Le langage n'est-il qu'un instrument de communication?
Publié le 22/11/2015
Extrait du document
«
langage permet de parler de choses qui n’existent pas concrètement (valeurs,
principes, concepts abstraits) ou qui ne sont pas présentes au moment de
l’énonciation.
La pensée, selon Platon, est déjà un dialogue, un « dialogue intérieur
que l’âme entretient, en silence, avec elle-même ».
Les auteurs de la Logique de
Port-Royal , Antoine Arnauld et Pierre Nicole, suivent cette idée, suggérant, à propos
des pensées, que la race humaine pourrait « les considérer en elles-mêmes, sans les
revêtir d’aucune parole.
» Cette phrase insinue que le transfert de la pensée vers le
mot corrompt et déforme l’idée initiale.
Henri Bergson, dans la Pensée et le Mouvant ,
ajoute que la fonction primitive du langage est « d’établir une communication en vue
d’une coopération.
» Il introduit toutefois la nuance suivante, comme les philosophes
du 17 ème
siècle cités auparavant : les pensées, passent par une sorte de filtre du réel,
forcément réducteur.
Bergson emploie un vocabulaire péjoratif pour définir ce
concept : « les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la
perception humaine en vue du travail humain ».
Instrument de communication, le
langage est également un outil au service de la pensée, même s’il peut la travestir.
La liberté d’expression et de pensée constitue les fondements des sociétés modernes
démocratiques.
Les régimes autoritaires, comme l’Allemagne nazie ou l’Union
Soviétique sous Josef Staline, dérogent évidemment à la règle.
Ils utilisèrent le
langage à des fins politiques, d’une façon souvent maligne et discrète, afin de
normaliser la pensée, donc l’expression, ou même d’empêcher qu’elle puisse voir le
jour.
Le langage devient ainsi un instrument de domination.
En effet, dans les régimes
autoritaires, l’État délimite, en quelque sorte, ce qu’il est possible (ou autorisé du
moins) de penser : il devient maître de la langue.
George Orwell, dans 1984 , décrit le
projet du régime autoritaire de Big Brother, dont le but est de créer une langue
totalement nouvelle appelée « novlangue », sous forme de code artificiel.
Selon Big
Brother, « la Révolution sera complète quand le langage sera parfait ».
L’objectif est
d’empêcher progressivement tout révision de l’Histoire antérieure à la Révolution, et
de couper la pensée dissidente à la racine : « Nous taillons le langage jusqu’à l’os ».
Cet accomplissement pousserait encore plus la perception du totalitarisme, jusqu’à
éviter l’articulation d’une pensée intime et personnelle.
C’est pour cela que les mots
« justice », « liberté », et « démocratie » sont supprimés dans la novlangue.
Toute
opposition ou rébellion ne pourrait même pas être conçue.
La vision contre-utopique
du romancier se révéla assez proche de la réalité.
En 1950, Staline, alors à la tête de
l’Union Soviétique, déclara dans la Pravda : « enfin, avec le progrès de la technique
et de la science, quantité de mots et d’expressions ont changé de sens et acquis une
signification nouvelle ; un certain nombre de mots surannés ont disparu du
vocabulaire ».
La puissance et l’efficacité des mots prouvées, on voit dans le langage
une portée plus large, qui vient s’ajouter à la simple communication : la langue
permet d’agir sur la réalité et de l’altérer.
Il est assez ironique de noter que le
protagoniste de 1984 , Winston Smith, dont le travail est de traduire les textes du
journal officiel de l’État en novlangue, est employé au Ministère de la vérité.
Ainsi,
plus que de modifier la façon de penser, Big Brother veut littéralement construire une
vérité alternative, ce qui serait semblable à changer l’essence même des choses.
Ce
constat nous amène nous questionner sur la nature du langage, et sa capacité à définir
la réalité universelle et les principes naturels.
Le langage apparaît donc comme un outil, avec ses imperfections et parfois ses
perversions, mais il est avant tout la condition première de l’élaboration et de
l’expression de nos pensées personnelles.
On peut constater qu’il est parfois limité, et
peut-être défectueux, notamment en ne permettant pas de saisir l’abstrait.
Malgré les.
»
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