Le langage ne sert-il qu'a s'exprimer ?
Publié le 31/10/2005
Extrait du document
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En ce qui concerne le langage comme action, il est possible de faire référence à Austin et à son ouvrage intitulé Quand dire c'est faire.
Il prend quelques exemples de phrases courantes et montre comment le simple fait deprononcer certaines paroles constituent en soi un acte.
Par exemple « je vous déclare mari et femme », « jepromets de faire … ».
Le langage ne peut être réduit à sa fonction représentative – qu'il s'agisse de chosesabstraites ou concrètes.
Autrement dit, toutes les phrases ne sont pas constatatives ; il existe des énoncés‘'performatifs'’ comme les promesses ou les phrases officielles qui accomplissent une action.
Le langage permet doncà l'homme d'agir à un autre niveau, c'est ce qui fait de lui un être si particulier. Mais ce langage conçu comme action n'est pas la seule manière d'agir sur le réel.
En effet, le langage est aussi un moyen d'asseoir un pouvoir durable.
Chez les êtres vivants en groupe, on remarque presque toujours que lepouvoir appartient au plus fort, et qu'il est de ce fait instable : le pouvoir meurt ou change en même temps quel'être qui le porte.
Ce n'est pas le cas chez les hommes.
Le langage permet en effet d'organiser l'être ensemble et defaire en sorte que le pouvoir soit indépendant de la personne qui le représente.
C'est ce qu'explique Aristote dans Del'interprétation qui distingue la voix (phone) du langage (logos).
La voix appartient à tous les animaux, elle dit lesaffects : « les sons émis par la voix sont les symboles des états de l'âme ».
Le domaine propre du langage est celuidu bien et du mal, il est la capacité à communiquer des valeurs qui n'ont de sens que sur un être ensemble.
Seull'homme peut donc être politique – c'est-à-dire vivre avec ses congénères de manière organisée– parce qu'il estdoué de parole.
En d'autres termes, le langage permet d'accéder à une rationalisation du pouvoir. NB : il est aussi possible de montrer le pouvoir de la parole avec Platon, notamment Le Gorgias 451d – 453a. L'auteur montre comment un sophiste ou un orateur est capable de dominer n'importe quel individu par l'art desbeaux discours.
Cela lui confère un pouvoir encore plus grand que l'argent.
III/ Le langage permet non seulement l'expression de soi, mais aussi la création de soi : Nous avons vu que le langage permettait de s'exprimer, d'agir, de communiquer, et impliquait autrui.
Mais ce n'est pas parce que l'on est parvenu à s'exprimer que la tâche du langage s'arrête là.
En effet, l'expression de soi nese termine jamais une fois que nous avons trouvé les bons mots pour le dire.
Ainsi en m'exprimant, j'exprime noseulement mon intériorité, ais aussi je la crée.
Pendant longtemps on a cru que la pensée pouvait exister seule etétait largement supérieure à ce qu'il était possible de dire.
En effet, le simple flou dans lequel elle nous apparaissaitparfois était considéré comme un signe de richesse et de profondeur.
Or, loin d'être un indice de supériorité ou deprofondeur exceptionnelle, le fait qu'une pensée soit inexprimable est au contraire un défaut de clarté.
C'est ce quesouligne Boileau lorsqu'il dit que « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arriventaisément ». C'est aussi ce que montre Hegel dans l'Encyclopédie des sciences philosophiques, Tome III, § 462.
Selon lui, les mots ne sont pas le simple véhicule d'une pensée qui préexisterait déjà.
Bien au contraire, la parole permetd'éclaircir la pensée, de lui donner une forme.
Autrement dit, la parole permet à l'homme de penser.
C'est l'étroiteassociation entre les mots et les idées qui permet aux hommes à la fois de se représenter les choses et de lesmontrer, mais aussi de penser à partir d'elles.
« L'inexprimable est, en vérité, seulement quelque chose de trouble,en fermentation, qui n'acquiert de la clarté que lorsqu'il peut accéder à la parole.
» Hegel souligne à quel point laparole, c'est-à-dire l'extériorisation de l'intériorité est nécessaire pour donner de la clarté à la pensée.
La parolenous permet donc non seulement d'éclaircir nos pensées, mais aussi de les connaître, d'en prendre connaissance.Pour connaître nos pensées, il faut que nous leur donnions la forme de l'ob-jectivité, de l'être-différencié d'avecnotre intériorité : il faut que nous les extériorisons.
Or cela n'est possible que par les sons articulés, autrement ditpar la parole. Merleau-Ponty dans la préface de Signes confirme le propos de Hegel en l'approfondissant.
En effet, la parole selon lui permet non seulement de connaître et d'éclaircir nos pensées, mais elle est en même temps une interfaceoù le sensible n'est jamais coupé de l'intelligible.
La parole a une puissance expressive qui fait que nous la dépassonssans cesse en tant que telle pour la faire participer à la formation du sens.
De même que nous avons des bras etdes jambes sans y penser, nous avons la parole.
Cette dernière ne pourra jamais être parfaite, tout comme lapensée ne se suffira jamais à elle-même.
« Pensée et parole s'escomptent l'une l'autre.
» Conclusion : Le langage ne sert donc pas uniquement à s'exprimer ; lui donner uniquement cette fonction est réducteur. Cette dernière est certes importante, mais le langage peut aussi être pragmatique, c'est-à-dire permettre d'agir, etil surtout ce qui permet à la pensée – et par là-même à l'individu - de se construire..
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