Le langage sert-il à parler ou bien à penser ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
technique de la communication, la fonction éminemment « symbolique » du langage.
Par le langage, la pensée peutse constituer comme une sorte de parenthèse dans le domaine de l'action.
L'homme n'est pas simplement assujettiaux exigences d'urgence et de survie.
Il peut, c'est la caractéristique du langage, évoquer les choses en leurabsence, les représenter à défaut de leur présence et jouer sur les significations qu'il souhaite donner à ces choses.
Le langage joue donc un rôle plus qu'instrumental : il ne sert pas uniquement à communiquer, ni non plus àdénommer une réalité préexistante.
Il permet à l'homme de penser la réalité, de jouer avec sa signification, au lieude la subir comme c'est le cas pour l'animal.
Le langage est donc bien à la fois en amont, mais aussi en aval de lapensée, cette dernière ne pouvant prendre forme que dans et par un discours, même si celui-ci est intérieur (lapensée se manifeste souvent en mots).
Mais avons-nous bien, ici, délimité et identifié le langage ?
II.
L'homme possédé par le langage ?
La linguistique saussurienne va remettre en question cette théorie philosophique classique du langage.
Ce dernierdésigne, pour le linguiste, une réalité hétéroclite, « à cheval sur plusieurs domaines, à la fois physique, physiologiqueet psychique.
Il appartient encore au domaine individuel et au domaine social » (Cf.
F.
de Saussure, Cours de linguistique générale ).
Ce que Saussure reproche aux philosophes, c'est d'avoir étudié principalement le langage pour lui-même.
Il attribuera, quant à lui, la première place à la langue qui, contrairement au langage, n'est pas une simple« virtualité » mais bien une réalité concrète.
Si le langage désigne la « faculté » de parler, Saussure va se demanderce que cela veut dire et quel est l'élément « naturel » (s'il y en a un !) d'un telle faculté ?
« En matière de langage, l'articulation peut désigner ou bien la subdivision de la chaîne parlée en syllabes, ou bien lasubdivision de la chaîne des significations en unités significatives...
En s'attachant à cette définition, on pourraitdire que ce n'est pas le langage parlé qui est naturel à l'homme, mais la faculté de constituer une langue, c'est-à-dire un système de signes distincts correspondant à des idées distinctes ».
Saussure distingue encore langue et parole, la première étant « la partie sociale du langage, extérieure à l'individu,qui à lui seul ne peut ni la créer ni la modifier...
La parole est au contraire un acte individuel de volonté etd'intelligence.
»
En donnant à la linguistique son objet (la langue), Saussure donnera également le primat à la nature de la pensée,qui cherche fondamentalement à s'articuler et se transmettre, chez l'homme.
Cette faculté humaine du langage estbien le signe d'une pensée, mais les conventions de toute langue constituée reposent, selon le père de lalinguistique, sur des choix arbitraires et sociaux.
On pourrait donc dire que le langage est la faculté intrinsèque de lapensée humaine mais que c'est la langue qui, comme réalité sociale, permettra à toute pensée individuelle, parappropriation de ses conventions particulières, de s'exprimer.
La philosophie parle, quant à elle, d'un « tournant linguistique » contemporain, que l'on doit associer aux travauxrécents de la linguistique.
Mais ce tournant est également un questionnement sur les bases « métaphysiques »qu'avait lancé la philosophie classique à propos du langage.
Principalement, la philosophie platonicienne avaitconsacré le primat de la pensée (des Idées que la pensée trouve en elle telles que le « Bien », le « Beau », le« Vrai »...) sur le langage, ce dernier n'étant alors que l'outil pour exprimer les contenus métaphysiques (au-delà dumonde sensible existe un « monde des Idées ») de la pensé humaine.
La philosophie du langage constatera que desprésupposés métaphysiques comme ceux-ci, mais aussi d'autres, sont véhiculés par la grammaire et les mots.
Ce quiest soutenu par le courant de « philosophie analytique » (début du vingtième siècle), c'est que la plupart desproblématiques de la philosophie relèvent de l'analyse du langage.
Wittgenstein a, ici, la place de l'instigateur decette conception car il dénonçait, dans son Tractatus logico-philosophicus , les pièges constitués par le langage lui- même.
Ces pièges viennent selon lui d'une mauvaise utilisation du langage qui donne lieu à une croyance en despseudo-réalités.
L'« Être », un concepts majeur et fondamental en philosophie, est un substantif qui, avec le temps,fut « chosifié » par la tradition.
La vérité est que nous ne savons toujours pas de quoi nous parlons qu'en nousparlons de l'« Être ».
Il en est de même, selon lui, pour le temps qui, transformé par la grammaire ordinaire desubstantif en chose, est venu donner des phrases telles que : « le temps s'écoule », générant des polémiques etdes interrogations philosophiques stériles sur la réalité et la nature du temps.
« Temps , pris comme substantif, est une terrible source de confusion » écrit Wittgenstein.
Ce qu'il a montré, c'est que le langage est source de réflexions.
Mais une source de réflexions vaines et stériles dèslors que les règles du langage sont confuses et mal utilisées.
La parole elle-même peut produire des illusions de sensdès lors que la pensée exprime confusément ses idées.
Ce que dit Wittgenstein c'est que notre langage sert à la foisà parler et est moteur de réflexions, mais qu'il n'est pas fidèle le plus souvent, dans ses structures et sesconventions, à la réalité.
Dès lors il appartient à la philosophie de repenser ce langage dans l'optique de le réformeret le reconstituer en fonction de la réalité.
Cependant, de l'aveu même de Wittgenstein, cette tâche apparaît infinievoire impossible.
Conclusion
Le langage semble malgré tout bien le signe extérieure d'une pensée humaine.
Celle-ci est peut-être déjà, dèsson origine, structurée pour créer et utiliser les moyens (la langue) propres à son expression.
Mais la philosophie du moment (« analytique ») montre en quoi nos langues sont à la fois constituées par des.
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