LE PARI DE PASCAL DANS LES PENSEES
Publié le 23/03/2011
Extrait du document


«
contraire il perd infiniment s'il perd, tandis que l'autre gagne infiniment s'il gagne et ne peut rien perdre, s'il perd.
Pas besoin de calculer, tant la chose est claire ! Un homme raisonnable, acculé au Pari, doit parier, sans hésiter,que Dieu est.
Arrivé là, Pascal devrait être satisfait.
Mais son esprit travaillait toujours.
L'interlocuteur ne se contentera peut-êtrepas du bon sens ; il voudra des raisonnements de géomètre.
Qu'à cela ne tienne ! Aussitôt Pascal pose, sous formemathématique, le problème qu'il vient de résoudre par le seul bon sens.
Ici la difficulté augmente.
Pascal avait bien inventé un mode de calcul qui s'appliquait à des probabilités, puis à desenjeux à partager ou à hasarder proportionnellement à ces probabilités ; maintenant ce sont des enjeux réels àopposer à un gain hypothétique, mais infini et il n'y a plus de probabilité d'aucune sorte.
Après avoir médité, Pascaldécouvre enfin une méthode, et il l'expose avec un entrain, une rapidité qui impriment à son manuscrit un aspectsingulier.
Il ne s'aveugle pas sur la distance qu'il y a entre un bien fini, mais certain, et un bien infini, mais incertain.
Il voitl'imprudence de sacrifier ce bien fini au mirage du bien infini, « mais, dit-il, l'incertitude de gagner est proportionnéeà la certitude de ce qu'on hasarde selon la proportion des hasards de gain et de perte.
Et de là vient que, s'il y aautant de hasard d'un côté que de l'autre, la partie est à jouer, égal contre égal; et alors la certitude de ce qu'onexpose est égale à l'incertitude du gain : tant s'en faut qu'elle en soit infiniment distante.
Et ainsi notre propositionest dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder à un jeu où il y a pareils hasards de gain que de perte, etl'infini à gagner.
Cela est démonstratif (233).
»
Si la fécondité du Pari s'était arrêtée là, Pascal n'en aurait peut-être pas conservé la trace : le plan de l'Apologie n'yfait pas allusion.
Mais ce dur raisonnement devait ramener son auteur à la psychologie réelle pour lui faire découvrird'importantes vérités.
Un pari n'est pas un acte de foi ; celui qui parie sait que son pari est douteux, et son choix incertain ; sans quoi iln'aurait pas parié, il aurait cru.
Le pari n'a d'importance et d'efficacité que si Pascal découvre un pont pour passer de l'incertitude à la certitude, del'affirmation des lèvres à l'adhésion totale de l'âme, de la gageure à la foi.
Pascal réfléchit donc à cette suprême difficulté.
Il analyse de près cet acte qu'est le pari : la volonté seule y est enjeu.
Mais la volonté peut agir sur le cœur par la machine.
La machine, en effet, nous persuade et nous fait croire : àforce de dire des prières et de prendre de l'eau bénite, on finit par croire.
C'est l'effet constant de l'habitude quicrée en nous une seconde nature.
D'ailleurs ce que nous appelons notre nature n'est-ce pas une première habitude(95) ? Créons donc une créance en nous par l'habitude ; et cette créance sera facile, toujours présente, toujoursactive et solide (252).
Ainsi en nous habituant à croire, nous croirons.
Bien plus, sans même recourir à l'automate, la volonté de croire nous conduira encore à la foi, car elle bridera nospassions, et nos passions sont le véritable obstacle qui s'interpose entre la vérité et nous.
A ce moment-là Pascal est tellement certain du succès qu'il fait comparaître son adversaire devant lui et le dialogues'engage :
Si les hommes sont capables de quelque vérité, celle-là l'est.
— Je le confesse, je l'avoue.
Mais encore n'y a-t-il point moyen de voir le dessous du jeu ?
— Oui, l'Écriture, et le reste, etc.
— Oui ; mais j'ai les mains liées et la bouche muette ; on me force à parier, et je ne suis pas en liberté ; on ne merelâche pas, et je suis fait d'une telle sorte que je ne puis croire.
Que voulez-vous donc que je fasse ?
— Il est vrai.
Mais apprenez au moins votre impuissance à croire, puisque la raison vous y porte, et que néanmoinsvous ne le pouvez.
Travaillez donc, non pas à vous convaincre par l'augmentation des preuves de Dieu, mais par ladiminution de vos passions.
Vous voulez aller à la foi, et vous n'en savez pas le chemin ; vous voulez vous guérir del'infidélité, et vous en demandez le remède : apprenez de ceux qui ont été liés comme vous, et qui parientmaintenant tout leur bien ; ce sont gens qui savent ce chemin que vous voudriez suivre, et guéris d'un mal dontvous voulez guérir.
Suivez la manière par où ils ont commencé : c'est en faisant tout comme s'ils croyaient, enprenant de l'eau bénite, en faisant dire des messes, etc.
Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira.
— Mais c'est ce que je crains.
— Et pourquoi ? qu'avez-vous à perdre ? Mais pour vous montrer que cela y mène, c'est que cela diminuera lespassions, qui sont vos grands obstacles 1.
—Oh, ce discours, me transporte, me ravit, etc....
»
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