Le langage est-il un obstacle à la connaissance ?
Publié le 24/03/2015
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«
Dissertations 53
que celui-ci est porteur de l'être.
C'est le sens de l'adjectif« apophantique »,
qui renvoie aux affirmations et aux négations, c'est-à-dire aux deux sortes
de d'assertion.
Le langage déclare,
il dit ce qui est.
Pourtant cette première
thèse sera vite confrontée aux Sophistes, car, comme dans le Gulliver de
Swift, seul le langage permet de faire être ce qui n'est pas.
b) Platon faisait du langage le lieu d'un accès à l'être lui-même,
et
notamment à ce monde intelligible porteur de la vraie réalité : et c'est
justement au nom de cette faculté à porter du général, des classes d'objets
plutôt que des objets (bref: des concepts) que Bergson fera, lui, du langage
un obstacle.
Sédimenté par les habitudes utiles à la vie, le langage dégénère
en scientisme et nous détourne de la vie, qui est singularité, mouvement et
durée : c'est alors dans la mesure même où le langage est utile à
la
connaissance qu'il manque l'essentiel, la vie.
Il faut alors s'entendre sur ce
que le mot
« connaissance » recouvre : le langage permet une connaissance
théorique (chacun voit ce que
je veux dire, sans avoir besoin de le voir,
quand
je dis le mot « fille » ), mais manque en même temps l'appréhension
du réel concret (à quelle fille puis-je bien penser en disant le mot
« fille » ?)
II -Le piège du langage
a) Ainsi peut-on dénoncer, dans le prolongement de l'optique
bergsonienne, le langage comme porteur d'une vision du monde et de
conditions de connaissance qui doivent être rejetées.
C'est bien le sentiment
de Nietzsche, qui dénonce dans le langage l'incarnation d'une vaine
croyance en un arrière-monde (voir le texte
n° 4 à ce sujet).
Le langage est
pour lui à ce point l'héritier d'une conception platonisante du réel qu'il en
vient à se méfier de ses rets : le philosophe est
« pris dans les filets du
langage» (§ 118 du Livre du philosophe).
Dans cette première direction, le
langage se présente bel et bien comme un obstacle.
b)
On peut aussi penser le danger du langage dans une autre direction,
qui est celle de l'usage.
Dans sa Seconde Méditation, Descartes, lancé dans
une analogie
entre le morceau de cire et autrui, s'arrête un instant sur ses
mots :
«car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même, les
paroles toutefois m'arrêtent, et
je suis presque trompé par les termes du
langage ordinaire ; car nous disons que nous voyons la même cire,
si on
nous la présente, et non pas que nous jugeons que c'est la même, de ce
qu'elle a même couleur et même
figure».
Ce sont ici les métaphores du
langage courant qui sont en cause, et qui nous trompent au lieu des sens.
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