Le passé peut-il revivre ?
Publié le 27/02/2008
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En effet, selon ce principe, il est impossible que deux êtres numériquement distincts soient en tous pointssemblables (ou qualitativement identiques).
Si nous appliquons ce principe au problème qui nous occupe ici, on peutdire qu'il n'est pas possible que le passé se répète en toue rigueur : en effet, si le passé se répète c'est quenécessairement on n'a pas affaire à un seul passé, mais à deux ; donc, s'il y en a deux, on ne peut avoir(exactement) le même passé, puisque pour cela, il faudrait qu'on ait affaire à un seul ensemble d'événements… Onpeut seulement dire qu'il y a une forte similitude entre deux événements, mais ce ne sera pas les mêmes.
Ces deuxpassés ne seront pas les mêmes.
En vertu du même principe, il semble qu'il soit impossible de dire qu'un événement passé puisse « revivre » ou « avoirlieu de nouveau ».
On ne peut pas avoir deux fois le même événement ; on a vu qu'en toute rigueur on ne peutparler que de forte ressemblance.
Mais on doit garder en tête que ce sera une ressemblance et non une identité, sion ne veut pas occulter le fait que le temps est progrès et que le devenir historique se caractérise par l'émergencedu nouveau.
C'est faute de mieux qu'on pourra par exemple parler de fascisme ou de totalitarisme aujourd'hui.
L'historien est eneffet obligé, quand un événement arrive, de le ranger sous des catégories générales, parce que c'est tout ce dont ildispose pour le moment, pour l'appréhender.
Mais les conditions d'un événement ne pouvant jamais être les mêmes,il sait très bien que l'on ne peut assister au retour d'un même « événement » (ils ne sont les mêmes que de nom).
On serait d'accord, ici, avec Hegel, puisque ce dernier stipule que l'Esprit passant, pour se réaliser, par certainesétapes, on ne pourra jamais (en tant que ces étapes sont ce par quoi il se réalise) revenir en arrière.
Bref, il nepourra jamais se reproduire une étape qui a déjà eu lieu.
Par exemple, l'horreur nazie, celle des camps deconcentration, ne pourrait plus jamais, selon une telle lecture, avoir lieu, ou encore, l'Etat despotique ne devrait paspouvoir « revivre » une seconde fois.
Cette lecture s'oppose tout à fait à une lecture platonicienne comme cellequ'on peut voir dans la République : en effet, on y voit que Platon serait plutôt enclin à dire que certaines réalités,comme, par exemple, l'Etat, subissent toujours le même processus : ainsi, la démocratie doit toujoursinéluctablement régresser en tyrannie, etc.
Toutefois, il nous semble qu'à toujours dire que l'histoire n'est pas réversible, on soit tentés par les mirages del'utopie.
C'est ce qui arrive à Fukuyama, qui écrit, dans La fin de l'histoire et le dernier homme, que l'on ne connaîtraplus jamais, une fois que partout on aura adopté les démocraties libérales, les horreurs vécues dans le passé.
Eneffet, les démocraties libérales sont selon lui ce que l'humanité a fait de mieux, ce par quoi elle a réalisé l'idéal tantattendu de rationalité.
En elles (du moins, dans leurs principes), il n'y a plus de contradictions, et on ne peut plusretourner en arrière, régresser…
II- Quel passé nous livre le souvenir ?
Pourtant, s'il nous est apparu évident que le passé ne peut pas revivre, au sens où ce qui est arrivé une fois nepourra jamais se reproduire, du fait que les conditions de réalisation ne pourront jamais être en tout pointsemblables, il faut tout de même préciser qu'il y a un sens, certes banal, mais pourtant important pour l'être humain,dans lequel on peut dire que le passé peut revivre.
Nous devons ici nous arrêter sur certaines activités, ou plutôt, certaines facultés, qui paraissent réussir à fairerevivre le passé.
Ainsi, tout le monde a déjà fait l'expérience de la remémoration de quelque chose de passé.
Je merappelle par exemple une mélodie, ou une personne qui m'est chère, mais qui vient de mourir.
Tout cela, c'est dupassé : cette mélodie dont je me souviens, je ne l'écoute pas actuellement, cette personne dont je me souviens,n'est pas là en ce moment, et je ne pourrai plus jamais la voir, puisqu'elle est morte.
Pourtant, comment dire quec'est du passé à proprement parler, puisque, en ce moment même, dans le moment du présent, j'en suis tout à faitconscient, et peut-être cela m'est-il même bien plus présent que la présence des choses et des gens autour de moi?
Ainsi, il semble que la faculté de mémoire ait tout à fait le pouvoir de faire revivre le passé, de le rendre présent àma conscience.
Selon Hume, les idées de la mémoire se distinguent de celles de l'imagination en ce qu'elles sont plusvives, qu'elles nous frappent plus –presque autant que les impressions des sens.
Bref, par la mémoire, le passé revitpour moi, dans mon présent; elle peut ainsi nous donner l'impression que le passé n'est pas enfoui et à jamais perdu.
Pourtant, Hume nous rappelle ce que nous disions plus haut, à savoir, que ce que la mémoire nous livre, ce n'est pasle passé lui-même : il dit en effet que le passé s'est toujours affaibli, i.e., qu'il y a un écart inévitable entre ce quenous livre notre souvenir d'un événement passé, et cet événement lui-même.
Pour Hume, le passé est « moins réel »que le présent, il a moins de teneur.
Bref, il semble que nous soyons de nouveau amenés à dire que jamais on nepourra retrouver dans le présent, le passé comme tel.
Non seulement le passé qu'on fait revivre par le souvenir sera toujours atténué, mais encore, il changera toujours,du fait même qu'on se le rappelle, de signification : le passé, d'abord, subit lui-même des modifications à travers le.
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