Le mythe d'Oedipe ?
Publié le 27/02/2008
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Ce mythe universel concerne une structure de groupe, celle de la famille (l'abandon d'enfant, l'inceste) mais aussicelle de l'Etat (le héros venu de l'étranger, la souillure sociale) — l'une se fondant sur l'autre puisque la cellulefamiliale s'impose, d'emblée, comme une micro-société (cf.
les philosophes des Lumières, entre autres, quiconsidèrent la famille comme une société humaine en réduction).
La mise en perspective de ces deux groupessouligne la nécessité, pour l'individu, de se poser à la fois par rapport à ses parents et par rapport à sesconcitoyens.
II.
La faute d'Œdipe?
Comme individu, Œdipe peut apparaître comme une victime ; mais il semble devenir coupable lorsqu'il se pose parrapport à la double structure définie par la famille et l'Etat.
1.
Un individu, coupable sans le vouloir
Conformément aux prédictions de l'oracle et en dépit de ses efforts pour échapper à son destin, Œdipe tue sonpère, Laïos, et épouse sa mère, Jocaste.
Mais, en fait, il n'a jamais voulu faire le mal.
Donc, sa culpabilité sembletout à fait dissociée de sa volonté personnelle.
Il doit supporter le poids de la faute familiale : c'est son père qui acommis une faute en contrevenant aux règles de l'hospitalité — d'où la colère des dieux; d'où, encore, la punitionannoncée par l'oracle; les parents, Jocaste et Laïos, ont tenté de ne pas céder à l'appel de la chair mais on ne peutaller contre son destin...
leur fils devra payer une faute.
2.
Un membre d'une collectivité et un triple procès
Cette figure mythique rend possible un triple procès, celui de la nulle, celui de l'Etat, celui de l'homme et de saraison.la famille, car l'intrigue repose sur la transgression d'un l'un sexuel : l'inceste.
I homme, parce que les Grecs luireprochent surtout son manque de discernement, une confiance excessive dans les pouvoirs de sa propre raison.Dans la pièce de Sophocle, Œdipe revêt un statut exemplaire : il confirme le scénario de la grandeur suivie d'unedécadence.
Lui qui a su vaincre le Sphinx grâce à son intelligence, il ne comprend que très lentement saresponsabilité dans la punition subie par Thèbes.
L'intrigue dramatique accompagne cette progressive remise enquestion de soi ; mais le personnage reste très hautain car, même au dénouement, il se pose encore en victime parexcellence.
— L'Etat, car la pièce souligne que l'homme politique ne doit pas se fier à ses seules forces et toujourssacrifier aux dieux.
3.
Un exemple, Œdipe roi : de l'enquête à la quête de soi
Dans la pièce de Sophocle, Œdipe apparaît comme un personnage violent et orgueilleux : il est trop sûr de lui.
Lamorale socio-politique de la pièce vise à dénoncer la démesure, la fameuse «hybris» grecque, qui ne concerne passeulement la brutalité physique mais ici, en l'occurrence, la violence morale et mentale.
Donc, la faute d'Œdipeconsiste à croire qu'un homme peut se donner sa propre loi sans se référer aux dieux.En outre Œdipe peut apparaître comme exemplaire de l'étroite imbrication entre l'inconscient familial et la destinéepersonnelle.
L'enquête policière menée par Œdipe devenu adulte et roi de Thèbes finit par se transformer en quêted'une identité fondamentalement liée au passé.
Il est coupable d'être né car il ignore sa culpabilité profonde — ilmène une enquête mais, à l'inverse de Roger Acroyd, narrateur et meurtrier d'Agatha Christie, il ne se sait pasresponsable.
Ce n'est pas un imposteur mais un inconscient qui assume (et c'est là son caractère tragique) sa véritémême s'il en est victime (comme il le remarque lui-même dans une autre pièce de Sophocle, Œdipe à Colone).TransitionUn mythe toujours vivant dont on peut penser qu'il possède une valeur transhistorique, universelle, comme entémoignent les interprétations, très stimulantes, élaborées par la psychanalyse et par l'anthropologie structurale.Mais, on va le voir, ces interprétations globalisantes ont été remises en question à partir de la définition même dumythe — par essence sujet à de multiples variantes, le mythe trouverait sa signification à la faveur du recoupementdes grands invariants, mais demeure lié à ses versions historiques.
Ainsi, les hellénistes insistent sur l'ancrage desdifférents textes dans leur réalité contemporaine.
III.
Les interprétations du mythe
1.
La psychanalyse
S'inspirant, de manière explicite, de la pièce de Sophocle, Freud définit le complexe d'Œdipe : pour lui, tout jeunegarçon éprouverait une attirance pour sa mère et des pulsions de mort vis-à-vis de son rival, le père.
Or, la sociétése bâtit sur le tabou de l'inceste et exige un refoulement de cette pulsion primitive.
Quand le sujet ne maîtrise passes désirs inconscients, il sombre dans la névrose.
Mais la censure s'effectue de manière générale; elle peut mêmeconduire à une sublimation de l'instinct chez certains sujets doués : elle est donc la base de la création artistique —lire : La Naissance de la psychanalyse, Totem et '"hou et Trois essais sur la théorie sexuelle.
Même type de point devue appliqué aux contes merveilleux par Bruno Bettelheim, dans Psychanalyse des contes de fées.Ce type d'interprétation prend appui sur le fait qu'Œdipe assume les conséquences d'une faute dont il n'est pasl'artisan : tout se passe comme si, de manière inconsciente, il avait consenti au meurtre de son père afin d'épousersa mère...
Il ne serait « ni tout à fait coupable ni tout à fait innocent » — pour lui appliquer une formule de Racinedéfinissant personnage tragique..
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