Le passionné est-il l'esclave de sa passion ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
II.
La non maîtrise des passions
a.
La passion influe largement sur l'imagination.
En effet, le sujet a un objet caractéristique de sa passion, et celui-ci, voulant possédé l'objet (l'amour, le jeu, etc.), associe à cette possession d'objet des satisfactions infinies,et crée ainsi une finalité illusoire : le joueur, par exemple, cherche-t-il l'argent, le plaisir ? « J'avais risqué ma vie etj'avais gagné.
De nouveau j'étais un homme » s'écrie le héros de Dostoïevski dans son délire ( Le joueur , chap. XVII).
Le joueur cherche perpétuellement l'exaltation.
Et le passionné souvent se croit libre puisqu'il poursuit detoutes ses forces et de toute son âme un objectif que nul ne lui a imposé.
Mais à la lumière de Spinoza , il est clair qu'un sujet autant affecté par des objets ne peut être dit libre : « je dis que nous sommes passifs quand il se faiten nous quelque chose ou qu'il suit de notre nature quelque chose, dont nous ne sommes la cause quepartiellement » ( Ethique , III).
b. L'amour est signe d'une dépendance.
C'est Schopenhauer qui étayera l'idée selon laquelle la passion amoureuse, l'élection de tel ou tel individu est loin d'être accessoire.
L'objet est aimé avant même d'être connu,c'est le paradoxe du coup de foudre.
Le choix correspond à un but universel, à la procréation, car, selonSchopenhauer, « le type de l'espèce doit se perpétuer, aussi pur et authentique que possible ».
Mais ici le sujet quientraîne l'illusion a horreur du but qui seul le mène (la procréation), et voudrait même faire obstacle à cetteréalisation.
La vérité de la passion est donc la transcendance de sa fin, une fin inconnue et infinie.
L'hommes'imagine « qu'il consacre tous ses efforts et tous ses sacrifices à son plaisir personnel, alors que tout cela n'a lieuque pour conserver le type normal de l'espèce » (Schopenhauer, Métaphysique de l'amour ).
III.
Passion, volonté et responsabilité
a.
La passion caractérise une forte dépendance en l'homme.
Ce dernier est le plus souvent ignorant de ce qui l'affecte, c'est-à-dire de son objet et des fins que ça implique.
La passion diffère du désir puisqu'elle est constanteet ardente, ce qui empêche le sujet d'en être maître, et de s'en débarrasser volontairement.
Dès lors la passion peutmener le sujet à une sorte de délire ou d'ensorcellement.
Et c'est bien ce que nous fait comprendre St Augustin lorsqu'il alla à Carthage, et qu'il recherchait un objet à cette passion qui le dévorait, l'amour : « Je n'aimais pasencore mais j'aimais l'amour […].
Aimant l'amour, je cherchais un objet à mon amour » ( Les confessions , III, 1).
b.
L'homme a une conscience morale, or la morale n'a de sens que s'il y a la liberté.
Selon Sartre , parce qu'on est des consciences (des « cogito »), on est toujours responsables.
En effet, l'homme juge généralement qu'il estresponsable que lorsqu'il agit consciemment et librement.
C'est pourquoi on tend à penser qu'un homme aveuglé parses passions ne serait pas responsable, alors que pour Sartre il l'est : « nous sommes seuls, sans excuses »(L'existentialisme est un humanisme ).
L'homme, une fois jeté dans le monde, est responsable de tout ce qu'il fait, ainsi, « l'homme est condamné à être libre ».
L'homme est responsable de ses passions, de ce qui l'affecte.
c. Les comportements passionnels des hommes peuvent sous-tendre une logique pulsionnelle.
La sublimation chez Freud correspond à un processus qui détourne l'énergie vitale vers des buts idéaux, notamment esthétiques et mystiques.
Ainsi la passion trouverait sa source dans la force de la pulsion sexuelle.
La pulsion est sublimée car elledérive vers un but nouveau, non sexuel.
Ainsi le côté aveugle d'une passion, tel l'homme obsédé par la philatélie,peut s'éclaircir sous un angle psycho-analytique, c'est-à-dire au regard du langage inconscient qui régit le sujet.
Conclusion
Doit-on fuir ou accepter la passion ? Il apparaît que depuis longtemps cette question, due à une ignorance de lalogique réelle de la passion, s'est posée.
Ainsi pour être maitre de soi, ou pour atteindre une reconnaissance divine,certains s'emploient à supprimer la passion de leur vie.
Ils bannissent, au profit d'un ordre plus haut, une logiquepropre de leur vie.
Mais la passion persiste et ne se laisse pas forcément reconnaître : le délire du joueur, l'amourdémesuré d'un homme, sont les symptômes de l'existence de forces qui agissent sans notre consentement.
L'hommeest ainsi possédé par lui-même sans le savoir.
Mais il semble aussi que la passion, par la sublimation, ou par cequ'elle produit comme effet, permet la diversité du genre humain dans ses choix, et ses tendances..
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