Le Monde comme volonté et comme représentation, § 52 - Schopenhauer. Commentaire
Publié le 23/03/2015
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«
Textes commentés 51
La musique est pour Schopenhauer l'expression de l'être intime du monde,
de la volonté même.
En ce texte,
il insiste particulièrement sur le pouvoir
qu'a une mélodie d'exprimer les affections, les passions et les émotions.
Pour comprendre qu'une telle expression est aussi celle de la volonté,
il faut
savoir que tout ce dont j'ai une connaissance intime, mes affects, mes désirs
et mes sentiments sont des manifestations de ma volonté.
Douleur et plaisir,
1
par exemple, ne sont rien d'autre que le fait nécessaire et momentané de
vouloir ou de
ne pas vouloir l'impression que subit notre corps.
Saint
Augustin l'avait déjà compris :
« Qu'est-ce que le désir et la joie, demande
t-il, qu'une volonté qui approuve ce que nous voulons ?
» En tout phéno
mène affectif, la volonté parle.
Et c'est celle-ci, c'est-à-dire l'essence même
de chaque sentiment, qui est saisie sur
le vif par le musicien lorsque la
mélodie qu'il compose exprime la tristesse ou la joie.
Car la musique nous
livre ces sentiments à l'état pur, dépouillés des circonstances particulières
qui conditionnent leur apparition dans la vie courante.
Ainsi la musique
d'un opéra, ou d'un film, est-elle indifférente aux détails du drame qu'elle
« accompagne » : que la matière de l'action soit la colère d'Achille ou celle
d'un petit truand, c'est toujours par des accents pompeux et stridents que le
sentiment sera rendu par la mélodie.
Aussi la musique réalise-t-elle une synthèse de l'universel et du particu
lier qui la fait ressembler aux figures géométriques ; celles-ci ont beau être
les formes générales de tous
les objets possibles, elles n'en sont pas moins
concrètes et parfaitement déterminées.
Et, de même, les mélodies sont-elles,
en dépit de leur particularité, capable d'exprimer la forme pure et générale
de tout sentiment ; en les écoutant, nous sommes mis en présence non de la
joie de celui-ci ou de la tristesse de celui-là, mais de
la joie et de la tristesse
mêmes.
On comprend alors que la musique soit, pour un nombre considérable de
poètes, de dramaturges et de romanciers
I, la grande inspiratrice.
Car même
un homme sans grand talent et sans imagination peut, alors qu'il est occupé
à écouter une symphonie, voir défiler devant ses yeux tous les événements
de la vie et du monde.
Ceux-ci ne sont, en effet, que des variations imagi
naires et spontanées, élaborées à partir de l'audition de la musique.
« En
conséquence, écrit Schopenhauer qui compare le monde sensible à la scène
d'un théâtre, le monde pourrait être appelé une incarnation de la musique
tout aussi bien qu'une incarnation de la volonté2.
»
1.
Il est frappant, par exemple, que des écrivains aussi différents que Georges Simenon et Paul Valéry évoquent un rythme lorsqu'ils s'efforcent de rendre compte de la source de leur
inspiration.
2.
M., p.
336..
»
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