) ceux qui ne se sont jamais autant sentis libre
qu'une fois dans une prison (représentation stoïcienne de la liberté comme
intériorisée, inaliénable). Pour Bachelard (cf toute la part de son oeuvre
consacrée aux rêves) imaginer ce n'est pas vouloir échapper au réel par défaut
mais c'est proprement créer autre chose, il y a un pouvoir de l'irréel.
L'imaginaire peut nous plonger dans des états que nous ne connaîtrions pas
autrement, seul le poète et non le scientifique fait des expériences de
synesthésie (cf les « correspondances » de Baudelaire).
Enfin, il faut se demander si la figure de l'inventeur n'est pas
plus proche de celle du rêveur que du rationaliste (l'inventeur est souvent
représenté comme un personnage un peu farfelu), elle est peut-être à mi-chemin.
Pascal tout en étant un savant était aussi un grand rêveur, qui la plupart du
temps n'achevait pas ce qu'il avait commencé, et pour cause il se laissait déjà
emporté par un autre projet, justement parce que pour lui l'élaboration des
plans était plus intéressante que leur exécution. On connaît aussi par exempel
nombre de croquis de De Vinci, de machines sophistiquées, qui n'ont pas été mis
à l'épreuve du réel.
Si la tradition platonicienne rapproche l'invention de la
remémoration, il faut autant la considérer en fonction de l'imaginaire, celui-ci
traçant le plan des virtualités parmi lesquelles on choisira celle à réaliser, à
inventer réellement. Le pouvoir de l'imagination serait donc bien réel en
ce qu'il ouvre la possibilité d'une invention future.
HTML clipboard L’imagination est, parmi nos facultés cognitives proprement humaines, certainement l’une, si ce n’est pas la plus déconsidérée, plus encore que la sensation. C’est que l’histoire de la philosophie est marquée par la domination de l’intellect et chaque faculté liée à nos sens ou à notre pouvoir de représentation n’est évaluée qu’en fonction de ce qu’il sert ou non notre intellect. Bref, en tant qu’elle est évaluée comme outil dans le cadre de la connaissance, l’imagination n’est pas en bonne place. Même Kant, qui lui attribue un rôle central dans la construction de la connaissance, la considère toujours dans son rapport aux autres facultés (entendement et raison) et non pour elle-même, en tant que moyen de rêverie gratuite.