Le naturaliste Jean Rostand a écrit : « Il suffit de quelques savants pour doter l'humanité d'un mons-trueux pouvoir, mais pour la rendre digne d'en user, il ne suffit pas de quelques hommes.» Que pensez-vous de cette affirmation ?
Publié le 15/09/2014
Extrait du document
«
J 'humanité dans son action sur la matière.
En effet, J 'adjectif
" quelques "• entendu strictement, désigne un tout petit nom
bre :
trois ou quatre, tout au plus une demi-douzaine.
Or, peut-on
se
contenter de cinq ou six noms pour rendre compte de l'en
semble des découvertes qui
ont transformé la vie de l'homme
contemporain, ou même pour expliquer les dernières conquêtes
des diverses techniques, depuis la
pénicilline et le penthotal
jusqu'au microscope électronique
et à la radio-activité artifi
cielle?
Qu'il s'agisse de découvertes scientifiques proprement dites
ou des améliorations techniques de la production industrielle,
le progrès est une œuvre collective.
Les plus grands savants
sont
tributaires du savoir et de l'esprit scientifique qu'ils ont
reçu de leurs devanciers, des travaux de leurs contemporains
et même des besoins matériels ou intellectuels de leur époque,
des problèmes qui préoccupent les esprits.
Les inventions
ne
consistent guère qu'à apporter un petit perfectionnement à une
invention antérieure ; par suite,
toute création de la technique
moderne, l'automobile, par exemple, ou
l'appareil radiophonique
est J'œuvre, non pas de "quelques ,, inventeurs, mais de plu
sieurs dizaines, sinon de plusieurs centaines.
Néanmoins,
on peut reconnaître que l'affirmation de jean
Rostand est moralement vraie : si, absolument parlant, le pou
voir dont dispose l'humanité n'est pas dû à "quelques savants"•
relativement à la masse du genre humain, le nombre de ceux
qui
collaborent directement au progrès scientifique et technique
est infime, et l'adjectif "quelques ,, ne paraît pas impropre.
Tout d'abord, celui
dont le savoir est assez étendu pour qu'on
le classe parmi les savants
est une exception et l'était plus
encore autrefois.
Ensuite, de ces savants eux-mêmes, un
petit
nombre seulement dotèrent l'humanité d'un pouvoir nouveau, la
majorité se contentant de transmettre à leurs élèves ce qui
avait été
découvert par d'autres.
Nous renonçons donc à notre querelle de grammairien : le
pouvoir dont dispose l'humanité,
c'est bien de " quelques
savants
,, qu'elle le tient.
B.
Le « monstrueux pouvoir "· - Mais peut-on admettre que
ce pouvoir
est " monstrueux» et quel sens faut-il donner à ce
qualificatif ?
Au sens premier, un monstre est un être mal conformé, qui
s'écarte notablement de son type
et paraît contraire aux lois
de la nature: tel un veau à deux têtes.
Inutile de le dire, le
pouvoir de l'humanité
n'est pas monstrueux en ce premier sens :.
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