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Le langage est-il un instrument de domination ?

Publié le 19/05/2024

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« Le langage est-il un instrument de domination ? COLLOQUE DES PHILOSOPHES Le langage est-il un instrument de domination ? Le colloque des philosophes est une sorte de débat qui ressemble à une grande dissertation orale, en ce que chaque groupe tente de répondre à la question principale en défendant son argument et en critiquant les autres positions philosophiques (comme dans une sous-partie argumentative). Vous allez donc travailler en groupe sur des extraits issus d’écrits de philosophes. Ils vous inspireront pour répondre à la question philosophique en classe entière — en se succédant à la parole ou en posant des questions de façon analogue à ce qui se passe dans un colloque universitaire ou professionnel. Concrètement chaque groupe, représenté par un porte-parole désigné, vient à la barre (au tableau) et se succède pour défendre un argument répondant à la question principale, et les autres groupes posent des questions (sous forme d’objections principalement, d’où la métaphore du tribunal, de la plaidoirie, etc.) L’argumentaire doit être consistant.

Pour ce faire, il doit être structuré comme une sous-partie argumentative de dissertation — référez vous à la méthodologie. Quelques éléments d’organisation : 7 groupes de 5 7 textes (ou groupe de textes) philosophiques rassemblés et numérotés dans les pages qui suivent (Nietzsche, Klemperer/Orwell, Descartes, Leibniz/Swift, Benveniste, Platon, Gorgias). À vous de former les groupes et de vous entendre sur la répartition des textes (un auteur par groupe bien sûr).

Tout cela devra être prêt pour la séance de rentrée, même si on prendra un bon quart d’heure de préparation du colloque. Composition de chaque groupe : Un (ou deux) porte(s)-parole (présente l’argument et la défense de l’auteur à la barre) ; Un secrétaire (prend en note l’échange) ; Un jury (répond aux objections des autres groupes et formule des objections aux autres groupes). Le langage est-il un instrument de domination ? LES TEXTES 1) GORGIAS, le discours sophistique comme pharmakon Que l’éloquence persuasive, jointe au discours, ait aussi façonné l’âme comme elle voulait, on doit s’en instruire d’abord auprès des discours des météorologues1 qui, en supprimant une opinion et en produisant une autre à la place, font apparaître aux yeux de l’opinion des choses incroyables et invisibles ; en second lieu, auprès des plaidoyers judiciaires, qui exercent leur contrainte par le discours, plaidoyers dans lesquels le discours charme et persuade une foule nombreuse, pourvu qu’il soit écrit avec art, même s’il ne dit pas la vérité ; en troisième lieu, auprès des discours philosophiques lorsqu’ils s’affrontent, et où la vivacité d’esprit se montre capable d’opérer des changements dans ce que croit l’opinion.

Or la puissance du discours a le même rapport à l’ordonnance de l’âme, que l’ordonnance du remède à la nature des corps.

De même, en effet, que différents remèdes expulsent du corps différentes humeurs, et mettent un terme, les uns à la maladie, et les autres à la vie, de même aussi, parmi les discours, les uns affligent, les autres enfin droguent l’âme et l’ensorcellent par une éloquence malsaine. GORGIAS, Eloge d’Hélène (IVe siècle av.

J.-C.), 13-14, GF Flammarion, p.

140-141. 2) SOCRATE, la condamnation de la rhétorique Bien.

Et la rhétorique destinée au peuple d’Athènes ? comme à d’autres peuples qui vivent dans d’autres cités, des peuples d’hommes libres ? de cette rhétorique, que devons-nous penser ? Les orateurs te donnent-ils l’impression de s’exprimer en vue du plus grand bien ? Est-ce leur objectif de rendre, grâce à leurs discours, les citoyens aussi bons que possible ? Ou bien, les orateurs ne sont-ils pas plutôt lancés à la poursuite de tout ce qui peut faire plaisir aux citoyens ? N’agissent-ils pas en faveur de leur intérêt privé, sans faire aucun cas de l’intérêt public ? Ne traitent-ils pas le peuple comme on traite des enfants, en essayant seulement de leur faire plaisir, sans s’occuper de savoir si, après cela, ils seront meilleurs ou pires — parce qu’à cela ils ne pensent même pas ? PLATON, Gorgias, 502 e, GF Flammarion, p.

263. Socrate encore : « La cuisine est à la médecine ce que la rhétorique est à la justice.

» 1 ici, devins s’inspirant du temps qu’il fait. Le langage est-il un instrument de domination ? 3) KLEMPERER, langue et propagande Quel fut le moyen de propagande le plus puissant de l'hitlérisme ? Etaientce les discours isolés de Hitler et de Goebbels, leurs déclarations à tel ou tel sujet leurs propos haineux sur le judaïsme, sur le bolchévisme ? […] Non, l'effet le plus puissant ne fut pas produit par des discours isolés, ni par des articles ou des tracts, ni par des affiches ou des drapeaux, il ne fut obtenu par rien de ce qu'on était forcé d'enregistrer par la pensée ou la perception. Le nazisme s'insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s'imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. […] Mais la langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d'autant plus naturellement que je m'en remets inconsciemment à elle.

Et qu'arrive-t-il si cette langue cultivée est constituée d’éléments toxiques ou si l'on en a fait le vecteur de substances toxiques ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d'arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu'après quelque temps l'effet toxique se fait sentir. V.

KLEMPERER, Lingua Tertii Imperii : La Langue du Troisième Reich (1947). 3) ORWELL, la novlangue Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer.

Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité.

Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées.

[…] Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint.

Il n’y a plus, dès maintenant, c’est certain, d’excuse ou de raison du crime par la pensée.

C’est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même.

Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte.

La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. George ORWELL, 1984, Gallimard, 1949, p.

77-78. Le langage est-il un instrument de domination ? éléments de cours — Klemperer et la novlangue nazie définition provisoire propagande : Action psychologique qui met en oeuvre tous les moyens d'information pour propager une doctrine, créer un mouvement d'opinion et susciter une décision. Qu’est-ce qu’une bonne propagande ? - Déconstruction de l’idée commune de propagande (discours de Goebbels, affiches…etc) : ce genre de canaux laisserait place à une forme de liberté mentale et perceptive, rendrait en tout cas possible une indépendance intellectuelle. - Invention d’une langue : « expressions isolées, tournures et formes syntaxiques » (style et rhétorique). - Exerçant une contrainte inconsciente et mécanique : « la langue pense à ma place », mais elle oriente encore mes sentiments et ma moralité (cf.

souillure raciale des juifs). Cf.

Hannah ARENDT sur Eichmann (fonctionnaire nazi, artisan de la solution finale) in La Vie de l’esprit : Il n’y avait en lui trace ni de convictions idéologiques solides, ni de motivations spécifiquement malignes, et la seule caractéristique notable qu’on décelait dans sa conduite, passée ou bien manifeste au cours du procès et au long des interrogatoires qui l’avaient précédé, était de nature entièrement négative : ce n’était pas de la stupidité, mais un manque de pensée. Dans le cadre du tribunal israélien et de la procédure carcérale, il se comportait aussi bien qu’il l’avait fait sous le régime nazi mais, en présence de situations où manquait ce genre de routine, il était désemparé, et son langage bourré de clichés produisait à la barre, comme visiblement autrefois, pendant sa carrière officielle, une sorte de comédie macabre.

Clichés, phrases toutes faites, codes d’expression standardisés et conventionnels ont pour fonction reconnue, socialement, de protéger de la réalité, c’est-à-dire des sollicitations que faits et événements imposent à l’attention, de par leur existence même. - Les mots comparés ici (texte Klemperer) à des doses d’arsenic (encore la métaphore du poison : action chimique clandestine qui corrode, symboliquement, le sang et la chair). Répétition de mots martelés par tous les canaux possibles — conduisant à les incorporer, d’autant que la palette linguistique nazie est très limitée. extraits La langue ne ment pas : - 03:00 : discours Hitler + Volk. - 07:00 : brûler les livres, la langue et « l’intellectualisme juif ». Récurrence des métaphores organique et technique en même temps (ex : Betriebszelle, « cellules de l’entreprise » : se synchroniser avec le régime comme des automates). - 14:00 : souillure raciale vs.

pureté allemande. - 20:00 : Erleben et Weltanschauung : la vision métaphysique du monde (superstition de la grammaire). - 44:00 : euphémismes pour les.... »

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