Le pacte de Faust
Publié le 19/03/2015
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Le pacte de Faust
Méphistophélès
À suivre tes désirs ici-bas je m'engage
Et je n'oublierai rien de ce que tu voudras ;
Quand nous nous reverrons près de l'autre rivage,
Alors viendra ton tour et tu m'obéiras !
Faust
Que m'importe, à moi, l'autre monde !
Renverse les piliers où celui-ci se fonde
Et l'autre, s'il le veut, déploiera ses couleurs.
Ma joie appartient à la terre.
Le soleil d'ici-bas éclaire mes malheurs.
Si je puis oublier ce séjour de douleurs,
Advienne que pourra, je ne m'en trouble guère,
Je n'en veux rien savoir et ne m'informe pas
Si l'au-delà connaît des amours et des haines
Et si, dans ces sombres domaines,
Il existe un haut et un bas.
Goethe, Faust, première partie, trad. J. Malaplate, GF-Flammarion.

«
Le pacte de Faust 35
assez tôt, et le sens de la menace n'est guère lisible, quand
l'existence ici frémit de toutes ses promesses.
Spinoza le rappelle : la méditation de l'homme libre est de
la vie, non de la mort.
L'éternité pèse-t-elle si peu? C'est que
la balance est fausse peut-être, quand un plateau se charge des
seules frayeurs inventées ou suggérées, condensées dans les
scénarios imaginaires d'un lieu de souffrance éternelle.
Et
l'instant de bonheur n'atteint-il pas à sa façon une autre éter
nité, véritable : celle d'une plénitude de présence, qui monte
à l'absolu d'un accomplissement sans ombre ? Faust écarte le
trafic des âmes, parce qu'il ne peut pas vraiment y croire.
Méphisto évoque sans y insister la clause néfaste du pacte,
comme on fait avant la signature de contrats léonins.
Qui
accepterait de se perdre en échange de quelques jouissances
éphémères ? La question, masquée en sa gravité, paraît artifi
cielle
au regard d'une éthique du bonheur.
La lecture dépend
de la perspective.
La ruse du diable contre la résolution de
l'homme.
Pourquoi masquer un danger imaginaire ? Pour
insinuer que le choix qui livre Faust à Méphisto a quelque
avantage pour Faust lui-même.
Mais l'ardeur de vivre, attachée
à la conviction qu'il n'est pas d'autre monde que celui-ci, se
moque d'une telle ruse, qu'elle tient pour inutile.
Cette frénésie se veut salutaire.
Mais elle peut sembler mala
dive.
Est-ce
la conscience qu'inquiète une vie incertaine ?
S'agit-il d'échapper à la fragilité des contentements? Ayant le
choix entre vie longue sans gloire et vie brève mais glorieuse,
Achille, dit-on,
n'avait pas hésité.
Ce serait la gloire et l'éphé
mère.
Et le talon vulnérable a permis au destin de s'accomplir.
Faust doit-il se rallier au diable pour affirmer simplement le
désir de vivre, et de jouir de la vie ?
L'alternative est étrange et cruelle.
Le type d'évaluation qui
la sous-tend est une sorte de démission.
Nietzsche évoque les
contempteurs de la vie, qui en culpabilisent l'assouvissement
au point de l'assortir des pires malédictions.
Paradoxe d'un
dieu qui nous dote d'une propension naturelle au plaisir pour
en condamner aussitôt la mise en œuvre.
Des choses du corps
il faut seulement user, et de celles de l'esprit il faut jouir, dit
saint François de Sales.
Et il condamne sans appel les plaisirs
charnels.
L'éléphant lui semble à ce titre exemplaire : «je vais
vous
dire un trait de son honnêteté : il ne change jamais de
femelle, et aime tendrement celle qu'il a choisie, avec laquelle
néanmoins il ne parie que de trois en trois ans, et cela pour.
»
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