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Le langage n'est-il qu'un instrument de communication?

Publié le 22/11/2015

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Le langage n’est-il qu’un instrument de communication ? La remise en question de l’enseignement du latin et du grec fut récemment envisagée par le Ministère de l’Éducation Nationale, sous prétexte qu’il était plus important de maîtriser une nouvelle langue vivante que de pratiquer une langue morte. De nombreux intellectuels et philosophes se mobilisèrent pour s’opposer à ce projet. Pour justifier cet engagement, ils invoquèrent l’importance de connaître les racines des langues européennes, porteuses des origines de notre civilisation. L’émotion suscitée par cette réforme montre à quel point une langue qui n’est plus pratiquée, et qui donc ne sert en rien à la communication, conserve pour beaucoup une fonction essentielle. Peut-on ainsi réduire le langage à un instrument de communication ? Le mot instrument suppose une finalité du langage, ainsi comparé à un outil. Une discussion, un rapport linguistique entre deux humains, n’aurait qu’un seul but, un seul objectif. Les mots constitutifs du langage ne seraient que des médiateurs utilisés pour faire passer une information, une idée. Le langage peut-il dépasser sa valeur relative et être une fin en soi ? Nous verrons que l’utilisation première du langage est certes la communication, mais qu’il peut être également un instrument de domination. Il s’avère aussi, avant tout, être la condition première de l’élaboration de toute pensée. Nous démontrerons par la suite que le langage est bien plus qu’un instrument, qu’il peut être une fin en soi, indépendamment de son contenu informatif. Le langage est par nature un instrument de communication, intrinsèquement lié à la pensée. C’est un médiateur, utilisé pour échanger des informations ; le langage comme instrument de communication peut cependant être vicié et détourné par les pouvoirs politiques. Le langage est nécessaire à la communication, car il permet un échange fondé sur des connaissances et références communes. Il permet d’avoir une relation collective aux choses ; c’est un intermédiaire susceptible de permettre l’échange entre plusieurs personnes. La thèse de Jean-Jacques Rousseau, dans l’Essai sur l’origine des langues, suppose que l’utilisation première du langage fut l’expression des passions, des expériences sensibles, des besoins physiologiques : le désir, la peur ou encore la colère. Suivant cette optique, le message est essentiel, bien plus important que la forme. Seul le contenu doit atteindre l’interlocuteur. Les mots permettent une communication directe, complexe et logique, même si la thèse de Rousseau nous fait revenir à une définition élémentaire du langage. Cependant, cette réflexion de la part du philosophe convoque une nouvelle interrogation. Si le langage primitif se résume à une expression de nos désirs et besoins, peut-on qualifier la communication animale, si elle existe, de langage ? René Descartes, dans son Discours de la méthode, offre une distinction afin de marquer une sorte d’évolution du langage chez l’homme. Selon lui, les animaux feraient état de « passions », traduits par des cris de toutes sortes : « On ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels ». Descartes ajoute, dans sa Lettre au marquis de Newcastle: « ils nous exprimeraient bien leurs pensées, s’ils en avaient. » Ils ne pourraient en aucun cas être rapprochés du discours articulé des hommes. Communiquer une émotion n’est pas la même chose qu’exprimer une pensée. On ne peut donc pas vraiment qualifier leurs pulsions de langage. Le langage est plus qu’une pulsion, il est l’expression d’une pens&...
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« langage permet de parler de choses qui n’existent pas concrètement (valeurs, principes, concepts abstraits) ou qui ne sont pas présentes au moment de l’énonciation.

La pensée, selon Platon, est déjà un dialogue, un « dialogue intérieur que l’âme entretient, en silence, avec elle-même ».

Les auteurs de la Logique de Port-Royal , Antoine Arnauld et Pierre Nicole, suivent cette idée, suggérant, à propos des pensées, que la race humaine pourrait « les considérer en elles-mêmes, sans les revêtir d’aucune parole.

» Cette phrase insinue que le transfert de la pensée vers le mot corrompt et déforme l’idée initiale.

Henri Bergson, dans la Pensée et le Mouvant , ajoute que la fonction primitive du langage est « d’établir une communication en vue d’une coopération.

» Il introduit toutefois la nuance suivante, comme les philosophes du 17 ème siècle cités auparavant : les pensées, passent par une sorte de filtre du réel, forcément réducteur.

Bergson emploie un vocabulaire péjoratif pour définir ce concept : « les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain ».

Instrument de communication, le langage est également un outil au service de la pensée, même s’il peut la travestir. La liberté d’expression et de pensée constitue les fondements des sociétés modernes démocratiques.

Les régimes autoritaires, comme l’Allemagne nazie ou l’Union Soviétique sous Josef Staline, dérogent évidemment à la règle.

Ils utilisèrent le langage à des fins politiques, d’une façon souvent maligne et discrète, afin de normaliser la pensée, donc l’expression, ou même d’empêcher qu’elle puisse voir le jour.

Le langage devient ainsi un instrument de domination.

En effet, dans les régimes autoritaires, l’État délimite, en quelque sorte, ce qu’il est possible (ou autorisé du moins) de penser : il devient maître de la langue.

George Orwell, dans 1984 , décrit le projet du régime autoritaire de Big Brother, dont le but est de créer une langue totalement nouvelle appelée « novlangue », sous forme de code artificiel.

Selon Big Brother, « la Révolution sera complète quand le langage sera parfait ».

L’objectif est d’empêcher progressivement tout révision de l’Histoire antérieure à la Révolution, et de couper la pensée dissidente à la racine : « Nous taillons le langage jusqu’à l’os ». Cet accomplissement pousserait encore plus la perception du totalitarisme, jusqu’à éviter l’articulation d’une pensée intime et personnelle.

C’est pour cela que les mots « justice », « liberté », et « démocratie » sont supprimés dans la novlangue.

Toute opposition ou rébellion ne pourrait même pas être conçue.

La vision contre-utopique du romancier se révéla assez proche de la réalité.

En 1950, Staline, alors à la tête de l’Union Soviétique, déclara dans la Pravda : « enfin, avec le progrès de la technique et de la science, quantité de mots et d’expressions ont changé de sens et acquis une signification nouvelle ; un certain nombre de mots surannés ont disparu du vocabulaire ».

La puissance et l’efficacité des mots prouvées, on voit dans le langage une portée plus large, qui vient s’ajouter à la simple communication : la langue permet d’agir sur la réalité et de l’altérer.

Il est assez ironique de noter que le protagoniste de 1984 , Winston Smith, dont le travail est de traduire les textes du journal officiel de l’État en novlangue, est employé au Ministère de la vérité.

Ainsi, plus que de modifier la façon de penser, Big Brother veut littéralement construire une vérité alternative, ce qui serait semblable à changer l’essence même des choses.

Ce constat nous amène nous questionner sur la nature du langage, et sa capacité à définir la réalité universelle et les principes naturels. Le langage apparaît donc comme un outil, avec ses imperfections et parfois ses perversions, mais il est avant tout la condition première de l’élaboration et de l’expression de nos pensées personnelles.

On peut constater qu’il est parfois limité, et peut-être défectueux, notamment en ne permettant pas de saisir l’abstrait.

Malgré les. »

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