Le langage est-il ce qui nous rapproche ou ce qui nous sépare ?

« Le langage est-il ce qui nous rapproche ou ce qui nous sépare ? Le langage désigne, dans un sens large, tout système de signes et de règles permettant la communication ou l’expression, toute langue.

Un système de signes ne peut, en lui-même, rapprocher ou séparer.

On ne peut dire qu’une langue rassemble plus ou divise plus qu’une autre.

Ainsi, ce n’est pas le langage en lui-même mais l’usage qu’on en fait pour communiquer ou s’exprimer qui nous rapproche ou nous sépare.

Son essence est de créer des liens, non de déterminer leur nature.

Une guerre peut être déclarée par le langage, comme un traité de paix peut être rédigé.

Quelle part prend le langage dans le tissage de liens ? Quel type de lien domine ? Peut-on parler au-delà des intérêts ? C’est ce que nous chercherons à comprendre à travers trois parties. En premier lieu, le langage est créateur de liens par la communication et l’expression. Mais ces liens sont conditionnés par les hommes, c’est donc la valeur et la nature de ces liens qui déterminent les relations entre les hommes. Que crée le langage ? Le langage est fait de signes qui sont perçus en tant que tels, permettant la communication et véhiculant le sens, il est à la fois expressif et affectif. L’usage de ce langage, la parole induit la création de liens affectifs et de sociabilité, des liens de dialogue, d’échanges, de réciprocité.

Car « l’homme est un animal social » (Aristote), il est par nature poussé à se lier, à se mettre en relation avec les autres hommes, le langage constituant un moyen parfait pour accomplir cette nature.

« Donnez à l’homme une organisation tout aussi grossière qu’il vous plaira : sans doute il acquerra moins d’idées ; mais pourvu qu’il y ait entre lui et ses semblables quelque moyen de communication par lequel l’un puisse agir et l’autre sentir, ils parviendront à se communiquer enfin tout autant d’idées qu’ils en auront.

», Rousseau, Essai sur l’origine des langues.

Le langage est donc l’outil qui rend possible les liens entre les hommes : « C'est ce commerce de la parole qui est le lien de toute société domestique et civile.

», Aristote, Politique.

L’usage de la parole connecte les hommes entre eux pour former la société. Or, qui est responsable de la nature et des conditions de ces liens ? Ce sont les hommes : ils décident de la valeur des liens, de leurs sortes.

En effet, les hommes peuvent, grâce au langage, également se faire des ennemis ou des amis, des alliés ou des adversaires. « L'homme est un être politique et naturellement fait pour vivre en société », Aristote, Éthique à Nicomaque : l’homme a donc besoin de vivre en groupe, en communauté, et ainsi de former tous les liens possibles dans une société ; on ne connaît d’homme sans ennemis ni d’homme sans camarades. Par conséquent, ce sont la nature et la valeur des liens qui déterminent les rapports et relations entre les hommes, s’ils sont rapprochés ou séparés, et non le langage.

Certes, il ne peut y avoir relation sans interaction, mais c’est l’essence de l’interaction qui produit un type ou un autre de lien.

Il est évident qu’un lien de cordialité réunira alors qu’un lien d’hostilité divisera. Ainsi, le langage est le moyen de création de lien, les hommes choisissant le genre de lien qu’ils veulent tisser, la valeur de ce lien déterminera alors si les hommes seront rapprochés ou séparés. Or, la qualité de la communication est primordiale dans l’établissement des liens, cette qualité étant déterminée par le cadre dans lequel le lien se noue. D’abord, le cadre et les conditions dans lesquels la relation se crée la définissent et la déterminent.

On ne peut avoir le même lien avec quelqu’un rencontré dans la rue qu’avec quelqu’un rencontré lors d’un repas de famille : la qualité de notre communication sera largement supérieure pendant le repas familial, il en sera alors de même pour la relation puisque cadre, qualité de la communication et type de lien sont intimement liés. Or, le cadre est souvent pratique, lié au besoin, la qualité de la communication est alors pauvre.

La société actuelle, dans laquelle la recherche du profit est primordiale, de même que le productivisme, nous pousse à aller toujours plus vite et à nous considérer, les uns les autres, comme des outils de production, des machines assouvissant des besoins.

Il coule donc de source que, dans ce cadre, nos liens soient pratiques, nous sommes reliés par nos besoins. Par exemple, les rares fois où nous nous adressons à des inconnus sont lorsque nous avons besoin d’un renseignement, nous leur parlons par nécessité et non par envie de créer un lien. Les rapprochements ou les séparations entre les hommes sont uniquement.... »