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LE LANGAGE EST LE PROPRE DE L'HOMME

Publié le 24/03/2015

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langage
« Il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer ceux qui les examinent que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos pour exclure le parler des perroquets, sans exclure celui des fous qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelques friandises, lorsqu'elle l'a dit... Or il est, ce me semble, fort remarquable que la parole étant ainsi définie ne convient qu'à l'homme scal.
 
Car bien que Montaigne et Charron aient dit qu'il y a plus de
différence d'homme à homme que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite qu'elle ait usé
de quelque signe pour faire entendre à d'autres animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions ; et il n'est point d'homme si imparfait qu'il n'en use ; en sorte que ceux qui sont
sourds et muets inventent des signes particuliers par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort
argument pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent pas comme nous est qu'elles n'ont aucune pensée et non point que les organes leur manquent... Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas ; car cela même sert à prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est que notre jugement ne nous l'enseigne. Et sans doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges... « (Descartes au marquis de Newcastle, lettre du 23 novembre 1646.)

La thèse cartésienne a peu intéressé les linguistes du XIX' siècle et de la première moitié du XXe. Pour eux, expliquer le langage humain par la transcendance de la pensée, c'était adopter une position métaphysique. Autant la thèse de l'animal machine était scientifiquement féconde, autant celle de l'homme non mécanique, excluant toute approche positive des faits, était scientifiquement stérile. Aujourd'hui le grand linguiste Noam Chomsky revient sur cette prévention et signale l'intérêt
 
 
de la « linguistique cartésienne «. Le problème que se posait Chomsky était celui de la traduction automatique. Si chaque langue n'est qu'un système mécanique de signes dont l'emploi obéit à des règles fixes, une machine devrait pouvoir traduire une langue dans une autre. Mais l'entreprise s'est heurtée à l'immense variété des structures syntaxiques dans les diverses langues. Contre le mécanisme simpliste d'un Bloomfield, Chomsky revient semble-t-il à une certaine reconnaissance de la transcendance de la pensée sur le langage, ou comme il dit, des « rapports sémantiques « sur les «structures syntaxiques «. S'il y a des propriétés communes à toutes les langues, des « universaux «, c'est parce qu'il y a une raison universelle, une pensée qui vivifie l'emploi des signes et les transformations du discours. L'unité « profonde « de toutes les langues à travers leur extraordinaire diversité serait l'unité d'une raison « innée « chez tous les hommes. De telles conceptions remettent le ratio-nalisme cartésien à l'ordre du jour.


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Ce qui me semble un très fort argument pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent pas comme nous est qu'elles n'ont aucune pensée et non point que les organes leur manquent...

Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas; car cela même sert à prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est que notre jugement ne nous l'enseigne.

Et sans doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges ...

» (Descartes au marquis de Newcastle, lettre du 23 novembre 1646.) COMMENTAIRE a) Problèmes traités dans ce texte Ce texte reprend, sous une forme plus ramassée, ce que Des­ cartes avait dit du langage dans la Cinquième partie du Discours de la Méthode.

Il nous donne l'occasion de préciser la nature du langage selon Descartes, de rappeler comment le fait du lan­ gage permet au philosophe d'admettre l'existence d'autres âmes que la sienne propre, de distinguer radicalement l'homme de tous les animaux, de refuser de prolonger la thèse de l'animal­ machine par celle d'un homme-machine (qui sera au XVIII• siècle la thèse de La Mettrie), le langage privilège de l'homme étant précisément le signe auquel nous reconnaissons que nous sommes une substance pensante et pas seulement un automate.

b) Explication détaillée du texte .

...

Il n'y a aucune de nos actions extérieures qui puisse assurer ...

qu'il y a en notre corps une âme qui a des pen· sées, excepté les paroles.

Dans la deuxième Méditation, le philosophe se saisit dans l'acte même de douter de l'évidence de sa propre existence comme substance pensante.

Mais qu'est-ce qui me prouve que d'autres 27. »

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