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Le libre arbitre et le sentiment immédiat de la liberté ?

Publié le 09/02/2004

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libre arbitre
Pourquoi les hommes restent-ils la plupart du temps dans l'irréflexion et ne cherchent pas à connaître ces causes ? car ils aiment, explique Spinoza, se représenter comme un « empire dans un empire » : l'orgueil et la crainte de devoir subir sa vie plutôt que de la vouloir les inclinent à cette croyance en l'illusion du libre arbitre, étant entendu que nous croyons toujours davantage à ce que nous désirons. * Le libre arbitre, une invention commode et perverseÀ en croire Spinoza, le sentiment du libre arbitre ne serait qu'un sentiment erroné personnel, issu d'une ignorance rassurante. Pourtant, le sentiment de la liberté n'est pas seulement recherché personnellement, il est encore cultivé socialement. Fiction peut-être, mais fiction collective, ce qui constitue une résistance importante à l'acceptation de la doctrine spinoziste. Nos sociétés dites libres reposent sur la garantie de la liberté de chacun, dans les limites fixées par la loi : ce qui est ainsi reconnu juridiquement (notamment dans l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) et socialement, c'est la liberté de faire, d'entreprendre et de penser et non pas le libre arbitre et la dimension métaphysique de la liberté. Il existe cependant un lien direct entre les deux : la seconde, pourrait-on dire, fonde la première comme le reconnaît implicitement le système judiciaire qui ne s'attache pas simplement aux actes (répréhensibles ou non) mais aussi aux volontés (coupables ou non). Qu'est-ce qu'une circonstance atténuante sinon la reconnaissance qu'au moment de l'acte, celui-ci n'a pas été voulu librement ; l'agent ayant été déterminé par telle ou telle cause (pathologique, sociologique...) indépendante de sa volonté. Devons-nous dès lors dire que le libre arbitre est une fiction nécessaire, notamment pour l'ordre social ?
libre arbitre

« Qu'est-ce que le libre arbitre pour Nietzsche ? « le plus suspect des tours depasse-passe des théologiens, aux fins de rendre l'humanité "responsable",c'est-à-dire de la rendre plus dépendante des théologiens.

» Il est vrai qu'unhomme ne peut être dit responsable de son acte – il ne peut en répondre eten rendre compte, dire pourquoi il l'a fait– qu'à partir du moment où il l'a voululibrement.

Or Nietzsche montre que de cette responsabilité découle uneculpabilité si l'acte est jugé fautif : de responsable, l'homme devient coupableparce qu'on le considère et qu'il se considère comme doué de libre arbitre.C'est la dimension morale du libre arbitre qui ici se dégage et qui,culturellement, naît de l'avènement du monothéisme, notamment chrétien.

Il ya dès lors un paradoxe que l'auteur, implicitement, évoque en parlant de «tour de passe-passe » : le sentiment de la liberté, loin de faire de nous desêtres libres, nous enchaîne aux instances (religieuse, juridique) de la morale.Être libre, alors, supposerait l'abandon d'une métaphysique qui nous rendserviles. «Se sentir libre» n'est pas «être libre» Nul ne peut contester qu'il soit agréable de faire ce qu'on a envie de faire.Mais il n'est pas possible d'en déduire qu'on est alors libéré de toutecontrainte.

En effet, comme l'explique Spinoza, les hommes s'imaginent qu'ilssont libres, c'est-à-dire attribuent à leur conscience la capacité d'être lacause déterminante de leurs actions, chaque fois qu'ils sont dans l'ignorance des causes réelles qui déterminent leurconscience.

«Les hommes, quand ils disent que telle ou telle action du corps vient de l'âme, qui a un empire sur lecorps, ne savent pas ce qu'ils disent et ne font rien d'autre qu'avouer en un langage spécieux leur ignorance de lavraie cause d'une action qui n'excite pas en eux d'étonnement» (Éthique, III, 2, se, G.F., p.

138). Nous ne choisissons pas ce qui nous plaît ou ce qui nous déplaît : nous constatons en nous que la perception detel ou tel objet procure ou non du plaisir.

Ne faire que ce qui plaît, ne serait-ce pas renoncer à choisir, être soumis àla logique de désirs et de passions qui sont en nous mais dépendent moins de nous que de notre histoire infantile oude notre éducation ? Ne serait-ce pas être dirigé par des contraintes intérieures dont nous pouvons n'avoir que trèspeu conscience ? Calliclès, maître de la Cité, fait ce qui lui plaît, mais ne paraît pas maître de ses propres passions :dira-t-on qu'il est libre ? « La principale perfection de l'homme est d'avoir un libre arbitre, et [...] c'est ce qui le rend digne de louange oude blâme.

» Descartes, Principes de la philosophie, 1644. « Si à un instant la roue du monde s'arrêtait et qu'il y eût là une intelligence calculatrice omnisciente pour mettreà profit cette pause, elle pourrait continuer à calculer l'avenir de chaque être jusqu'aux temps les plus éloignés etmarquer chaque trace où cette roue passera désormais.

» Nietzsche, Humain, trop humain, 1878. « Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommessont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent.

» Spinoza, Lettre à Schuller, 1674. Pour Spinoza, l'illusion du libre arbitre vient du fait que les hommes sont tout à fait conscients de leurs actions, maisqu'ils ignorent les causes qui les déterminent. « C'est par l'effet de [la] volonté éternelle et primitive [de Dieu] que tous les animaux se meuvent selon leur librearbitre, et que l'homme a le pouvoir de faire tout ce qu'il veut, ou tout ce qu'il préfère d'entre les actions dont il estcapable.

» Maimonide, Le Guide des égarés, xiie s. Le libre arbitre désigne primitivement la faculté qu'aurait l'homme de pouvoir choisir (arbitrer) entre deux actionslibrement, c'est-à-dire indépendamment de toute contrainte externe, sans autre cause que le vouloir lui-même. « On dirait que [la plupart de ceux qui ont parlé des sentiments et des conduites humaines] conçoivent l'hommedans la Nature comme un empire dans un empire.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) Autrement dit, ils croient à tort que l'homme est à l'origine de ses sentiments et de ses conduites et qu'il a sur sespropres actions «une puissance absolue ». « Aucun physicien ou physiologue qui étudierait minutieusement le corps de Mozart, et tout particulièrement soncerveau, ne serait capable de prédire sa Symphonie en sol mineur d'une manière détaillée.

» Popper, L'Univers. »

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