Le poète Max Jacob écrivait, dans Conseils à un étudiant : « La vraie culture, celle qui compte, c'est la réflexion individuelle, sur les faits, les gens et sur soi-même surtout. » Que pensez-vous de ce jugement ?
Publié le 21/03/2009
Extrait du document
• Ce sujet est classique et n'offre pas de difficulté d'analyse. Vous devez veiller à l'expression « vraie culture « qui en présuppose une fausse, restant à définir. • Que la citation soit d'un poète ne doit pas limiter votre réflexion. Vous n'avez même pas besoin de connaître Max Jacob pour traiter le problème. Sachez toutefois que, mort en 1944 en déportation, Jacob a exercé de nombreux métiers tant culturels que purement alimentaires. Il fut l'ami de Picasso et d'Apollinaire. Poète mystique et comique à la fois, son œuvre la plus célèbre est Le Cornet à dés.
«
— Cette définition laisse percer un certain orgueil, celui de l'individu capable, soi-disant, de maîtriser le réel par sespropres moyens.
— Cette réflexion sur soi fait de l'individu le centre du monde.
Tout pourrait se ramener à sa propre conscience, ilserait le seul juge des faits.
2.
Le risque du mépris
— Il ne peut y avoir une définition unique de la culture comme il ne peut y avoir une culture universelle.
C'est ladiversité des méthodes et des contenus culturels qui fait la richesse de l'humanité.
— Refuser toute autre forme de culture est péremptoire et conduit à des aberrations plus ou moins dangereuses.
Ex.
: la société allemande de l'entre-deux guerres, cultivée à l'extrême, n'a pas su voir les dangers d'un régime quiexaltait la supériorité de cette culture.
Le nazisme est en partie dû à cet aveuglement.
III.
La culture généreuse
1.
L'équilibre entre soi et le monde
— Deux types d'équilibre : entre contemporains, et à travers les époques.
Il s'agit donc de savoir apprécier lescultures en différents points du globe, mais aussi de prendre en compte l'aspect historique de la formation de cescultures.
— Être cultivé, c'est savoir entretenir des relations humaines : c'est par la découverte des autres, différents, quel'on prend véritablement conscience de soi.
Toute relation d'échange est féconde.
— Grand mouvement d'ensemble qui vise à comprendre l'homme, le monde et ses différentes cultures.
La culture esten effet, le vrai moyen de communication entre les hommes : aucun aspect de la vie humaine ne lui échappe, nipolitique, ni artistique, ni linguistique, ni moral.
— « La compréhension de nous-mêmes et du monde que nous avons créé et qui à son tour nous crée, est peut-êtrela seule tâche vraiment importante que doive affronter aujourd'hui l'humanité.
» (Hall, Au-delà de la culture).
2.
Moyens de parvenir à cet équilibre
— La culture suppose une approche du temps autre que celle que les hommes adoptent trop souvent : il fautconsidérer le temps comme la condition nécessaire d'imprégnation et de compréhension.
Ex.
: la visite du Louvre n'est culturelle que si l'on s'abstient de courir d'une grande œuvre à l'autre.
L'art demandeque l'on s'arrête à ses réalisations, que l'on prenne en compte sa véritable nature.
— Se cultiver c'est aussi apprendre, favoriser l'acquisition de repères tant spatio-temporels (connaissance del'espace et de l'Histoire), que philosophiques (morale, littérature) ou esthétiques (arts).
L'instruction n'est plus àprendre ici en mauvaise part, mais comme un outil indispensable de culture.
— Il faut abolir toute hiérarchisation des cultures qui en masque les spécificités.
Ex.
: l'eurocentrisme, qui fait de l'Europe la seule civilisation rayonnante, a conduit à l'échec.
La décolonisation estle réveil des peuples dont on avait bafoué la culture.
— En revanche, il faut maintenir les particularismes de chaque culture.
Niveler les différences au nom d'uneuniversalisation des civilisations serait mortel.
Conclusion
— Dans son louable souci de ne pas succomber aux modes et à l'uniformisation qu'impose la société, Jacob limitecependant l'acquisition de la culture au développement de facultés individuelles permettant la sûreté d'appréciationde soi.
— L'universalisation à laquelle tendent les hommes de bonne volonté fait de la culture un ensemble complexe quiassocie, dans un égal respect, toutes les formes de civilisation et de comportement des sociétés humaines..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Jean-Claude Renard, rendant compte de son expérience de poète, analyse dans les lignes qui suivent la relation qu'il entretient avec son propre langage : « Il a ses racines en moi comme j'ai mes racines en lui. Il est un miroir à double réflexion où je reconnais ce que je suis et ce que je ne suis pas. Par suite, c'est un miroir qui me trahit- aux deux sens de ce verbe. Car il donne de moi une image à la fois plus vraie et plus fausse que celle que je puis, consciemment ou inconscie
- Paul Valéry, décelant en Baudelaire l'âme d'un classique, écrivait en 1924 (Variété II, Gallimard) : «Classique est l'écrivain qui porte un critique en soi-même et qui l'associe intimement à ses travaux... qu'était-ce après tout que de choisir dans le romantisme et que de discerner en lui un bien et un mal, un faux et un vrai, des faiblesses et des vertus, sinon faire à l'égard des auteurs de la première moitié du XIXe siècle ce que les hommes du temps de Louis XIV ont fait à l'égard d
- JACOB, Max (1876-1944) Poète, il cultive la fantaisie parodique qui s'imprègne du mysticisme, à l'exemple de Cornet à dés (1917).
- « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression de quelque besoin, et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants comme sa pauvre et infirme nature », écrivait Th. Gautier. Que pensez-vous de ce jugement ?
- « Oui ! mille fois oui ! La poésie est un cri, mais c'est un en HABILLÉ (!)» Max Jacob, Esthétique. Vous commenterez, et discuterez s'il y a lieu, ce jugement. ?